Le vœu de Louis XIII est un texte législatif soumis au Parlement de Paris et ratifié par le roi Louis XIII en 1638. Ce texte consacre le royaume de France, le roi et ses sujets sous la protection de la Vierge Marie. Il inclut un ensemble de promesses et d'actes de dévotions religieuses à effectuer par le roi et toute la population, essentiellement à l'occasion de la fête de l'Assomption de la Vierge (le 15 août).
Une tradition a associé ce vœu royal à la naissance (ou à la demande de naissance) du futur roi Louis XIV qui naîtra le , c'est-à-dire dans les mois qui ont suivi le vœu de Louis XIII.
Historique
Le contexte politique
Le contexte politique tant intérieur qu'extérieur du royaume de France est difficile dans les années précédents ce vœu solennel du roi. Si la guerre de religion avec les protestants est à peu près calmée après la paix d'Alès de 1629, plusieurs grands seigneurs ourdissent toujours des complots contre Richelieu, voire le roi lui-même. Le propre frère du roi, Gaston de France, conspire également contre lui, et son épouse, Anne, communique des secrets d’État à l'étranger[V 1].
Sur le front extérieur, la Guerre de Trente Ans qui ravage l'Europe voit un tournant dangereux pour la France : en 1634 les alliés de la France sont vaincus militairement obligeant la France à intervenir. Le , les troupes espagnoles descendent par le Nord-Est et franchissent la Somme. Le 16 août, la ville de Corbie tombe entre leurs mains. Paris est menacé. Le roi doit venir faire le siège de Corbie qu'il reprend en novembre[V 2].
Les étapes du vœu
Après 20 ans de mariage, le roi et la reine n'avaient toujours pas d'enfant, malgré plusieurs fausses-couches de la reine[1].
À la chapelle des Pénitents bleus de Toulouse (1632)
Marié à l'âge de 14 ans en 1615, Louis XIII a 31 ans en 1632. Il est le premier roi de France à être membre de la confrérie des Pénitents bleus. En 1622, il envoie l'évêque de Pamiers, Mgr d'Esparbès de Lussan, poser à Toulouse la première pierre de la nouvelle chapelle des Pénitents bleus (aujourd'hui sanctuaire Saint-Jérôme). Il y vient avec son épouse, le et, depuis la Tribune royale, fait un vœu solennel à la Vierge pour obtenir un successeur à la Couronne de France.[réf. nécessaire]
Aux Minimes d'Abbeville (juillet 1637)
Le , Richelieu propose au Roi de faire installer une lampe perpétuelle, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, en l'honneur de la Vierge Marie, pour qu'elle aide aux succès des armées françaises. Le roi répond très rapidement[Note 1] au Cardinal, par écrit, qu'il souhaite réaliser ce vœu sans délais[V 2].
Les rapides succès militaires sur les frontières du royaume, sont interprétés par le roi et par le cardinal, comme une « réponse favorable de la Vierge » qui aurait ainsi permis de protéger la France dans cette période troublée par les invasions espagnoles, la préservant des incursions d'armées étrangères sur son sol[2],[V 2],[V 3].
L'élaboration du texte
Le texte du Vœu s'ébauche « dès les premiers mois de 1637 ». C'est Richelieu qui élabore et rédige une première version du texte. En avril 1637 l'ambassadeur de France à Rome connaît déjà l'essentiel du texte final. En novembre, c'est l'ambassadeur de Suède à Paris qui communique les grandes lignes du texte à son souverain, en raillant ce projet royal de soumission à la Vierge Marie[Note 2]. En novembre, le texte est soumis au parlement de Paris et subit quelques modifications[V 3].
La procédure législative étant arrivée à son terme, le roi peut signer le texte le , depuis son château de Saint-Germain-en-Laye[V 3].
Les neuvaines à Notre-Dame de Grâces de Cotignac (27 octobre 1637)
Le frère Fiacre rapporte que cette intuition est confirmée par une « apparition de la Vierge » le , la Vierge lui redisant que la reine aurait bien un fils si elle faisait exécuter ces prières. Le religieux obtient un entretien avec la reine, qui, une fois informée, mandate le frère pour réaliser ces trois neuvaines. Les neuvaines sont débutées le [4],[5]. La reine l'envoie à Cotignac pour y conclure ses neuvaines qui se terminent le suivant[V 4],[3].
