La soupe aux œufs est une soupe claire (bouillon, consommé) soit servie avec des œufs pochés soit dans laquelle on fait cuire des œufs battus qui forment alors des filaments ou des flocons coagulés. Ce type de soupe se rencontrait en Europe dans de nombreuses cuisines à l'époque des soupes incontournables entrées des soupers.
Les cuisines chinoise et japonaise ont des soupes comparables à la soupe aux œufs battus. La soupe aux œufs pochés est plus fréquente dans les sources francophones que celle aux œufs battus.
Histoire
La soupe aux œufs a une origine germanique. On lit que Sénac de Meilhan (1736 - 1803) serait l'inventeur de la soupe aux œufs pochés[1],[2], que la soupe aux œufs de Talleyrand (1754–1838) était faite sur la recette du Duc de Richelieu[3]. Toutefois l'expression soupe aux œufs quelle que soit sa forme n'existe en français[4] que dans les dictionnaires allemand (Eiersuppe)[5] avant la publication du Voyage en Suisse de Louis Simon (1824)[6]. C'est en 1829, dans La cuisinière du Haut-Rhin de Marguerite Spoerlin que figurent les deux premières recettes en français, avec la soupe aux œufs battus recette n°12 [7]:
« Faites frire quelques poignées de mie de pain de belle couleur dans du beurre fondu, égoûtez bien et mettez-y du bouillon chaud; brouillez une quantité d'œufs suffisante pour votre soupe, ajoutez un peu de beurre frais, faites cuire en tournant pour empêcher les œufs de trancher, rapez-y un peu de muscade. »
et la soupe aux œufs pochés, recette n°6
« dressez le bouillon dans la soupière pochez-y autant d'œufs que vous avez de personnes à servir, qu'ils restent tous entiers, jetez y quelques grains de sel, couvrez et mettez sur des cendres chaudes, jusqu'à ce que le blanc des œufs ait consistance et que le jaune reste mollet. »
Le Dictionnaire des ménages (1836) donne une Soupe aux œufs pochés dans un bouillon[8], Jourdan Lecointe (1844) donne une Soupe au œufs avec 4 œufs bien fouettés dans un bouillon[9], mais c'est toujours en Alsace qu'on la mentionne, la Revue l'Alsace en 1860[10], la Revue Alsacienne la rapporte dans un repas donné à Ribeauvillé en 1543[11] ce qui montre son ancienneté. Die Eiersuppe figure dès 1727 dans la littérature allemande[12], en 1738 la chevalier de Johann Gottfried Schnabel dine d'une soupe aux œufs[13]. Catherine Bonnechère (1900) la met dans ses menus végétariens allemands[14].
La Comtesse de Ségur, d'origine russe parle de potage aux œufs dans Le diner de Mlle Justine (1865)[15].
Les soupes aux œufs battus
Européennes
Einlaufsuppe ou Eierflaumsuppe est une recette du sud de l'Allemagne (souabe[16], bavaroise[17]) qui se fait d'œufs battus avec de la farine (1 cuillerée de farine pour 2 œufs[18]) versés en filet dans un bouillon frémissant qu'on remue pendant l'opération. Eintropfsuppe est équivalent[19], Farfelsuppe, Farfalansuppe[20] avec l'appareil œuf farine en quenelles[21]. On peut ajouter du lait dans l'œuf battu pou former une sorte de pâte à crêpe qui est cuite en fils ou en formes aléatoire appelées peluches d'œuf (Flaum = duvet) dans le bouillon[17]. Die Eierflockensuppe ou Eierflöckchensuppe soupe aux flocons d'œufs est spécialement autrichienne, les œufs battus sont versés rapidement en tournant le bouillon de façon à faire des petites touffes[22].
Le consommé Xavier est un consommé à l'œuf battu avec du cerfeuil[23].
Russie
Яичный суп (Yaichnyy sup) classique soupe aux œufs battus ne contient ni viande ni poisson, mais uniquement œufs et légumes[24]. Elle contient souvent du vermicelle[25]. Il existe des versions luxueuses, comme la soupe aux œufs de saumon (caviar rouge)[26].
Variantes
Le potage aux œufs pilés est une pate d'œufs, de lait, de farine, de beurre et de bouillon qu'on passe dans le bouillon et qu'on y fait cuire sans ébullition[27].
L'avgolemono est une soupe grecque (avec équivalent en cuisine juive et des Balkans) où c'est un mélange jaune d'œuf et jus de citron qui est versé et cuit dans le bouillon.
La soupe aux œufs durs (mélange d'œufs durs en miettes et d'eau salée) est servie froide en entrée du diner pascal juif (Séder, fête de Pessa'h)[28].
