Dans le Livre des curiosités, en arabe Kitāb Gharā'ib al-funūn wa-mula' al-'uyūn, ouvrage anonyme compilé en Égypte dans la première moitié du XIe siècle, l'arbre waq-waq est un arbre fabuleux qui porte des fruits humanoïdes. Dans cet ouvrage, les pays des Waq-Waq est une terre fabuleuse située, parfois sur la côte est de l'Afrique, parfois en Asie du Sud-Est.
Dès avant l'an mil, de nombreux échanges commerciaux étaient réalisés avec les commerçants arabes mais aussi de l'Ouest de l'archipel indonésien. Dans son Livre des merveilles de l'Inde, le capitaine persan Ibn Shahriyar rapporte le témoignage d'un marchand arabe du nom d'Ibn Lakis qui, en 945, voit arriver sur la côte du Mozambique un millier d'embarcations montées par des Waq-Waq qui viennent d'îles « situées en face de la Chine »[1],[2] chercher des produits et des esclaves zeng, mot arabe qui désigne à l'époque les habitants de la côte est de l'Afrique.
Tous deux comparent ces îles dirigées par des femmes au mythe des Amazones ainsi que, pour Burton, à un passage du Livre de Marco Polo. Le marchand vénitien évoque deux îles situées à 500 milles aux sud de Mekran et autant au nord de Socotra, dans l'océan Indien : Mâle et Femelle (ou Féminie). Séparées de trente milles l'une de l'autre, elles sont respectivement peuplées uniquement d'hommes et de femmes. Ses habitants sont des chrétiens baptisés et respectent les règles de l'Ancien Testament. Lorsque leurs femmes sont enceintes, les hommes n'ont plus de rapport avec elle ; lorsqu'elles ont des filles, ils s'abstiennent ensuite pendant quarante jours. Ils n'ont pas de seigneur, mais un évêque subordonné à l'archevêque de Socotra. Ils ont aussi leur propre langue. Chaque mois de mars, les hommes quittent Mâle pour Femelle et y restent trois mois, pendant lesquels ils prennent plaisir avec leur femme. Ensuite, ils retournent chez eux pour travailler et commercer pendant les neuf autres mois. Si les femmes ont des filles, elles les gardent avec elles ; si elles ont des garçons, elles les élèvent pendant quatorze ans, avant de les envoyer chez leur père. Dans leur île, les hommes ont de l'ambre fin en grande quantité. En plus de se nourrir de viande, de lait et de riz, ces bons pêcheurs prennent beaucoup de grands poissons qu'ils font sécher, qu'ils mangent ou vendent aux marchands de passage. De leur côté, les femmes ne font rien d'autre qu'élever leurs enfants et se nourrir des fruits de leur île ; les hommes leur fournissant tout ce qui est nécessaire. Pierre-Yves Badel souligne que c'est une variante de la légende des Amazones. Toujours selon lui, certains traits (les hommes qui vont vers les femmes, durée de leur séjour) semblent venir des usages attribués aux Brahmanes par Palladios dans son ouvrage Sur les peuples de l'Inde et les Brahmanes[7].
↑"[FN#95] Afterwards called Wák Wák, and in the Bresl. Edit. Wák al-Wák. See Lane's notes upon these Islands. Arab Geographers evidently speak of two Wak Waks. Ibn al-Fakih and Al-Mas'údi (Fr. Transl., vol. iii. 6-7) locate one of them in East Africa beyond Zanzibar and Sofala. "Le territoire des Zendjes (Zanzibar-Negroids) commence au canal (Al-Khalij) dérivé du haut Nil (the Juln River?) et se prolonge jusqu'au pays de Sofalah et des Wak-Wak." It is simply the peninsula of Guardafui (Jard Hafun) occupied by the Gallas, pagans and Christians, before these were ousted by the Moslem Somal; and the former perpetually ejaculated "Wak" (God) as Moslems cry upon Allah. This identification explains a host of other myths such as the Amazons, who as Marco Polo tells us held the "Female Island" Socotra (Yule ii. 396). The fruit which resembled a woman's head (whence the puelloe Wakwakienses hanging by the hair from trees), and which when ripe called out "Wak Wak" and "Allah al-Khallák" (the Creator) refers to the Calabash-tree (Adausonia digitata), that grotesque growth, a vegetable elephant, whose gourds, something larger than a man's head, hang by a slender filament. Similarly the "cocoa" got its name, in Port. = Goblin, from the fancied face at one end. The other Wak Wak has been identified in turns with the Seychelles, Madagascar, Malacca, Sunda or Java (this by Langlès), China and Japan. The learned Prof. de Goeje (Arabishe Berichten over Japan, Amsterdam, Muller, 1880) informs us that in Canton the name of Japan is Wo-Kwok, possibly a corruption of Koku-tan, the ebony-tree (Diospyros ebenum) which Ibn Khor-dábah and others find together with gold in an island 4,500 parasangs from Suez and East of China. And we must remember that Basrah was the chief starting-place for the Celestial Empire during the rule of the Tang dynasty (seventh and ninth centuries). Colonel J. W. Watson of Bombay suggests New Guinea or the adjacent islands where the Bird of Paradise is said to cry "Wak Wak!" Mr. W. F. Kirby in the Preface (p. ix.) to his neat little book "The New Arabian Nights", says: "The Islands of Wak-Wak, seven years' journey from Bagdad, in the story of Hasan, have receded to a distance of a hundred and fifty years' journey in that of Majin (of Khorasan). There is no doubt(?) that the Cora Islands, near New Guinea, are intended; for the wonderful fruits which grow there are Birds of Paradise, which settle in flocks on the trees at sunset and sunrise, uttering this very cry." Thus, like Ophir, Wak Wak has wandered all over the world and has been found even in Peru by the Turkish work Tárikh al-Hind al-Gharbi = History of the West Indies (Orient. Coll. iii 189)."
