Samir Amin est né au Caire d'une mère française et d'un père égyptien, tous deux médecins. Il a passé son enfance et son adolescence à Port-Saïd où il suivit les cours d'une école française et obtint son baccalauréat (de type français), en 1947. De 1947 à 1957, il étudie à Paris où il passe avec succès un second baccalauréat option « mathématiques élémentaire » au lycée Henri-IV à Paris puis il décroche un diplôme de sciences politiques à Sciences Po Paris (1952) avant son diplôme en statistique (1956) et en économie (1957)[5]. Il est aussi professeur agrégé en sciences économiques. Dans son autobiographie Itinéraire intellectuel (1990), il écrit qu'afin de passer un temps substantiel en « action militante » il ne pouvait consacrer qu'un minimum de travail à la préparation de ses examens universitaires.
Hospitalisé depuis le , il meurt le à Paris à l'âge de 86 ans, atteint par une tumeur au cerveau[9]. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise (97e division)[10], dans le tombeau du comité national du parti communiste français.
Théorie
Sa théorie majeure est celle du développement inégal différenciant les centres du capitalisme où l'appareil de production s'est développé et où le prolétariat peut accéder au statut de classe moyenne consommatrice et leurs périphéries, où sont produites ou extraites les matières premières transformées et valorisées dans les centres et où le prolétariat ne peut accéder à l'autonomie matérielle. Théoricien principal de l'antimondialisme, puis l'altermondialisme, il préconise une manière de « développementisme marxiste » comme prolongement au tiers-mondisme de ses années maoïstes[11]. Moins connu est le fait que sa grille de lecture économiste en fait un historien des « formes précapitalistes » des pays colonisés, notamment africains, mais aussi à propos de la Chine[12]. Sa compréhension de l'histoire à l'aune du mode de production en fait aussi un analyste critique de la géopolitique postérieure à la dissolution de l'Union soviétique[13].
Les intérêts des classes capitalistes, les profits, s'opposent aux intérêts et combats des classes laborieuses (les droits des ouvriers et salariés, ainsi que la démocratie, ont été conquis contre toute logique capitaliste).
Le calcul économique rationnel à court terme s'oppose toujours à la logique long-termiste de préservation des ressources (humaines et naturelles) : « La production capitaliste [...] épuise en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur. » (Karl Marx) [14]
La dynamique expansionniste du capitalisme amène à une polarisation géographique des structures économiques (modèle Centre-Périphérie)
Pour Amin, le capitalisme et son développement ne peuvent être analysés autrement que comme un système mondial composé de pays développés, le centre impérialiste, et de pays sous-développés, la périphérie. Le développement des centres et le sous développement des périphéries doit être vu comme les deux facettes d'une même pièce : le sous-développement des pays des périphéries n'est pas dû à une quelconque spécificité intrinsèque (sociale, culturelle ou géographique) mais est le produit du rapport de force avec les pays du centre et des structures permettant l'accumulation au profit de ces derniers [15].
Les théories d'Amin sont proches des théories de la dépendance, composée d'auteurs sud-américains comme Ruy Mauro Marini ou Raúl Prebisch, et de celles d'autres auteurs du Système-monde comme Immanuel Wallerstein et Giovanni Arrighi. Les principaux points de désaccords sont autour de la notion de semi-périphérie et de l'analyse du capitalisme comme cyclique, qu'Amin, minoritaire parmi les théoriciens du Système-monde, rejette toutes deux.
Pour Amin son matérialisme historique dit mondial est le marxisme pensé comme système mondial. Le concept de Loi de la valeur est central dans sa théorie, mais il insiste sur le fait que l'économie politique, bien qu'essentiel à la compréhension du fonctionnement du monde, ne peut l'expliquer à elle seule. Il lui manque pour cela la considération des origines historiques du système et des résultats de la lutte des classes.
Loi de la valeur mondialisée
La théorie d'Amin de la Loi de la valeur mondialisée est façonnée pour décrire le fonctionnement de l'impérialisme et le sujet de son livre homonyme La loi de la valeur mondialisée. Pour un Marx sans rivage. (2011) [16]. D’après cette théorie, il y a une différence plus importante entre les salaires des producteurs dans les centres impérialistes et ceux des périphéries qu'entre la productivité entre ses deux zones. Ceci est notamment instauré par une rente impérialiste imposée par les multinationales dans les pays des périphéries et ensuite partiellement redistribuée aux classes ouvrières des centres impérialistes.