Asiatiques
Cuisine chinoise
La soupe aux œufs battus chinoise, 蛋花湯 (Dàn huātāng) soupe fleur œuf, réputée digestive est une soupe claire servie entre 2 plats vers la fin du repas[29]. Elle se prépare comme la soupe aux œufs battus à la julienne[30], on la condimente à la coriandre[31], à la tomate 番茄蛋湯 (Fānqié dàn tāng) soupe à la tomate et aux œufs. La soupe aux œufs battus courante se fait dans un bouillon de champignon et chou, l'œuf est battu avec les baguettes jusqu'à cuisson[réf. nécessaire]. Elle est servie aux USA sous le nom d'egg drop soup, en Corée sous celui de 계란 수프 (gyelan supeu).
Le potage pékinois des restaurants chinois est la soupe suanla酸辣汤 (suānlà tāng) soupe aigre épicée est une soupe riche du Sichuan avec des œufs battus.
Japon
かき玉汁 (kakitamajiru) est faite d'un bouillon épaissi avec de la fécule de pomme de terre ou de la poudre de kudzu, l'œuf battu y forme de fines ondulations (on aime cette soupe avec des Udon également ondulants), la variante むらくも汁が挙 (Mura kumo-jiru ga kyo) soupe Murakumo consiste à faire couler l'œuf battu en pellicule sur le bouillon de façon à dessiner des nuages ou ressemble à une toile araignée voletant dans le ciel[32].
Les soupes aux œufs pochés
On rencontre souvent l'expression Potage aux œufs pochés[33], Consommé aux œufs pochés[34] usuel chez les contemporains depuis Escoffier (qui le fait avec un consommé de volaille et des œufs petits et très frais[35]), Bouillon aux œufs pochés[36], Œufs pochés au consommé chez A. Bautte[37]. Le Grand Larousse (1866-1877) écrit «En versant du bouillon sur les œufs pochés, on obtient un potage aux œufs pochés»[38].
La recette habituelle est faites d'œufs pochés qu'on couvre d'un bouillon de viande[39] ou d'un consommé[40], souvent agrémenté d'une julienne[41], il devient Colbert avec une julienne de légumes (carotte, navet, choux-fleur)[42], ou à la purée de légumes[43]. Janet Groene écrit que cette soupe est idéale comme repas du soir léger ou comme lunch rapide pris au bord de la route. Elle la fait d'un bouillon de poulet dans lequel elle laisse ramollir un hachis de feuille de laitue[44].
Blandine Marcadé (La cuisine italienne) donne une soupe aux œufs pochés à la mode de Pavie, Zuppa alla pavese, les œufs sont cuits sur des croûtons frits puis couverts de parmesan, ensuite on verse le bouillon de viande ou de poulet[45]. En 1889, la Dr Dujardin-Beaumet recommande la soupe aux œufs pochés aux diabétiques tout comme la soupe aux choux et au lard, et la soupe aux oignons et aux œufs[46].
Variantes
Soupes Santé et Minceur (2012) mélange au bouillon de bœuf du Porto et de la purée de tomate[47]. Dans la soupe provençale à l’ail et à l'œuf poché le bouillon est relevé d'ail et de safran[48]. Au Portugal la sopa de tomate com ovos escalfados est une soupe de tomate avec des œufs pochés[49]. La tüm yumurta çorbası soupe aux œufs entiers turque est faite d'œufs pochés dans un bouillon à la tomate[50].
Le consommé à la jovienne est fait d'un bouillon à base d'oignon, d'ail et de vins gris d'Epineuil réduit et lié, servi avec des œufs pochés[52].
Que boire avec le consommé aux œufs?
Le consommé aux œufs pochés appelle une diète spartiate. Le Caviste (Tribune des marchands de vin - 1904) écrit « à Paris, en ce vingtième siècle, on voit [ ] arriver dans les restaurants à la mode des jeunes gens en cravate blanche qui viennent souper. Et savez-vous quel est leur menu? Du consommé avec deux œufs pochés, arrosé d'un verre d'eau d’Evian. Oui, Rabelais, voilà où nous eu sommes, voilà ce qui reste de la France que tu vis joyeuse et truculente»[53]. Le vin de Bordeaux
est évoqué[54].
Si le consommé est aromatisé au Porto ou au Madère on l'accompagne du même vin[55].