Dès le mois de , la reine, certaine d'être enceinte, envoie le frère Fiacre à Cotignac pour y prier et obtenir que l'enfant naisse sans problème. Le , le roi signe le « vœu qui consacre le royaume de France à la Vierge »[5]. À sa naissance, le jeune Louis reçoit comme prénom (en plus de son prénom Louis) « Dieudonné », ce qui signifie « donné par Dieu »[8].
Tradition du Vœu lié à la naissance du fils attendu
Une thèse a été relayée et défendue par de nombreux orateurs et même des historiens[Note 3], que le fameux « vœu de Louis XIII » aurait été prononcé en remerciement de la grossesse de son épouse[Note 4]Anne d’Autriche après vingt-trois ans de mariage, ou simplement pour demander un héritier mâle[9],[5],[V 4].
M. de Vaulgrenant conteste avec vigueur cette hypothèse arguant que la rédaction de la consécration est antérieure à la grossesse de son épouse, et que nulle part dans le texte il n'est fait mention d'une demande, ou d'une reconnaissance pour la naissance du futur Louis XIV[V 4]. Youness Bousenna, semble également abonder en ce sens lorsqu'il écrit dans un article du journal Le Monde que « l'ensemble spectaculaire » du retable de la cathédrale de Paris [représentant le vœu de Louis XIII] « cristallise un désir qui relie la France à cette figure majeure du christianisme : le vœu de Louis XIII, formulé en 1638, de consacrer son royaume à la Vierge et de faire du 15 août le jour de sa célébration », sans avoir de lien avec la naissance désiré de Louis XIV[10].
Le vœu de Louis XIII du
Le texte qui a été soumis et adopté par le Parlement de Paris est finalement signé par le Roi le , en son château de Saint-Germain-en-Laye. Ce texte, ratifié par le parlement, figure dans le Recueil des anciennes lois françaises[11] du juriste Isambert[V 5]. Pour Maurice de Vaulgrenant, ce texte « est un acte officiel au premier chef qui doit être considéré comme une loi française »[V 5].
Par ce texte, Louis XIII déclare « prendre la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume » et de consacrer le royaume de France à Notre-Dame « en laquelle nous mettons particulièrement nostre[Note 5] Personne, nostre Etat, nostre Couronne, et tous nos Sujets pour obtenir par ce moyen celle de la Saincte Trinité, par son intercession, et de toute la Cours céleste, par son auctorité et exemple »[Note 6].
Pour rendre visible et garder la mémoire de ce vœu, Louis XIII instaure les processions du 15 août (fête de l'Assomption de la Vierge) durant lesquelles les sujets devaient prier Dieu et la Vierge pour les heureux succès du roi. En outre, chaque église épiscopale du royaume se devait, dans la mesure où l'église elle-même n'était pas sous le patronage de la Vierge, de consacrer sa chapelle principale à la Reine des Cieux. Louis XIII promet enfin d'élever un nouveau maître-autel dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, avec une sculpture de la Pietà, devant laquelle lui-même sera représenté lui remettant son sceptre et sa couronne[9],[V 5]. Il demande également que chaque jour de l'Assomption à l'issue de la prière des vêpres, se tienne une grande procession solennelle (avec tous les notables et officiers de la ville), tant dans les cathédrales du royaume, que dans les églises paroissiales et les monastères[V 5].
Quelques mois plus tard, les troupes espagnoles contre-attaquent dans le nord de la France, le roi se rend à Abbeville avec Richelieu pour défendre la ville menacée. Le 15 août, dans l'église d'Abbeville, la fête religieuse est « célébrée en grande pompe », et lors de la messe solennelle, le roi y consacre son royaume à la Vierge[12],[V 6].
Le maître-autel de Notre-Dame de Paris
Décédé prématurément cinq ans plus tard, le roi n'a pas le temps de matérialiser la deuxième partie de son vœu concernant Notre-Dame de Paris. C'est son fils Louis XIV qui le réalise plus de soixante ans après[V 6].
De 1708 à 1725, Robert de Cotte remanie complètement le chœur de la cathédrale, masquant les ogives par des arcades en plein cintre qui ne sont plus au goût du jour. De part et d'autre du maître-autel, des statues d'ange en bronze sont placées, ainsi que celles des deux rois, Louis XIII par Guillaume Coustou et Louis XIV sculpté par Antoine Coysevox. Une pietà de Nicolas Coustou est placée derrière le maître-autel[V 6]. Le chanoine Antoine de La Porte (1627-1710) avait obtenu du roi l'autorisation de financer sur sa fortune personnelle six grandes peintures à l'huile retraçant la vie de la Vierge, pour être installées au dessus des stalles du chœur. Après sa mort survenue en 1710 ce sont huit tableaux qui seront exécutés par les grands peintres du siècle :
Le jubé est démoli et les stalles de Charpentier et Dugoulon sont surmontées des huit tableaux dont un seul subsiste actuellement à Notre-Dame. C'est à l'occasion de ces travaux que l'on découvre, dans la fondation de l'autel, les quatre pierres du pilier des nautes.
