Artiste engagée[6], elle dénonce les abus sexuels perpétrés au sein de l'Église catholique sur les enfants, comme un mal endémique non sanctionné par la hiérarchie ecclésiastique[7],[8],[9],[10]. Elle publie en 2021 ses mémoires sous le titre Rememberings (« Souvenirs »)[11] ; le livre devient un best-seller outre-Manche.
En 2017, Sinéad O'Connor change son nom pour Magda Davitt. Lors de sa conversion à l'islam en 2018, elle modifie son nom et opte pour Shuhada' Sadaqat[12],[13]. Elle continue ensuite d'enregistrer et de jouer sous son nom d'artiste[14].
Née à Dublin, Sinéad Marie Bernadette O'Connor est prénommée en référence à l'épouse du président irlandais Éamon de Valera, Sinéad de Valera, et à sainte Bernadette de Lourdes. Elle est la troisième d'une fratrie de cinq enfants composée de Joseph (devenu un romancier célèbre), Eimear, John et Eoin. Son père, Jack O'Connor, est un ingénieur qui abandonne son métier pour devenir avocat, et sa mère, Marie O'Connor, est femme au foyer. Ils divorcent lorsque Sinéad O'Connor a huit ans.
Les enfants les plus âgés vont vivre chez leur mère et sont, selon les dires de la chanteuse, maltraités. Elle explique les traumatismes provoqués par celle-ci : « Elle me retirait mes vêtements et s'en prenait violemment à mon sexe, le torturant, lui crachant dessus. Ma mère a complètement bousillé mon rapport à la sexualité. »[15] La chanson Fire on Babylon retrace cette période.
En 1979, Sinéad O'Connor quitte sa mère et part vivre avec son père et sa nouvelle épouse. Ses vols et son absentéisme scolaire obligent son père à la placer dans un couvent de la Madeleine, dirigé par les Sœurs du Bon-Pasteur. Elle y apprend l'écriture et la musique. Elle en dira plus tard : « Je n'ai jamais vécu — et ne vivrai sans doute jamais — dans un tel état de panique, de terreur et de souffrance »[16].
En 1983, son père l'envoie à l'école de Newtown, un internat moins strict. Avec l'aide et l'encouragement de son professeur de langue irlandaise, Joseph Falvy, elle enregistre une maquette de quatre chansons, avec deux reprises et deux de ses propres chansons qui apparaîtront sur son premier album. En 1984, grâce à une petite annonce, elle rencontre Columb Farrelly. Ensemble, ils recrutent d'autres membres et forment un groupe appelé Ton Ton Macoute (baptisé du nom d'une milice haïtienne). Elle suit alors le groupe à Waterford, puis à Dublin et abandonne sa scolarité.
Le , sa mère meurt dans un accident de la route. Quelque temps plus tard, elle quitte le groupe et part à Londres.
Carrière
Sinéad O'Connor signe son premier contrat musical avec la maison de disques Ensign Records. En 1986, elle enregistre sa première chanson Heroine (Theme From Captive), écrite avec The Edge, le guitariste de U2, pour la bande sonore du film de Paul Mayersberg, Captive.
Son second album I Do Not Want What I Haven't Got, publié trois ans plus tard, en 1990, rencontre un succès encore plus important et devient très vite disque d'or. La chanson Nothing Compares 2 U, plage centrale de l'album, est une reprise d'un morceau de Prince, et le vidéo-clip est filmé par John Maybury. Ce single devient numéro 1 dans plusieurs pays. En Irlande il atteint la première place en juillet 1990 et y reste pendant onze semaines. Il connaît un succès semblable au Royaume-Uni et en Allemagne.
Prince n’aurait pas apprécié une interview de la chanteuse au sujet de ce titre, et ils en seraient venus aux mains[18].
La même année, elle participe au concert gigantesque The Wall Live in Berlin, organisé par Roger Waters, ancien membre de Pink Floyd et auteur du concept-album The Wall, entièrement rejoué ce soir-là devant 300 000 personnes pour commémorer la chute du mur de Berlin. Sa voix, son look, son engagement politique font d'elle une artiste anticonformiste.
