Un téléphone grave danger se présente comme un smartphone ordinaire[1].
Le téléphone grave danger comporte une touche préprogrammée reliée à un service d'assistance ouvert en permanence[2] et n'a pas d'autre fonction. Un opérateur hébergé par Allianz Partners France ou Orange évalue le danger et, au besoin, contacte les forces de l'ordre via un canal spécifique[3],[4]. Les évolutions technologiques permettent de géolocaliser l'origine de l'appel[2], en théorie avec l'accord de la détentrice, selon l'article 41‑3‑1 du code de procédure pénale[5]. Certains appels au service d'assistance servent à vérifier le fonctionnement du dispositif ou signaler un déplacement de la détentrice[6].
Le dispositif est mis en place pour une durée de six mois renouvelables[3].
Certaines sources désignent le TGD comme « téléphone grand danger »[7],[8],[9].
Histoire
L'Espagne a instauré un système similaire au TGD avant la France[10],[11]. Le TGD est le fruit d'une collaboration entre Ernestine Ronai, qui dirige l'Observatoire départemental des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis, et Patrick Poirret, procureur adjoint à Bobigny[3]. Le numéro d'urgence pour joindre la police étant sollicité par de nombreux appels, Ronai et Poirret établissent une ligne spéciale permettant de joindre rapidement les forces de l'ordre[3].
En , Marlène Schiappa déclare que « deux tiers [des TGD] ne sont pas attribués et dorment dans un placard »[15] ; la même année, lors du Grenelle des violences conjugales, elle invite les collectivités à octroyer plus fréquemment le TGD[2].
Outre que la nécessité de vivre séparément de son conjoint exclut un nombre considérable de femmes[19], cette législation ne permettait pas d'attribuer un téléphone en urgence tant qu'une procédure d'éloignement n'avait pas abouti[5].
D'autre part, la remise d'un téléphone par le procureur, seul habilité à en juger, ne pouvait se faire qu'à condition qu'il soit sollicité, et il semble que les procédures en vigueur dans la quasi-totalité ou la totalité des juridictions aient conditionné l'étude de cette demande à un visa préalable par une association de protection des femmes contre les violences, ce qui posait des difficultés dans les zones où ces associations n'étaient pas présentes[5].
Pour résoudre ces deux obstacles, la loi de 2019 a prévu deux amendements du code de procédure pénal. Désormais, il est précisé que « l'attribution peut être sollicitée par tout moyen » donc y compris par la victime. D'autre part, un téléphone peut être attribué en cas de danger avéré et imminent, même si aucune des procédures d'éloignement n'a encore abouti, ou si l'ex-conjoint est en fuite[17]. Le TGD peut aussi être attribué à une victime de viol[20].
Cette attribution n'est toutefois pas automatique et reste soumise à l'appréciation souveraine du procureur, les députés ayant craint qu'une attribution trop large n'entraîne « une hausse massive du nombre des terminaux, donc des appels, [qui] risquerait d’excéder les capacités de réponse et, au final, d’obérer gravement les performances du dispositif »[5].
Divers critères peuvent être pris en compte, comme la durée et la répétition des violences dénoncées, l'ancienneté de la menace ou du harcèlement, les antécédents pénaux de la personne mise en cause, le risque de réitération des faits, l'isolement de la victime, etc[4].
La Commission d'enquête menée en 2021 après l'assassinat prévisible de Chahinez Boutaa (blessée puis immolée par le feu par son mari après sa libération anticipée, et à qui aucun TGD n'avait été proposé) a précisé que la périodicité des réunions des comités de pilotages devraient être fixée à deux semaines[21]. Ces comités sont chargés du suivi des mesures et sur une évaluation des attributions futures, ils n'ont aucun pouvoir en matière d'attribution.
Bilan
En 2018, en France, une femme est assassinée tous les trois jours par son conjoint ou son ex[18]. En 2014, 304 personnes au total ont bénéficié du TGD et 157 téléphones étaient actifs[13]. Fin 2018, 837 TGD sont actifs : 756 en métropole, 71 en Outre-Mer[22]. En , 682 ont été attribués[3]. En , ce nombre est passé à 1171, triplant en moins d'un an[4]. Fin 2021, le parc était de 3320 TGD déployés dont 2252 attribués (68%)[réf. souhaitée] et en 2022, ces chiffres étaient respectivement de 4 367 téléphones déployés, dont 2183 attribués à une victime[23].
Bien que le service soit rebaptisé « téléassistance pour la protection des personnes en grave danger », seuls trois hommes auraient bénéficié du TGD[3],[24].
En 2016, le TGD a entraîné 222 interventions des forces de sécurité intérieure (police ou gendarmerie)[6] ; en 2017, 282[22] ; en 2018, 420 ; en 2019, 727 ; en 2020, 1185 ; en 2021 (novembre) 1083[3]. Deux bénéficiaires du dispositif ont été tuées en 2018[25].
Il existe des objections concernant le TGD car il revient aux victimes de veiller à leur protection ; certains auteurs estiment que l'agresseur devrait être équipé d'un bracelet électronique[2],[26] ou que l'agresseur devrait bénéficier, en amont, d'une prise en charge[27]. En 2011, un essai a été mené à Aix-en-Provence, Amiens et Strasbourg : chaque partie portait un bracelet pour éviter la proximité avec l'autre[18].
Notes et références
Notes
↑Article 36 de la loi no 2014-873 du 4 août 2014 : Après l'article 41-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-3-1 ainsi rédigé : « Art. 41-3-1.-En cas de grave danger menaçant une personne victime de violences de la part de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, le procureur de la République peut attribuer à la victime, pour une durée renouvelable de six mois et si elle y consent expressément, un dispositif de téléprotection lui permettant d'alerter les autorités publiques. Avec l'accord de la victime, ce dispositif peut, le cas échéant, permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l'alerte.
« Le dispositif de téléprotection ne peut être attribué qu'en l'absence de cohabitation entre la victime et l'auteur des violences et lorsque ce dernier a fait l'objet d'une interdiction judiciaire d'entrer en contact avec la victime dans le cadre d'une ordonnance de protection, d'une alternative aux poursuites, d'une composition pénale, d'un contrôle judiciaire, d'une assignation à résidence sous surveillance électronique, d'une condamnation, d'un aménagement de peine ou d'une mesure de sûreté.
« Le présent article est également applicable lorsque les violences ont été commises par un ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par une personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, ainsi qu'en cas de grave danger menaçant une personne victime de viol. »
Références
↑Laurène Daycard, « Violences conjugales : le téléphone grave danger est-il efficace ? », L'Obs, (lire en ligne).
↑ abcdefgh et iZineb Dryef et Luc Leroux, « Féminicides : le Téléphone grave danger, bilan d’un dispositif vieux de dix ans », Le Monde, (lire en ligne).
Elise Godeau et Ernestine Ronai (int.), « Avec le téléphone "grand danger", on protège la femme avant de nouvelles violences », Libération, (lire en ligne).
Valérie Mahaut, « Un téléphone réservé aux femmes en grand danger », Le Parisien, (lire en ligne).
Stéphane Sellami, « Exclusif. Lutte contre les violences conjugales : plus de 8 000 appels recensés en 2017 », Le Point, (lire en ligne).