La Source K est une opération du Service de renseignements (SR) de l'armée de Vichy qui consista à intercepter les communications téléphoniques des Allemands et à transmettre leurs contenus aux Alliés. L'ingénieur des PTT, Robert Keller, y joua un rôle de premier plan. Il fut arrêté et mourut en déportation ainsi que ses subordonnés, les lignards[1]Laurent Matheron et Pierre Guillou.
La dérivation du câble Paris-Metz
Après l'Armistice de juin 1940, comme un certain nombre d'officiers des télécommunications, le capitaine Edmond Combaux, ancien de Polytechnique et de Supelec, fut affecté à l'administration des PTT. Il rentra en contact avec le capitaine Léon Simoneau, chef du poste P2 du Service de renseignements (SR) de l'armée de terre, basé à Vichy et qui couvrait l'ensemble de la Zone occupée. Ils conçurent le projet d'installer des écoutes téléphoniques pour espionner l'armée d'occupation allemande[2],[3].
René Sueur, ingénieur à la direction des Recherches, aiguilla Combaux sur la bonne solution technique : le "piquage" des câbles souterrains une opération délicate à réaliser pour laquelle il suggéra de faire appel à Robert Keller, un ingénieur qui avait les compétences techniques et la force mentale pour piloter un tel projet[4]. Robert Keller était déjà impliqué dans le réseau de résistance Vengeance[5]. Keller accepta la mission et déclara que l'on pourrait également compter sur son équipe : le vérificateur Georges Lobreau et les chefs d'équipe Laurent Matheron et Pierre Guillou[6].
Le Service de renseignement de l'armée de terre finança la location d'un pavillon à Noisy-le-Grand, situé sur la ligne téléphonique souterraine Paris-Metz et l'achat de matériel ; il fallait en effet réaliser des amplificateurs à haute impédance d'entrée pour que les Allemands ne puissent pas détecter le piquage de la ligne[2]. Les amplificateurs furent fabriqués par des techniciens de la SAT (Société Anonyme des Télécommunications) à Montluçon[6], sous la direction de Myron Lebedinski. La dérivation est réalisée dans la nuit du 18 au , entre 21 h et 4 h du matin, à la lumière d'une chandelle[7].
Trois opérateurs germanophones furent recrutés : Édouard Jung, Robert Rocard[8] et Prosper Riss.
Les informations recueillies, transmises à Combeau qui les acheminaient sur Londres, se révéleront de la première importance.
La dérivation du câble Paris-Strasbourg
La seconde opération a lieu dans les mêmes conditions le , à Livry-Gargan, sur le câble Paris-Strasbourg-Berlin, cette fois ce sont 320 fils qui sont dérivés[10]. Matheron et Guillou interviennent sur les têtes de câbles, tandis que Levasseur et Abscheidt font les piquages sur le câble lui-même avec l'appui de Keller et Lobreau. L'intervention des Allemands, le , stoppera prématurément les écoutes. C'est Robert Rocard qui, se rendant à Livry-Gargan pour relever Prosper Riss, donne l'alerte après avoir échappé de justesse à l'interpellation et essuyé quelques coups de fusil.
Robert Keller, ingénieur au Centre de Dérangements L.S.G.D. (Lignes téléphoniques Souterraines à Grande Distance) de Paris
Capitaine Edmond Combaux, officier du poste P 2 du S.R. (Bureau du Service de Renseignements de l'armée de terre, basé à Vichy)
René Sueur, ingénieur des Travaux à la Direction des Recherches et du contrôle technique de P.T.T.
Georges Lobreau, vérificateur L.S.G.D. au Centre Paris-Saint-Amand
Pierre Guillou, chef d'équipe L.S.G.D.
Laurent Matheron, spécialiste soudeur L.S.G.D.
Clément Fugier, contrôleur L.S.G.D. au poste de la Ferté-sous-Jouarre
Myron Lebedinski, chef des Laboratoires de la SAT (Société Anonyme de Télécommunications)
Deguingamp, technicien du service des transmissions L.S.G.D.
Levasseur, ouvrier spécialiste L.S.G.D.
Abscheid, ouvrier spécialiste L.S.G.D.
Édouard Jung, opérateur, du poste P 2 du S.R.
Prosper Riss, opérateur, du poste P 2 du S.R.
Robert Rocard, opérateur, du poste P 2 du S.R.
Groigne, du poste P 2 du S.R.
Ont collaboré à la Source K :
Paul Badré, pilote et officier du SR Air. Les retranscriptions lui sont transmises par le réseau Vengeance à Bellerive-sur-Allier où il les communique par radio au MI6.
Capitaine Léon Simoneau, chef du poste P 2 du S.R.
André Capeille, agent de liaison du poste P 2 du S.R.
Gérard Grimpel, sous-directeur de "La Nationale" (Compagnie d'assurances)
Lionel Levavasseur, agent général de "La Nationale"
Pierre Richomme, agent de liaison
Références
↑Nom donné, en interne, aux agents travaillant à l'installation et la maintenance des lignes et câbles téléphoniques.
↑ a et bBruno Leroux, article Source K dans Dictionnaire historique de la Résistance, dir. François Marcot, Robert Laffont, 2006, p. 204
↑Raymond Ruffin, Résistance PTT, Presses de la Cité, 1983, p. 52
↑Gérard Grimpel était sous-directeur de la compagnie d'Assurance "La Nationale" fournisseur des cartes accrédicatives d'inspecteur aux 3 opérateurs ; Lionel Levavasseur était le responsable pour la Région parisienne.
Voir aussi
Bibliographie
Raymond Ruffin, Résistance PTT, Presses de la Cité, 1983, p. 52.
Roger Rouxel, Les mystères de la Source K, Les dossiers d'Aquitaine, 1999.
Comité d'Histoire de la Poste et des Télécommunications, L'œil et l'oreille de la Résistance, éditions Erès, 1984, voir discussion p. 81-86.
Guy Bataille, Deux réussites tragiques de l'espionnage français : la Source K et la station d'écoute de Lille-Gare, La Voix du Nord Extra Lille-Roubaix-Tourcoing Métropole-Lys-Armentières, , p. 6-7.