Lors de la Révolution, une partie de cet ensemble, dont les reliefs des anges des écoinçons, ainsi que deux statues d'anges en bronze, est détruite. Remis en place lors de la Restauration, l'ensemble, réalisé par Robert de Cotte, est largement remodelé au XIXe siècle par Eugène Viollet-le-Duc, ce dernier désirant ressusciter la cathédrale du Moyen Âge. Mais les statues de la Piéta et des deux rois sont conservées à leur place[10].
Si la cathédrale de Paris est ravagée par un incendie en 2019, les sculptures du retable ont échappé à la destruction[25].
Postérité du vœu de Louis XIII
Cette consécration fut confirmée par Louis XIV le , puis renouvelée par Louis XV en 1738, à l'occasion du centenaire du vœu. A cette occasion, le roi écrit à tout les évêques du royaume pour exprimer « sa volonté de voir commémorer avec éclat le centenaire » de ce vœu[26],[V 4].
En 1922, le pape Pie IX déclare la Vierge de l'Assomption « patronne principale de la France », rappelant ainsi le lien établi par Louis XIII entre Notre-Dame de l'Assomption et le royaume de France[3].
Le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, a réintroduit la procession pour faire mémoire du vœu de Louis XIII, le [27],[28]. Et depuis cette date, à l'issue de la procession, un évêque relit solennellement le texte du vœu royal[29].
En 2022, l’évêque de Chartres, a renouvelé le vœu de Louis XIII et la consécration de la France à Marie lors de la procession du 15 août[30].
Louis Manaranche rappelle que le jour férié du 15 août, toujours en vigueur dans notre république laïque, est une conséquence et un héritage du vœu de Louis XIII[29].
Iconographie
Le vœu de Louis XIII a été représenté sur plusieurs tableaux, présentés par ordre chronologique :
Claude Vignon, « En Jésus et Marie notre amour est uni » ou Déploration sur le Christ mort avec Louis XIII et Anne d’Autriche, 1634, Amiens, musée de Picardie.
Gilles Rousselet, Le Vœu de Louis XIII, d’après Claude Vignon, vers 1638.
Une copie de la toile d'Ingres de 1826 redécouverte à Lons-le-Saunier en 2015. Cette oeuvre accrochée dans l'église Saint-Désirée de Lons-le-Saunier jusqu'en 1931 pourrait être une copie du maître ou d'un de ses élèves[32].
↑Maurice de Vaulgrenant qui conteste cette thèse ne cite aucun non, mais indique juste que « plusieurs historiens -et non des moindres- maints orateurs sacrés ont soutenu que l'acte royal avait été inspiré à Louis XIII par sont ardent désir d'avoir un héritier mâle ». (Maurice de Vaulgrenant 1838, p. 56). Nous pouvons citer Louis Manaranche dans son article dans Le Figaro (Louis Manaranche 2014).
↑La grossesse de la reine était connue depuis le mois de janvier.
↑ a et bYouness Bousenna, « La fête de l’Assomption, ou l’histoire politique d’une dévotion française à la Vierge Marie », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
↑François-André Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789 : contenant la notice des principaux monumens des Mérovingiens, des Carlovingiens et des Capétiens, et le texte des ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, règlemens,... de la troisième race, qui ne sont pas abrogés, ou qui peuvent servir, soit à l'interprétation, soit à l'histoire du droit public et privé, t. XIX, Paris, Belin-Le-Prieur, (lire en ligne).
↑Desevel, « Le Voeu de Louis XIII », Bibliothèque historique monumentale, ecclésiastique et littéraire de l'Artois et de la Picardie, , p. 215-217.
↑Charles de La Fosse et France, L'adoration des bergers, (lire en ligne)
↑Charles de La Fosse et France, L'Adoration des Mages, (lire en ligne)
↑Louis II de Boullogne et France, Le Repos pendant la fuite en Égypte, (lire en ligne)
↑Louis II de Boullogne et France, La Présentation au Temple, (lire en ligne)
↑Jean Jouvenet et France, La Visitation de la Vierge (Le Magnificat), (lire en ligne)