Il est le responsable scientifique des programmes qui conduisirent à la mise au point de la bombe atomique française. Il est aussi le père du Premier ministre français Michel Rocard.
Biographie
Yves André Rocard naît le à Vannes[2] ; il est le fils aîné d'Eugène Louis Rocard (1880-1918), polytechnicien (promotion 1900), et de Jeanne Louise Gabrielle Rocard (1878-1935)[Note 1].
Orphelins de guerre, Yves, ses deux frères Marc Jules[5],[Note 3], Jacques Robert[6],[7] et sa sœur Geneviève Odile[8], sont adoptés pupilles de la nation par jugement du Tribunal civil de la Seine le .
De cette union naissent à Courbevoie (Seine, aujourd'hui Hauts-de-Seine) deux enfants : Michel (futur Premier ministre), le et sa sœur Claude le . Le couple divorce le .
À partir de 1928, sa carrière se partage entre le domaine académique et l'industrie[9] pendant dix ans[10].
Du côté académique, il obtient la charge de cours de la Fondation Claude-Antoine Peccot au Collège de France (charge de cours annuelle au bénéfice de mathématiciens âgés de moins de trente ans et s’étant signalés dans l’ordre des mathématiques théoriques ou appliquées) puis nommé maître de recherches de la Caisse nationale des sciences en 1932. Il devient ensuite maître de conférences de physique à la faculté des sciences de Clermont-Ferrand en 1939, maître de conférences de mécanique expérimentale des fluides à la faculté des sciences de l'université de Paris (le ), puis maître de conférences de physique (, chaire de physique-enseignement) en remplacement de Jean Cabannes nommé professeur titulaire de la chaire de physique-recherche.
Lors d'une mission particulièrement dangereuse, dans la nuit du 12 au 13 septembre 1943[14], il s'envole vers l'Angleterre dans un Lysander. Là, il rejoint le général de Gaulle qui le nomme directeur de recherche des Forces navales françaises libres. Il s'intéresse particulièrement à la détection par les radars anglais de fortes émissions radio du Soleil (non pas durant un travail scientifique, mais comme interférant avec l'utilisation purement militaire du radar). Quand les armées alliées avancent en Allemagne, il saisit en zone française matériels et personnels spécialistes allemands. Il arrive à Hechingen où Samuel Goudsmit peut saisir avant lui le groupe Heisenberg (opération Paperclip). Il peut toutefois acquérir deux groupes s'occupant de capteurs dans l'infrarouge et un autre de téléguidage. Pour démarrer des recherches françaises en radio-astronomie, il met la main sur deux miroirs de radar allemands de type Würzburg de 7,5 m de diamètre. L'un des deux sera, ensuite, offert au Musée du radar de Douvres-la-Délivrande où il est toujours visible. Il parvient enfin à loger ses groupes au Centre de recherche de la Marine nationale de Marcoussis, en Essonne, France. Il est alors nommé responsable des services électroniques radar de la marine et terminera ingénieur général du génie maritime[15].
Revenu en France, Rocard commence véritablement sa carrière académique. Il est tout d'abord chargé du service de la chaire de physique déléguée à l'École normale supérieure à compter du , en remplacement de Georges Bruhat, qui a été déporté, obtient le titre de professeur sans chaire, puis est nommé professeur titulaire de la chaire par arrêté du (Jean Laval le remplace comme maître de conférences à la faculté). Il prend également la direction du laboratoire de physique de l'école. Alors il installe un service d'observations radio-astronomiques important. Il est également l'inventeur de la première lampe radio à chauffage indirect, et fit des études sur le radio-atterrissage sans visibilité. A la fin de la seconde guerre mondiale, il se rend à Haigerloch, site où les nazis avaient installé une pile atomique dans un laboratoire souterrain, avec un groupe de militaires. Cependant, les troupes américaines de la mission Alsos l'ont précédé et ont démantelé l'installation expérimentale. Le physicien récupère toutefois des briques de graphite et d'autres éléments du réacteur, qui seront recyclés dans le réacteur Zoé[16].
À partir de 1947, il devient conseiller scientifique pour les programmes militaires au CEA, après la mise à l'écart de Frédéric Joliot-Curie considéré comme un membre trop influent du PCF. En 1951, il est responsable scientifique des programmes qui vont conduire la France à la maîtrise de l'armement nucléaire. Il est en quelque sorte le père des bombes A et bombes H françaises. Il reçoit le Prix Holweck en 1948[15].
En 1952, malgré les travaux pionniers en radio-astronomie menés en France, il lui devient évident que d'autres utilisent des instruments plus puissants face auxquels les Français ne pourront pas s'aligner. Rocard soutient vigoureusement le projet et le ministère de l'Éducation nationale accorde 25 millions de francs à l'École normale supérieure. Une place est trouvée pour l'observatoire de radio-astronomie à Nançay (Cher), site connu pour ses 32 radiotélescopes alignés en plein champ.
En mai 1963, la revue de vulgarisation scientifique Science et Vie, dans son numéro 548, lui consacre un article titré « Après des années de polémique, Science et Vie l'affirme « Oui la radiesthésie est vraie ! » L'auteur de ce dossier, Charles-Grégoire Maubert, après avoir interviewé Yves Rocard, explique comme suit les raisons pour lesquelles la baguette de sourcier se met à bouger à certains moments : « l'eau qui filtre dans des milieux poreux, sous l'action d'une différence de pression, fait naître des potentiels électrocinétiques, par un effet Quincke, bien connu depuis 1850. Ces potentiels font circuler dans la terre des courants électriques. En outre, dans nombre de cas, des phénomènes accessoires, liés à la présence de l'eau, provoquent dans le sol des différences de potentiel corrélatives souvent bien plus importantes ». Les expériences d'Yves Rocard, qui ont ensuite été refaites par le comité Para avec une méthode plus rigoureuse (aléatoire, double aveugle), ont été négatives[18].