En 2000, elle enregistre Faith and Courage puis reprend les grands classiques des chansons traditionnelles irlandaises sur Sean-Nós Nua (2002). La même année, elle prête sa voix sur plusieurs chansons de l'album 100th Window de Massive Attack, ainsi que sur le titre Harbour de l'album 18 de Moby. Elle décide alors d'annoncer son retrait de la scène musicale pour se consacrer à ses études et notamment à la langue irlandaise.
En 2007, elle sort son huitième album, un double intitulé Theology, composé d'un disque acoustique « The Dublin Sessions » et l'autre électrique « The London Sessions ». Il contient la reprise d'un classique, "I Don't Know How to Love Him" de (Andrew Lloyd Webber/Tim Rice.
En 2012, elle publie l'album How About I Be Me (And You Be You)? qui semble être une réalisation où elle parle de ses souffrances l’ayant menée à des comportements risqués. L'album est bien accueilli par la critique[19].
Son dernier album studio, I'm Not Bossy, I'm the Boss, sort en 2014. Au début des années 2020, elle enregistre un nouvel album No Veteran Dies Alone avec le musicien David Holmes mais le projet est suspendu après le décès de son fils en 2022[20],[21],[22].
Vie privée
Mariages et descendance
En 1990, Sinéad O'Connor a une courte aventure avec Anthony Kiedis, le chanteur et fondateur des Red Hot Chili Peppers, qu'elle quitte subitement ; il lui dédiera la chanson I Could Have Lied de l'album Blood Sugar Sex Magik. En 1991, elle se marie une première fois avec son producteur John Reynolds, avec qui elle a un fils, Jake (né en 1987). En 2001, elle épouse le journaliste Nicholas Sommerlad, dont elle divorce un an plus tard.
Elle aura successivement une fille, Roisin (née en 1995), avec le journaliste John Waters, puis un fils, Shane (né en 2004, décédé le [23]) avec le producteur Dónal Lunny et un dernier fils, Yeshua Francis Neil (en 2006) avec son ancien associé Frank Bonadio. Malgré ses mariages avec des hommes, elle se déclare lesbienne[24].
Le , elle devient grand-mère pour la première fois : Lia, la compagne de son fils Jake, donne naissance à un garçon.
En 2017, elle change son nom légal pour « Magda Davitt »[25],[26].
En 1997, elle reçoit des menaces de mort de l'extrême droite israélienne concernant un concert prévu en Israël, destiné à promouvoir une coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens[29]. Soucieuse de préserver la sécurité de sa famille, elle se résout à ne pas s'y produire[30].
Née catholique, Sinéad O'Connor est ordonnée prêtresse par une Église indépendante, « l'église irlandaise orthodoxe, catholique et apostolique », en 1999. En 2011, elle prend ses distances à la suite de scandales d'abus d'enfants au sein de l'Église, en condamnant le Vatican[32].
Elle se convertit ensuite à l'islam ; sa conversion est annoncée en [33]. Elle change son nom pour « Shuhada' Davitt » et publie une photo d'elle portant le hijab[34],[35]. Elle précise ne pas le porter tout le temps. « Il n’y a pas de règles à ce sujet. Je m’associerais à l’aspect soufi de l’islam, je ne suis pas obligée à mon âge de porter le hijab… Je le porte parce que j’aime ça[36]. »
Peu après, elle déclare ne plus vouloir passer du temps avec des blancs (qu'elle entend comme « non-musulmans »), les jugeant « dégoûtants », puis poste une vidéo déclarant qu'elle ne s'adressait qu'aux « idiots », « blancs suprémacistes » qui l'avaient harcelée sur son compte Twitter à la suite de l'annonce de sa conversion à l'islam : « Je croyais que Twitter fermerait mon compte si je disais cela parce qu'ils l'avaient fermé par le passé, quand j'avais écrit que je n'aimais pas que les nonnes tuent des bébés en Irlande[32]. »
Problèmes de santé
Après deux tentatives de suicide les 5 et après un divorce survenu seize jours après un mariage[37], Sinéad O'Connor aurait à nouveau tenté de mettre fin à ses jours le après avoir laissé un message éphémère sur sa page Facebook dans lequel elle affirmait avoir pris une « surdose », sans plus de précision. Elle souffre de ne plus avoir de relations ni avec sa famille ni avec ses enfants[38]. En 2007, elle révèle à Oprah Winfrey qu'elle a tenté de se suicider le jour de son 33e anniversaire[39].