Voir aussi
On trouve sous le nom de soupe aux œufs une sorte de flan à l'eau et aux œufs battus[56]
Le Tourin toulousain à l'ivrogne se sert avec des œufs pochés
Notes et références
↑C. Asserolette - Mme E Servie, Ma Cuisine, Paris, Plon, (lire en ligne), p. 15
↑Louis (1822-1888) Auteur du texte Nicolardot, Histoire de la table : curiosités gastronomiques de tous les temps et de tous les pays / par Louis Nicolardot, (lire en ligne), p. 396
↑Contenant L'Allemand Explique Par Le Francois, Trattner, (lire en ligne)
↑Louis (1767-1831) Auteur du texte Simond, Voyage en Suisse fait dans les années 1817, 1818 et 1819 ; suivi d'un essai historique sur les moeurs et les coutumes de l'Helvétie ancienne et moderne... par L. Simond,.... Edition 2,Tome 1, (lire en ligne), p. 144
↑Marguerite (1762-1852) Auteur du texte Spoerlin, La cuisinière du Haut-Rhin, à l'usage des ménagères et des jeunes personnes qui désirent acquérir les connaissances indispensables à une maîtresse de maison, dans l'art de la cuisine, de la patisserie et des confitures . Suivi d'une instruction pour apprêter une nourriture saine aux malades. Traduit de l'allemand, (lire en ligne), p. 9
↑Anthony Auteur du texte Dubourg, Dictionnaire des ménages, répertoire de toutes les connaissances usuelles... par Antony Dubourg [Paul Lacroix]... [et E. Gigault de La Bédollière.]. Tome 2, (lire en ligne), p. 230
↑Jourdan Auteur du texte Lecointe, Le cuisinier des cuisiniers : 1000 recettes de cordon bleu... suivi d'un traité sur la dissection des viandes, l'entretien des vins... avec l'indication de l'influence de chaque mets sur la santé (10e édition) / par M. le docteur Jourdan Lecointe,..., (lire en ligne), p. 424
↑Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace Auteur du texte, « Revue d'Alsace », sur Gallica, (consulté le ), p. 127
↑(la) Paul Aler, Dictionarium germanico-latinum, Typis & Sumptibus Servatii Noethen., (lire en ligne)
↑(de) Johann Gottfried Schnabel, Der im Irrgarten der Liebe herumtaumelnde Kavalier, Insel-Verlag, (lire en ligne), p. 469
↑Catherine de (18-19 ) Auteur du texte Bonnechère, La cuisine du siècle : dictionnaire pratique des recettes culinaires et des recettes de ménage : deux cents menus à l'usage de tous / Catherine de Bonnechère, (lire en ligne), p. 309
↑Catherine de Bonnechère, La Cuisine du siècle: Dictionnaire pratique des recettes culinaires et des recettes de ménage, avec deux cents menus à l'usage de tous, Collection XIX, (ISBN978-2-346-00949-7, lire en ligne)
↑Internet Archive, Les Soupes et les potages, [Saint-Lambert, Québec] : Éditions Succès du jour, (ISBN978-0-7773-5722-4, lire en ligne), p. 52
↑W. A. (William Allen) Internet Archive, Cuisine chinoise d'aujourd'hui, Outremont, Québec : Éditions du Trécarré, (ISBN978-2-89249-824-0, lire en ligne)
↑Auguste (1846-1935) Auteur du texte Escoffier, Le guide culinaire : aide-mémoire de cuisine pratique / par A. Escoffier ; avec la collaboration de MM. Philéas Gilbert, E. Fétu, A. Suzanne, [et al.] ; dessins de Victor Morin, (lire en ligne), p. 21
↑Pierre (1817-1875) Auteur du texte Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique.... T. 11 MEMO-O / par M. Pierre Larousse, 1866-1877 (lire en ligne), p. 1268
↑Myriam Esser-Simons, Balade culinaire à travers les siècles, illustrée de nombreuses recettes, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours - Tome I, Editions Edilivre, (ISBN978-2-414-30045-7, lire en ligne)
↑Léon (1813-1876) Auteur du texte Brisse, Les 366 menus du baron Brisse (Édition nouvelle des 365 menus, revue, corrigée et augmentée d'un calendrier gastronomique et du complément des recettes de tous les mets de cuisine indiqués dans les menus), (lire en ligne), p. 169
↑Paul (1860-1927) Auteur du texte Cornet, L'application diététique dans le traitement des maladies des voies digestives, avec 200 formules de préparations d'aliments : alimentation des malades / par le Dr Paul Cornet,..., (lire en ligne), p. 372
↑Janet Internet Archive, Cuisinez à bord de votre véhicule récréatif : de bons petits plats faciles à préparer : 270 recettes et une foule de conseils pratiques, Varennes, Québec : AdA, (ISBN978-2-89565-385-1, lire en ligne), p. 99
↑Blandine Internet Archive, La Cuisine italienne, Alleur : Marabout ; [Paris] : [Diffusion Hachette], (ISBN978-2-501-00789-4, lire en ligne), p. 96
↑Bibliothèque interuniversitaire de santé (Paris), Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, Paris : G. Masson, (lire en ligne), p. 45
La royale est une préparation délicate à base d'œufs qu'on découpe dans un bouillon ou un consommé, il n'est pas éloigné de la sopa de ajo, ou sopa castellana.
Lenôtre interprétation contemporaine des classiques - Œuf poché à notre façon au consommé et au jambon (jambon blanc, julienne de légumes, gelée de consommé de bœuf, œuf, sauce rémoulade).[1]