↑Note 131., à propos des îles Wak-Wak, décrites dans le conte comme étant gardées par une armée composée de jeunes filles vierges dirigée par une reine :
"Nous retrouvons ici le château des femmes [thème déjà abordé dans des notes précédentes], sous la forme de l'île des femmes. Le marin des Merveilles de l'Inde raconte ainsi l'aventure des naufragés :
« De l'intérieur de l'île, des femmes accourent à leur rencontre, en si grand nombre qu'Allah seul eût pu les compter. Chaque homme en voit mille et plus l'assaillir, et, sans tarder, elles l'entraînent vers la montagne où elles le contraignent à s'unir à elles. Les plus fortes enlèvent leur homme aux plus faibles, et, dans cette lutte prolongée, les hommes les uns après les autres, meurent d'épuisement. »
Kazouini décrit ainsi la cité des femmes : c'est une île du Maghreb : « sa population se compose de femmes sur qui les hommes n'ont aucun pouvoir. Elles montent à cheval et font elles-mêmes la guerre ; elles sont pleines d'ardeur à l'attaque. Elles ont des esclaves mâles ; chacun d'eux vient, à tour de rôle, passer la nuit avec sa maîtresse... Quand l'une d'elles met au monde un enfant mâle, elle le tue à l'instant, mais si c'est une fille, on la laisse vivre... La ville des femmes existe certainement ; il n'y a aucun doute à avoir là-dessus. »
Kazouini assimile aussi la cité des femmes aux îles Wak-Wak :
« La reine des Wak-Wak est une femme. Mousa ben Moubareq rapporte qu'il pénétra jusqu'à elle et qu'il la vit nue sur son trône. Sa tête était ceinte d'une couronne d'or, et auprès d'elle, il y avait quatre mille esclaves, nues et vierges. »
En Occident, nous avons le pays des Amazones.
(Cf. Maurice Gaudefroy-Demombynes : Les cent et une nuits)"
↑Note 135. : "Les îles Wak-Wak, l'île Wak-Wak l'arbre Wak-Wak. Qu'il soit difficile de déterminer géographiquement les îles Wak-Wak ne signifie pas qu'elles sont purement imaginaires. Les anciens géographes les situaient entre la côte orientale de l'Afrique et les îles de la Sonde ; mais comme eux-mêmes n'avaient pas une idée précise de cette partie du globe, on a tenté de situer ces îles successivement dans tous les archipels connus. La découverte de terres où tout semblait extraordinaire donnait lieu à des récits fantastiques qui devenaient la proie des imaginations.
Ainsi parle ce géographe du Xe siècle : « Ces îles sont appelées Wak-Wak, parce qu'il y avait là une île isolée où l'on trouve un arbre qui porte un fruit ressemblant à la tête d'une femme pendue par les cheveux. Quand un de ces fruits est mûr, il pousse avec force le cri de wak-wak ; puis il tombe et sèche immédiatement. » Cette description se rapproche beaucoup de celle de notre Hassan de Balsora.
De son côté, un livre chinois du VIIIe siècle, le T'ong-tien, présente ainsi cette merveille : « Le roi (des Arabes) avait envoyé des gens qui, montés sur un bateau... parcoururent (la mer) pendant huit années sans parvenir jusqu'à l'extrême rivage d'Occident. Au milieu de la mer ils aperçurent un rocher carré ; sur ce rocher était un arbre dont les branches étaient rouges et les feuilles vertes. Sur l'arbre avaient poussé une foule de petits enfants ; ils étaient longs de 6 à 7 pouces ; quand ils voyaient des hommes, ils ne parlaient pas, mais ils pouvaient tous rire et s'agiter. Leurs mains, leurs pieds et leurs têtes adhéraient aux branches de l'arbre. Quand ces hommes les détachaient et les prenaient, aussitôt qu'ils étaient entrés dans leurs mains, ils se desséchaient et devenaient noirs. Les envoyés revinrent avec une branche (de cet arbre) qui se trouve maintenant dans la résidence du roi (des Arabes). »
En fait, il semble que l'île Wak-Wak des Arabes ait été Madagascar : on y trouve deux mots dont le sens est en rapport avec notre légende, et dont la superposition donne très exactement Wak-wak : vah-waka signifie royaume, peuple ; vakwa désigne une espèce d'arbre du pays.
(Gabriel Ferrand : Les Îles Râmny, Lâmery, Wâkwack, Komor des géographes arabes, et Madagascar)"
↑Marco Polo (trad. Pierre-Yves Badel), , Le livre de Poche, coll. « Lettres gothiques », 1998, La Description du Monde
Voir aussi
Bibliographie
Livre des curiosités
Issawi, Charles, "Arab Geography and the Circumnavigation of Africa" in Osiris, Vol. 10, 1952, The Chicago University Press
Suarez, Thomas, Early Mapping of Southeast Asia, Tuttle Publishing, 1999, (ISBN9625934707), 9789625934709
Toorawa, Shawkat M., "Wâq al-wâq : Fabulous, Fabular, Indian Ocean (?) Island(s) ..." in Emergences : Journal for the Study of Med, Volume 10, No. 2, , Cornell University Press
Allibert C., ""Waqwaq: végétal, minéral ou humain? Reconsidération du problème", in L'arbre anthropogène du Waqwaq, les femmes-fruits et les îles des femmes, recherches sur un mythe à large diffusion dans le temps et l'espace, publiées par J.-L. Bacqué-Grammont et M. Bernardini et Berardi, Università degli Studi di Napoli "L'Orientale" et Institut Français d'Etudes Anatoliennes Georges Dumézil, Series Minor LXXII, Napoli 2007:225-241