En 2015, elle annule sa tournée à la suite de troubles bipolaires. En effet, elle aurait vécu entre décembre 2014 et mars 2015 une profonde dépression[40].
Elle est portée disparue le [41], pour être retrouvée le lendemain dans un hôtel de l'Illinois[42], avant une nouvelle disparition et une menace de suicide le 24 juin suivant[43],[44]. Le , elle laisse un nouveau message vidéo sur Facebook dans lequel elle évoque sa solitude et ses problèmes psychiatriques[45]. Au même moment, elle se confie auprès d'un médecin, lui déclarant notamment que sa mère l'avait fait souffrir physiquement, ayant même installé une chambre de torture[46],[47].
En , elle décrit la vidéo qu'elle a enregistrée en 2017 comme un véritable appel à l'aide, disant que ses amis et sa famille ont eu raison de s'inquiéter de son état mental car elle affirme qu'elle n'aurait pas survécu si elle n'avait pas demandé de l'aide : « J'étais vraiment en danger de mort […] Il se passait des trucs dans ma vie qui me rendaient un peu folle et au milieu de tout ça j'ai subi une hystérectomie radicale, ce qui rendrait n'importe qui fou[48]. » Elle ajoute cependant que ses jours les plus sombres sont derrière elle : « Je suis tout le contraire [maintenant] et c'est fini, grâce à Dieu. […] Je peux en rire maintenant mais sur le moment, c'était horrible. Je n'aime pas souffrir et ce n'est pas comme si j'étais un de ces artistes qui ont l'impression de ne pas pouvoir être créatifs à moins de souffrir[48]. » Elle admet également qu'elle se bat toujours contre la solitude et l'agoraphobie[48],[49].
Le , elle est hospitalisée quelques jours après le suicide de son fils Shane, âgé de 17 ans[50].
Décès et hommages
Le , Sinead O’Connor est trouvée sans vie à son domicile par la police londonienne[51] et ce n'est qu'en janvier 2024 qu'un rapport d'autopsie révèle qu'elle est morte de causes naturelles, mais sans en révéler immédiatement la nature[52],[53]. Il faudra cependant attendre juillet 2024 pour apprendre, selon le certificat de décès de l'artiste enregistré par son ancien mari John Reynolds, que sa mort résultait de l'« exacerbation d'une bronchopneumopathie chronique obstructive et d'un asthme bronchique ainsi que d'une infection bénigne des voies respiratoires inférieures[54] ».
Des funérailles privées ont lieu le 8 août à Bray, dans le comté de Wicklow, et la famille d'O'Connor invite le public à se rendre sur le front de mer où le cortège funèbre défile. Des milliers de personnes lui rendent hommage[55], tandis que son enterrement a lieu au cimetière de Dean's Grange, à Dublin[56].
Des célébrités telles que Jamie Lee Curtis, Tori Amos, Toni Collette ainsi que les musiciens de Massive Attack et Public Enemy publient des hommages sur les médias sociaux[57],[58], tandis que le chanteur anglais Morrissey écrit : « Vous en faites l'éloge aujourd'hui quand il est trop tard. Vous n'avez pas eu le courage de la soutenir quand elle était en vie et qu'elle vous recherchait[59]. »
L'auteure-compositrice-interprète américaine Phoebe Bridgers loue son intégrité dans le magazine Rolling Stone[60], et en novembre 2023, Boygenius et le groupe irlandais Ye Vagabonds(en) publient une reprise de la chanson folklorique écossaise The Parting Glass sous la forme d'une chanson de Noël caritative en son honneur[61].
Le 9 janvier 2024, un concert en son hommage et à Shane MacGowan des Pogues, également décédé en 2023, est annoncé pour le mois de mars au Carnegie Hall de New York[62].
