Serpine (en blanc) interagissant avec une peptidase (en gris). La boucle du centre réactif est représentée en bleu. La peptidase est inhibée irréversiblement dès que la catalyse commence (PDB1K9O)
Les serpines (de l'anglais serpin, mot-valise pour serine protease inhibitor) sont des protéines aux structures semblables, connues historiquement pour leur capacité à inhiber les protéases à sérine. Elles forment une superfamille de protéines présente à travers tous les règnes du vivant[1]. Elles doivent leur nom au fait que les premières à avoir été identifiées inhibent les protéases à sérine de type chymotrypsine[2],[3]. Elles sont remarquables par leur mécanisme d'action, qui consiste à inhiber leur peptidase cible en subissant un changement conformationnel de grande amplitude qui fait disparaître le site actif[4],[5]. Ce mécanisme est très différent du mécanisme compétitif plus courant des inhibiteurs de protéases, qui se lient au site actif de l'enzyme, et empêchent la catalyse d'avoir lieu[5],[6].
L'inhibition des peptidases par les serpines contrôle tout un ensemble de processus biologiques, notamment la coagulation sanguine et l'inflammation, ce qui fait que ces protéines sont l'objet de recherches médicales[7]. Leur changement conformationnel particulier les rend également intéressantes pour les recherches en biologie structurale et en repliement des protéines[4],[5]. Ce mode d'action par changement conformationnel confère des avantages, mais présente aussi quelques inconvénients : les serpines sont ainsi vulnérables aux mutations, qui peuvent conduire à des serpinopathies telles que des serpines au repliement non fonctionnel ou la formation de longs polymères inactifs[8],[9]. La polymérisation de la serpine n'a pas seulement pour effet de réduire la quantité d'inhibiteur actif, mais conduit également à l'accumulation de polymères aux effets nocifs pour la cellule, ce qui aboutit à la mort cellulaire et à celle des organes[7].
Bien que la plupart des serpines contrôlent des cascades protéolytiques, certaines protéines ayant la structure d'une serpine ne sont pas des inhibiteurs enzymatiques mais réalisent diverses fonctions telles que le stockage (comme l'ovalbumine du blanc d'œuf), le transport (comme les transporteurs membranaires d'hormones, tels que la globuline liant la thyroxine et la transcortine), ou encore la fonction de protéine chaperonne (HSP47(en))[6]. Ces protéines-là sont également des serpines, bien qu'elles ne possèdent pas de fonction inhibitrice, car elles sont apparentées du point de vue de l'évolution[1].
Certaines serpines inhibent d'autres classes de peptidases, notamment les protéases à cystéine. Celles-ci diffèrent des protéases à sérine de ce qu'elles utilisent un résidu neutrophile de cystéine dans leur triade catalytique au lieu d'un résidu neutrophile de sérine[12]. Cependant, le mécanisme enzymatique est semblable entre ces deux types de peptidases, et le mécanisme de l'inhibition par les serpines est également le même dans les deux cas[13]. On compte, parmi les inhibiteurs de protéases à cystéine, la serpine B4(en) et la protéine MENT(en), qui inhibent les peptidases de type papaïne[14],[15],[16].
↑ a et b(en) Gary A. Silverman, Phillip I. Bird, Robin W. Carrell, Frank C. Church, Paul B. Coughlin, Peter G. W. Gettins, James A Irving, David A. Lomas, Cliff J. Luke, Richard W. Moyer, Philip A. Pemberton, Eileen Remold-O'Donnell, Guy S. Salvesen, James Travis et James C. Whisstock, « The serpins are an expanding superfamily of structurally similar but functionally diverse proteins. Evolution, mechanism of inhibition, novel functions, and a revised nomenclature », Journal of Biological Chemistry, vol. 276, no 36, , p. 33293-33296 (PMID11435447, DOI10.1074/jbc.R100016200, lire en ligne)
↑(en) Gary A. Silverman, James C. Whisstock, Stephen P. Bottomley, James A. Huntington, Dion Kaiserman, Cliff J. Luke, Stephen C. Pak, Jean-Marc Reichhart et Phillip I. Bird, « Serpins flex their muscle: I. Putting the clamps on proteolysis in diverse biological systems », Journal of Biological Chemistry, vol. 285, no 32, , p. 24299-24305 (PMID20498369, PMCID2915665, DOI10.1074/jbc.R110.112771, lire en ligne)
