Les troménies se déroulent toutes entre l'Ascension et la Pentecôte (sauf celles de Locronan) et circonscrivent un espace paroissial plus ou moins important.
Historique
Le mot « troménie » est une francisation du bretontro-minihi, littéralement tour (tro) du minihi dérivation du latin monachia (espace monastique du haut Moyen Âge). L'appellation la plus ancienne désigne la grande troménie de Locronan, une procession giratoire catholique d'environ douze kilomètres qui se déroule tous les six ans en l'honneur de saint Ronan qui selon la tradition l'a faite tous les jours de sa vie[1]. La petite troménie est un parcours de six kilomètres effectué tous les ans le 2e dimanche de juillet entre deux grandes troménies[2]. L'ascension du Menez-Lokorn (montagne (plutôt une colline) de Locronan) a justifié chez de nombreux auteurs l'étymologie de troménie par tro-menez ou tour de la montagne. L'hagiographie du haut Moyen Âge consacre les troménies comme des circuits de fondation d'espace sacraux monastiques.
Dans le cas de Locronan, la grande troménie pourrait correspondre à la pérégrination d'un espace sacral antique ; le circuit passe par la forêt de Névet, dont l'étymologie découlerait de nemet (« sacré »), dérivation du nemetondruidiquegaulois. La forme du circuit (quadrilatère ou carré sacré relevé pour la première fois par Donatien Laurent), la présence de mégalithes sur le circuit (la plupart détruits aujourd'hui), le nombre de stations (12) et sa périodicité sexennale renvoient à une époque antérieure au christianisme : chacune des douze stations a sa correspondance dans le calendrier celtique[3]. Il semble que ce soit la grande troménie de Locronan qui ait consacré le terme de troménie pour les autres circumambulations de Basse-Bretagne, par l'intermédiaire des publications de l'évêché de Quimper (cf. l’hebdomadaire La Semaine religieuse de Quimper et de Léon de 1887 consacrant de nombreuses pages à la grande troménie de Locronan et l'article du chanoine Paul Peyron consacrant le terme pour les autres processions giratoires du diocèse). Les autres circumambulations sont appelées vernaculairement tro ar relegoù (tour des reliques), tro Sant-Sane (tour de Saint-Sané), leo dro (lieue de tour).
Troménies existantes
Il existe aujourd'hui sept troménies en activité :
Diverses troménies ont été décrites par Joël Hascoët[4] : à Bourbriac la Lev Dro (où l'on porte le buste reliquaire de saint Briac), à Gouesnou (la Tro ar relegoù se déroule le jeudi de l'Ascension), à Locmaria, un quartier de Quimper (tombée en désuétude au début du XVIIIe siècle), à Plabennec (en l'honneur de saint Ténénan, le dimanche après la fête du saint, qui est le ), à Plouzané (la Tro ar C'hloastr en l'honneur de saint Sané).
Autres troménies en France et en Europe
Des processions analogues ont lieu ailleurs en France : la « marche priante » en l'honneur de saint Ernier à Ceaucé ; le « tour de la châsse » en l'honneur de saint Mathurin à Larchant ; la « procession des Neuf Lieues » en l'honneur de saint Maximin à Magnac-Laval. À rapprocher des ostensions limousines (de ostensere, montrer) qui ont lieu tous les sept ans à Limoges, Saint-Junien et Pierre-Buffière entre autres, et lors desquels les reliquaires des saints de la paroisse sont portés à travers la ville, le bourg ou la campagne.
Les beating the bounds(en) anglais, désormais disparus, correspondaient à une cérémonie de Rogations ayant évolué au XVIIe siècle vers une perambulation des frontières paroissiales où les bornes étaient signifiées aux paroissiens ; la Grande-Bretagne ayant connu une évolution de la définition juridique et territoriale de la paroisse différente de celle de la France.
Notes et références
↑Il la pratiquait près de trois lieues autour de sa maison pour en chasser les loups.
↑Selon l'hypothèse antiquisante, le plus brillamment développée par Donatien Laurent dans son article intitulé "La cime sacrée de Locronan", dans Hauts lieux du Sacré en Bretagne, Kreiz 6, 1996, p. 357-366.
Voir aussi les travaux récents de Claude Maumené sur le calendrier celtique :
* "Interprétation de la division de l’espace à Larchant selon le calendrier gaulois" in Ollodagos (XXIV:59-90)
* "Considérations calendaires sur la Grande Troménie de Locronan et sa périodicité" in Ollodagos (XXVI:229-264)
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Anatole Le Braz, La légende de la mort chez les Bretons armoricains
Donatien Laurent, « La troménie de Locronan : Rite, espace et temps sacré », in Saint Ronan et la troménie : Actes du colloque international, 28-, Brest, Locronan : CRBC, Association Abardaeziou Lokorn, 1995, pp.12-57.
Donatien Laurent et Michel Treguer, La Nuit celtique, Terre de Brumes et PUF, Rennes, 1996.
Mickael Gendry, "Les minihis en Bretagne, des territoires monastiques sacralisés ?", Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, Presses universitaires de Rennes, tome 117, , numéro 2, p.25-55
Mickaël Gendry, Troménies bretonnes, éd. Yoran Embanner, 2022, 213 p.
Joël Hascoët, La troménie de Landeleau, Kan an Douar, Landeleau, 2002.
Paul Peyron, 1906, « La légende de saint Théleau et la troménie de Landeleau », Association Bretonne, XXIV, p. 174-183.
Paul Peyron, 1912, « Pèlerinages, troménies et processions votives au diocèse de Quimper », Association bretonne, XXXI, p. 274-293.
Paul Peyron, et Jean-Marie Abgrall (chanoines), 1927, « Locmaria-Quimper », Notices sur les paroisses (extrait du BDHA), Brest : Diocèse de Quimper et de Léon, vol. VI, p. 271-324.
Jean-François Simon, 2009, « Retour sur le tro ar C’hloastr (ou tro sant Sane) », Postic Fanch ed. Bretagnes du cœur aux lèvres (Mélanges offerts à Donatien Laurent), Rennes : PUR, p.339-355.
A.-M. THOMAS, 1887, La Grande troménie de 1887, Quimper : De Kerangal. (un tiré à part de La Semaine religieuse de Quimper et de Léon)
Armel MORGANT, Fanch LE HENAFF et Donatien LAURENT, 2013, "LOCRONAN, LA TROMENIE ET LES PEINTRES" (Edition Locus-Solus). ([1] www.locus-solus.fr)