Sonnet d'ArversLe Sonnet d'Arvers, paru en 1833 dans le recueil poétique Mes heures perdues de Félix Arvers, est l'un des sonnets les plus populaires du XIXe siècle. Sonnet
HistoriqueFélix Arvers était reçu aux soirées de l'Arsenal organisées par Charles Nodier, et c'est sur le cahier de sa fille Marie, devenue madame Mennessier, qu'il écrivit les quatorze vers qui devaient assurer sa gloire. Le mystère de la dédicataireL'auteur est aujourd'hui peu connu mais au XIXe siècle, ce poème était célèbre et l'identité de la destinataire sujette à de nombreuses suppositions; fallait-il, selon Blaze de Bury, n’y voir qu’une allégorie pure et simple ? Il écrit à ce sujet « Le sonnet d'Arvers ne vise pas telle ou telle personne de la société ; il vise la femme, être essentiellement réfractaire aux choses de la poésie quand son amour-propre n'y est pas intéressé, et qui ne comprend vos vers et vos hommages que le jour où votre gloire les lui renvoie et que vous avez fait d'elle une Elvire » ; d'autres croient reconnaitre Marie Nodier, ou madame Victor Hugo. Théodore de Banville, quant à lui, trouve sacrilège une telle quête : « Comme elle n'a pas deviné l'amour chaste et résigné du poète, comme elle ne lui a donné ni une consolation ni un sourire, il faut aussi qu'elle ne marche jamais sur le tapis triomphal qu'il avait étendu devant ses pieds dédaigneux. » Un tel avertissement ne découragea pas les chercheurs. Les uns estimaient que la femme n'existait pas réellement et qu'il ne s'agissait que d'un badinage ; l'édition imprimée ne portait-elle pas la mention « Traduit de l'italien » ? Sainte-Beuve inclinait pour cette solution mais ne donnait aucune référence et des décennies de recherche n'ont pas permis de retrouver l'original. D'autres voyaient dans cette mention un stratagème, destiné à égarer les soupçons d'un mari jaloux : ne présentait-on pas la femme comme restant « À l'austère devoir pieusement fidèle » ? Et l'on cherchait cette mystérieuse créature. Charles Glinel[1], auteur de la première biographie un peu détaillée d'Arvers, penchait pour Mme Mennessier : « Une personne, digne de toute créance m'a redit une confidence que l'éditeur Hetzel lui avait faite comme la tenant d'Arvers lui-même, c'est que le poète, en composant son fameux sonnet, avait pensé à Marie Nodier. » Un poète franc-comtois, Édouard Grenier, confirme l'explication et Adolphe Racot ajoute que la précision « Traduit de l'italien » ne figurait pas sur le cahier de Mme Mennessier qu'il a eu en main. Ne serait-ce pas qu'elle savait parfaitement à quoi s'en tenir ? Abel d'Avrecourt proteste contre une pareille solution[2] : « Rien de plus naturel - le sonnet était alors dans toutes les bouches - que la femme lettrée ait demandé à l'ami d'en inscrire sur ses tablettes une copie durable de sa main. D'ailleurs, pourrait-on croire qu'un homme, épris d'une femme dont l'honnêteté est au-dessus de toute atteinte, ait choisi son propre album pour y déposer un hommage indiscret dans sa discrétion ? » Et un certain Poullain, légataire universel d'Arvers partage cet avis. Des esprits fins ont remarqué que l'inconnue pourrait bien être madame Victor Hugo, et ils s'appuient sur deux rimes du dernier tercet : « fidèle » et « d'elle » qui feraient écho au prénom Adèle. C'était l'opinion du général Arvers, cousin du poète, qui répétait l'explication que son père lui avait donnée plusieurs fois[3]. Une autre explication peut être trouvée dans le livre de Jean-Pierre Fontaine Les nouveaux mystères de l'Yonne (Ed. De Borée 2007) où il est dit que l'amour caché d'Arvers aurait été une jeune fille de sa ville natale, rencontrée alors qu'ils étaient tous deux adolescents, qu'il ne put ni épouser ni courtiser, et qui mourut très jeune ; leurs tombeaux se trouveraient dans le même cimetière. Malgré cette notoriété, Félix Arvers est inconnu du Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse, pourtant contemporain. Le Nouveau Larousse illustré donne intégralement le fameux sonnet, mais en intervertissant« ma vie » et « mon âme » dans le premier vers. L'ordre y fut rétabli en 1914. Pastiches et reprisesQuoi qu'il en soit, le triomphe de ce sonnet fut, bien sûr, de se voir pasticher[4] au-delà du possible. Il y eut des réponses de la femme :
Une autre, plus dévergondée, n’hésitait pas à dire :
Une demi-mondaine n’y allait pas par quatre chemins :
Et un séducteur, beaucoup plus sûr de lui, affirmait tranquillement :
Maurice Donnay a donné ce pastiche dans Autour du Chat Noir (1926) :
Dans la deuxième moitié du XXe siècle le sonnet d’Arvers eut encore les honneurs de Roland Bacri, ce collaborateur du Canard enchaîné qui parlait si naturellement en vers que ses amis furent obligés de lui offrir un Dictionnaire des mots qui ne riment pas. Cette fois-ci le soupirant appartenait à un sexe surnuméraire et - faut-il le dire ? - il n'était pas amoureux d'une dame puisque le poème s'appelait Le garçonnet d’Arvers (ou d'à revers, suivant les éditions). Après nous avoir appris que « Le mâle est sans espoir… ». Le sonnet se terminait, comme on devine, par cette chute (de reins) : « Quel est donc cet infâme ? et ne comprendra pas. » L'oulipien Jacques Bens, dans Le Voyage d'Arvers[5] a réécrit le Sonnet, à la gloire de sa cave à vin :
D'autres pasticheurs, enfin, oubliaient complètement le thème et ne voyaient plus dans le poème qu'un prétexte à bouts-rimés. Jean Goudezki écrit :
Adaptations musicalesLe poème a été mis en musique par Charles-Marie Widor, Martial Caillebotte, Émile Pessard, Joseph Darcier, Georges Bizet en 1868, sous le titre Ma vie a son secret[6], Jean-Baptiste Faure (1878)[7] et par Serge Gainsbourg au début des années 1960 sous le titre Le Sonnet d'Arvers. Private Pepper a également revisité le poème sur son EP « After the hit » en 2013. Notes et références
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