↑(en) James C. Whisstock, Gary A. Silverman, Phillip I. Bird, Stephen P. Bottomley, Dion Kaiserman, Cliff J. Luke, Stephen C. Pak, Jean-Marc Reichhart et James A. Huntington, « Serpins flex their muscle: II. Structural insights into target peptidase recognition, polymerization, and transport functions », Journal of Biological Chemistry, vol. 285, no 32, , p. 24307-24312 (PMID20498368, PMCID2915666, DOI10.1074/jbc.R110.141408, lire en ligne)
↑ ab et c(en) James C. Whisstock et Stephen P. Bottomley, « Molecular gymnastics: serpin structure, folding and misfolding », Current Opinion in Structural Biology, vol. 16, no 6, , p. 761-768 (PMID17079131, DOI10.1016/j.sbi.2006.10.005, lire en ligne)
↑ a et b(en) Ruby H. P. Law, Qingwei Zhang, Sheena McGowan, Ashley M. Buckle, Gary A. Silverman, Wilson Wong, Carlos J. Rosado, Chris G. Langendorf, Rob N. Pike, Philip I. Bird et James C. Whisstock, « An overview of the serpin superfamily », Genome Biology, vol. 7, no 5, , p. 216 (PMID16737556, PMCID1779521, DOI10.1186/gb-2006-7-5-216, lire en ligne)
↑ a et b(en) Penelope E. Stein et Robin W. Carrell, « What do dysfunctional serpins tell us about molecular mobility and disease? », Nature Structural Biology, vol. 2, no 2, , p. 96-113 (PMID7749926, DOI10.1038/nsb0295-96, lire en ligne)
↑(en) Sabina M. Janciauskiene, Robert Bals, Rembert Koczulla, Claus Vogelmeier, Thomas Köhnlein et Tobias Welte, « The discovery of α1-antitrypsin and its role in health and disease », Respiratory Medicine, vol. 105, no 8, , p. 1129-1139 (PMID21367592, DOI10.1016/j.rmed.2011.02.002, lire en ligne)
↑(en) A.J. Barrett et N.D. Rawlings, « Families and Clans of Serine Peptidases », Archives of Biochemistry and Biophysics, vol. 318, no 2, , p. 247-250 (PMID7733651, DOI10.1006/abbi.1995.1227, lire en ligne)
↑(en) James A. Huntington, Randy J. Read et Robin W. Carrell, « Structure of a serpin–protease complex shows inhibition by deformation », Nature, vol. 407, no 6806, , p. 923-926 (PMID11057674, DOI10.1038/35038119, lire en ligne)
↑(en) Alan J. Barrett et Neil D. Rawlings, « Evolutionary lines of cysteine peptidases », Biological Chemistry, vol. 382, no 5, , p. 727-733 (PMID11517925, DOI10.1515/BC.2001.088, lire en ligne)
↑(en) James A. Irving, Robert N. Pike, Weiwen Dai, Dieter Brömme, D. Margaret Worrall, Gary A. Silverman, Theresa H. T. Coetzer, Clive Dennison, Stephen P. Bottomley et James C. Whisstock, « Evidence That Serpin Architecture Intrinsically Supports Papain-like Cysteine Protease Inhibition: Engineering α1-Antitrypsin To Inhibit Cathepsin Proteases », Biochemistry, vol. 41, no 15, , p. 4998-5004 (PMID11939796, DOI10.1021/bi0159985, lire en ligne)
↑(en) Charles Schick, Dieter Brömme, Allison J. Bartuski, Yoshiki Uemura, Norman M. Schechter et Gary A. Silverman, « The reactive site loop of the serpin SCCA1 is essential for cysteine proteinase inhibition », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 95, no 23, , p. 13465-13470 (PMID9811823, PMCID24842, DOI10.1073/pnas.95.23.13465, lire en ligne)
↑(en) Sheena McGowan, Ashley M. Buckle, James A. Irving, Poh Chee Ong, Tanya A. Bashtannyk‐Puhalovich, Wan‐Ting Kan, Kate N. Henderson, Yaroslava A. Bulynko, Evgenya Y. Popova, A. Ian Smith, Stephen P. Bottomley, Jamie Rossjohn, Sergei A. Grigoryev, Robert N. Pike et James C. Whisstock, « X‐ray crystal structure of MENT: evidence for functional loop–sheet polymers in chromatin condensation », The EMBO Journal, vol. 25, no 13, , p. 3144-3155 (PMID16810322, PMCID1500978, DOI10.1038/sj.emboj.7601201, lire en ligne)
↑(en) Poh Chee Ong, Sheena McGowan, Mary C. Pearce, James A. Irving, Wan-Ting Kan, Sergei A. Grigoryev, Boris Turk, Gary A. Silverman, Klaudia Brix, Stephen P. Bottomley, James C. Whisstock et Robert N. Pike, « DNA Accelerates the Inhibition of Human Cathepsin V by Serpins », Journal of Biological Chemistry, vol. 282, no 51, , p. 36980-36986 (PMID17923478, DOI10.1074/jbc.M706991200, lire en ligne)