Ce meurtre étant commis par un cousin de l'empereur Napoléon III, il suscite une forte indignation populaire et renforce l'hostilité envers le Second Empire, si bien que Noir devient un symbole républicain.
Le sculpteur Jules Dalou, ardent défenseur de la République, réalise son gisant. Il travaille gracieusement[4],[5]. Le modèle en plâtre est exposé au Salon des artistes français de 1890 (no 1255)[6],[7], et le bronze est inauguré au Père-Lachaise le .
Images historiques du gisant.
Le gisant lors de son inauguration dans Le Journal de la Marne du .
Le gisant dans la série Le Père-Lachaise historique de Fernand Fleury, vers 1900.
Le gisant, en bronze, est une représentation grandeur nature de Victor Noir dans l'état où il aurait été trouvé après le coup de feu. L'œuvre est conçue dans un réalisme dénué de tout ornement, caractéristique exceptionnelle parmi les œuvres monumentales de Dalou. La bouche est entrouverte et les mains gantées, les vêtements dégrafés, le chapeau a roulé. Suivant la technique courante à l'époque, Dalou modèle d'abord la figure nue avant de l'habiller[8], sculptant de manière saillante le sexe de son modèle moulé sous le pantalon.
Sur la dalle à côté du personnage, à droite de ses pieds, est inscrit « À / Victor Noir / né / le / 1848 / tué / le / 1870 / Souscription / nationale », et dans le coin inférieur gauche se trouve la signature « Dalou / 1890 »[1],[9].
L'ensemble mesure 1,90 mètre de long[9], Noir étant de grande taille de son vivant.
Inscriptions sur la dalle.
Coin inférieur droit : nom, dates de naissance et de mort, souscription.
Coin inférieur gauche : signature de Dalou et date du monument.
Le réalisme anatomique du gisant entraîne des personnes superstitieuses à le toucher depuis des années, provoquant une oxydation de la patine et une érosion du bronze. Ainsi, dans son ouvrage de 1935 consacré à Dalou, Henriette Caillaux notait déjà cette dégradation[10].
Les parties particulièrement touchées sont le relief du visage, l'impact de balle, la bosse du pénis sous le pantalon et les chaussures. Un folklore veut en effet que les femmes en mal d'enfants touchent le gisant, voire le chevauchent, afin d'être rendues fertiles[11]. C'est surtout par cette tradition, toujours en vogue, qu'est connue la sépulture de Victor Noir[12],[13].
↑« Séance du lundi : 7. Vote d'une concession pour les restes de Victor Noir », Conseil municipal de Paris : Procès-verbaux, Paris, Imprimerie municipale, 1er semestre 1891, p. 239–240 (lire en ligne).
Michael Orwicz, « La tombe de Victor Noir », dans Catherine Healey (dir.), Karen Bowie (dir.) et Agnès Bos (dir.), Le Père-Lachaise, Paris, Action artistique de la Ville de Paris, coll. « Paris et son patrimoine », , 219 p. (ISBN2-913246-00-1), p. 136–137.
Michel Dansel, « Victor Noir », dans Les lieux de culte au cimetière du Père-Lachaise, Paris, G. Trédaniel, , 275 p. (ISBN2-84445-057-1), p. 172–186.
(en) Caterina Y. Pierre, « The pleasure and piety of touch in Aimé-Jules Dalou's Tomb of Victor Noir », Sculpture Journal, Londres, vol. 19, no 2, , p. 173–185 (DOI10.3828/sj.2010.13).
Bertrand Munier, Victor Noir et son gisant turgescent : Martyr du Second Empire et héros malgré lui, Strasbourg, Éditions du Signe, , 151 p. (ISBN978-2-7468-3790-4).
Gérard Laplantine, « Inscriptions lapidaires et traces de passages : Formation de langages et de rites », dans Nicole Belmont (dir.) et Françoise Lautman (dir.), Ethnologie des faits religieux en Europe (colloque national de la Société d'ethnologie française, -), Paris, CTHS, coll. « Le regard de l'ethnologue » (no 4), 540 p. (ISBN2-7355-0264-3), p. 137–159, § « Le cas de la tombe de Victor Noir », p. 144 et suivantes.