En 1973, à 70 ans, il quitte le laboratoire de physique de l'École normale supérieure et Jean Brossel prend sa succession à la direction. En 1981, dans la dernière partie de sa vie, Rocard concentre son intérêt sur les faibles valeurs du magnétisme et le biomagnétisme. Il mène des recherches sur la sensibilité des sourciers, selon lui capables de déceler une variation de magnétisme de l'ordre du milligauss[19]. Cela lui vaudra les foudres de l'Union rationaliste notamment, et lui coûtera un fauteuil, quasiment réservé, à l'Académie des sciences. Bien plus que le caractère insolite de ses recherches, c'est la mauvaise qualité de ses expérimentations qui lui vaudront de telles critiques. L'ouvrage La science et les sourciers, par exemple, est truffé d'erreurs expérimentales surprenantes qui servent d'exemples pédagogiques pour illustrer des erreurs classiques[20].
Yves Rocard meurt à Paris (5e arrondissement) le , année où la Société française de physique« en hommage à l'ensemble de son œuvre » créera le prix qui porte son nom, et « récompense un transfert de technologie entre un laboratoire de recherches public et une compagnie privée ».
Publications
Rôle de la Lumière Diffusée par l'Atmosphère dans la visibilité, Bull. Techn. S.T.I.Aé, no 45, Paris, 1928.
Jean Cabannes, La Diffusion moléculaire de la lumière, volume 16 de cette série - avec la participation d'Yves Rocard, PUF, Conférences-rapports de documentation sur la physique, 1931, 53 figures In-8, 1 vol., 320 p.
L'Hydrodynamique et la théorie cinétique des gaz, Paris, Gauthier-Villars, 1932.
Diffusion de la lumière et visibilité, projecteurs, feux, instruments d'observation, Paris, Édition de la Revue d'Optique, 1935.
Propagation et absorption du son, Paris, Hermann, 1935.
La Stabilité de route des locomotives, 1re partie, Paris, Hermann, 1935.
La Stabilité de route des locomotives, 2e partie avec Julien, M., Paris, Hermann, 1935.
Les Phénomènes d'auto-oscillation dans les installations hydrauliques, Paris, Hermann, 1937.
Théorie des oscillateurs, Paris, édition de la Revue Scientifique, 1941.
Dynamique générale des vibrations, Paris, Masson & Cie, 1943 ; 4e édition, Paris, Masson, 1951.
↑Les parents d'Yves André Rocard sont cousins germains. Son grand-père paternel Adolphe Nicolas Rocard (1845-1891), polytechnicien (promotion 1864), lieutenant-colonel d'Artillerie de marine, épouse Marie Elisabeth Gaudin (1850-1929), sœur d'Amélie Marie Louise Clélie Gaudin, première épouse de son frère Simon Eugène (1841-1881), également polytechnicien (promotion 1860), ingénieur des Ponts et Chaussées. Veuf, Simon Eugène Rocard épouse Elisabeth Lamblin (1854-1911) et de cette union naît Jeanne Louise Gabrielle Rocard. Simon Eugène Rocard est le grand-père maternel d'Yves André Rocard. Louis Nicolas Rocard (1809-1872), arrière-grand-père paternel et maternel d'Yves André, est jardinier pépiniériste à Langres. [lire en ligne]
↑Eugène Louis Rocard est nommé chef d'escadron à titre temporaire à compter du . [lire en ligne]
↑Renée Marguerite Favre est d'origine savoyarde par son père, alsacienne par sa mère. Son père Léon François Favre (1876-1920), fils d'un couple d'instituteurs savoyards, maître d'école à Reignier, y rencontre Maria Philomène Riegler (1877-1925), maîtresse à l'école de fille, fille d'un instituteur alsacien, et s'y marie le . Fille de hussards noirs de la République, devenue à son tour institutrice, Renée Favre dirige un foyer d’étudiantes et se convertit au protestantisme à l’âge de 20 ans. [lire en ligne]
↑ a et bPierre Baruch, 1950-1960 : Âge d’or des laboratoires ? La physique à l’École normale supérieure, Reflets de la physique, no 3, mars 2007
↑Dominique Pestre, La Reconstruction des sciences physiques en France après la Seconde Guerre mondiale. Des réponses multiples à une crise d'identité, Réseaux, 1996, vol. 14, p. 21-42
↑Roland Kollert, Die Politik der latenten Proliferation : militärische Nutzung "friedlicher" Kerntechnik in Westeuropa / Roland Kollert, DUV, Dt. Univ.-Verl., (ISBN978-3-8244-4156-3, lire en ligne)
↑Design: FAST Solutions 2011/, « Naissance de la DAM », sur pbillaud.fr (consulté le ).
↑Voir l'analyse de H. Broch, dans Au cœur de l'extraordinaire (Book-e-book.com, 2002). Le CORTECS se sert également des protocoles de Rocard p. 178-182 pour illustrer l'effet bi-standard.