Le 4 février 2024, la chanteuse et activiste écossaise Annie Lennox a rendu hommage à O'Connor en interprétant Nothing Compares 2 U au cours de la 66e cérémonie des Grammy Awards. Pendant sa prestation, elle arborait une larme peinte sur sa joue, en hommage à une scène similaire dans le clip de la chanson. Elle était également accompagnée de Wendy & Lisa[63]. Lennox a terminé la performance en appelant à un cessez-le-feu dans la guerre Israël-Hamas et à la paix dans le monde, un hommage au franc-parler politique d'O'Connor[64].
En mars de la même année, la société Bratz annonce qu'une poupée à l'effigie d'O'Connor est en cours de production pour commémorer le Mois de l'histoire des femmes[65].
↑ abcde et fJulien Gaisne, « Sinead O'Connor interview », Rolling Stone no 42, avril 2012. « Qui étaient tes artistes préférés quand tu as commencé ? Bob Dylan, il l'est probablement toujours. Il y avait aussi David Bowie, Bob Marley, Siouxsie and the Banshees, The Pretenders ».
↑« I have never—and probably will never—experience such panic and terror and agony over anything. » Rolling Stone, avril 1988.
↑(en) « The Lion and the Cobra », Anthony DeCurtis, Rolling Stone, 28 janvier 1988. « With The Lion and the Cobra, Sinéad O'Connor joins the ranks of Kate Bush, Laurie Anderson and Jane Siberry — all women who are shattering the boundaries of pop music. »]
↑(en) « The greatest trauma was always her own’ - Neil Jordan, film director », sur The Guardian, (consulté le ) : « I... played... a track Sinéad had just sent me, called No Veteran Dies Alone [from a planned new album of the same name]. It was one of the most extraordinary uses of her searing voice and her blazing lyrical talent. »
↑(en) « Sinéad O’Connor’s new music ‘may never be released’ following her death aged 56 », sur metro.co.uk, (consulté le ) : « In 2021 O’Connor announced the release of her 11th album, which was titled No Veteran Dies Alone, and said it was set to be released the following year. However, following the death of her son Shane in January 2022, it was postponed indefinitely and remains shelved. »
« Ma mère n'était pas bien, vraiment vraiment, vraiment pas bien. Je dirais qu'elle est possédée, bien que je ne sois pas sûre de croire à ce genre de choses. Elle m'obligeait à répéter, encore et encore, que je n'étais rien, rien, pendant qu'elle me battait. »
(Cf. purepeople.com.) Elle a également adressé, par écrit, une lettre assassine envers son premier mari, son père et son fils aîné :
« Tu diras à notre fils diabolique qu'une personne qui souffre de soucis médicaux dont les symptômes incluent des pulsions suicidaires n'est pas manipulatrice, alors que lui est une p***** de brute chauviniste comme son grand-père. Vous m'avez tous abandonnée pour avoir été suicidaire, vous, bandes de p**** avérées. Vous m'avez laissée pour morte. »
« Jake dit qu'il sait que je souffre d'une maladie mentale et pourtant, il saute sur l'infirme. Dis-lui d'arrêter de faire semblant de s'inquiéter sur ma mort, le petit couillon menteur. Vous feriez tous bien de prier pour que je meure. Parce que je vais vous poursuivre en justice pour ce que vous m'avez fait, si je survis. Papa, tu as fait ça à ma mère. Tu t'en es sorti. Je suis plus forte qu'elle. Tu ne t'en sortiras pas cette fois. Combien de femmes as-tu forcé à avorter, John ? As-tu compté ? J'ai arrêté de compter il y a environ 16 ans. Aucun de vous ne me verra pour ce que vous m'avez fait. Si je réussis à ne pas me tuer, vous paierez les coûts médicaux et continuerez d'être impliqués, puisque vous avez été et restez les coordinateurs de ma destruction émotionnelle et psychologique. Je vous reverrai au tribunal. Je veux des dédommagements. »
↑(en-GB) Ben Beaumont-Thomas, « 'You hadn't the guts to support her': Morrissey decries music industry after Sinéad O'Connor's death », The Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne [archive du ], consulté le )
↑(en-US) David Browne, « Phoebe Bridgers Remembers Sinéad O'Connor: 'It's Abuse to Be Told to Shut Up and Sing' », Rolling Stone, (lire en ligne, consulté le )