Ceci s’expliquerait selon Amin, par la liberté accordée aux multinationales, par le libre-échange et l'ouverture (relative) des frontières, de s'installer là où elles trouveront les salaires les plus bas, alors que parallèlement les gouvernements œuvrent à empêcher à la force de travail, aux travailleurs, de se déplacer librement [17]. De plus les pays périphériques, de la théorie d'Amin, ne sont pas totalement connectés au marché mondial dans le sens où les profits sont captés et la croissance parasitée par les firmes capitalistes forçant l'accumulation nationale et les salaires à stagner. Cette dynamique, baptisée « développement du sous développement »[18], est rendue possible par l'existence et particulièrement dans ces pays dits du Sud, d'un taux de chômage très haut aussi appelée armée de réserve du capital dans la théorie marxiste.
Donc cette Loi de la valeur mondialisée, créerait une sur-exploitation dans la périphérie du capitalisme mondialisé. Cette sur-exploitation couplée à la redistribution de la rente impérialiste à l’aristocratie ouvrière des centres sont l'obstacle principal à l'unité internationale de la classe ouvrière [17]. De plus les pays du centre, grâce à ce parasitage des économies du Sud conservent un avantage et un monopole partagé sur les technologies, la finance, la puissance militaire, la superstructure (médias, idéologie...), et ce même sur l'accès aux ressources naturelles bien que abondamment présente au Sud [16].
Publications
Les effets structurels de l’intégration internationale des économies précapitalistes. Une étude théorique du mécanisme qui a engendré les économies dites sous-développées (thèse), 1957
L’Égypte nassérienne, 1964
Trois expériences africaines de développement : le Mali, la Guinée et le Ghana, 1965
L’Afrique de l’Ouest bloquée. L'économie politique de la colonisation. 1880-1970, Éditions de minuit, 1971
Le développement inégal, 1973
L’échange inégal et la loi de la valeur, 1973
Neocolonialism in West Africa, 1973
Samir Amin, K. Vergopoulos, La question paysanne et le capitalisme, 1974
Samir Amin, A. Faire, M. Hussein and G. Massiah, La crise de l'impérialisme, 1975
L’impérialisme et le développement inégal, 1976
La nation arabe, 1976
La loi de la valeur et le matérialisme historique, 1977
Classe et nation dans l’histoire et la crise contemporaine, 1979
L’économie arabe contemporaine, 1980
L’avenir du Maoïsme, 1981
Samir Amin, G. Arrighi, A. G. Frank und I. Wallerstein, La crise, quelle crise ?, 1982
Irak et Syrie 1960 - 1980, 1982
Transforming the world-economy? : nine critical essays on the new international economic order., 1984
La déconnexion, 1985
L’eurocentrisme, 1988
Samir Amin, F. Yachir, La Méditerranée dans le système mondial, 1988
Impérialisme et sous-développement en Afrique (édition améliorée de 1976), 1988
La faillite du développement en Afrique et dans le tiers monde, 1989
Transforming the revolution: social movements and the world system, 1990
Itinéraire intellectuel ; regards sur le demi-siecle 1945-90, 1990
Samir Amin, G. Arrighi, A. G. Frank et I. Wallerstein, Le grand tumulte, 1991
L’Empire du chaos, 1991
Les enjeux stratégiques en Méditerranée, 1991
L’Ethnie à l’assaut des nations, 1994
La gestion capitaliste de la crise, 1995
Les défis de la mondialisation, 1996
Critique de l’air du temps, 1997
Spectres of capitalism: a critique of current intellectual fashions, 1999
L’hégémonisme des États-Unis et l’effacement du projet européen, 2000
Mondialisation, comprendre pour agir, 2002
Mondialisation des Résistances. L'État des luttes, 2002
Au-delà du capitalisme sénile: Pour un XXIe siècle non-américain
Pensée sociale critique pour le XXIe siècle : mélanges en l'honneur de Saint-Amin, Éditions L'Harmattan, 2003
Obsolescent Capitalism, 2003
L'impérialisme : de l'ère du colonialisme à l'ère de la mondialisation (en arabe, en collaboration avec Hédi Timoumi), 2004
The Liberal Virus: Permanent War and the Americanization of the World, 2004, le Virus libéral, version française, le Temps des cerises
Samir Amin, Ali El Kenz, Europe and the Arab world; patterns and prospects for the new relationship, 2005
Afrique exclusion programmée ou renaissance ? - Forum du Tiers Monde Forum Mondial des Alternatives, 2005
Les luttes paysannes et ouvrières face aux défis du XXIe siècle - L'avenir des sociétés paysannes et la reconstruction du front uni des travailleurs, Les Indes savantes, 2005
Beyond US Hegemony: Assessing the Prospects for a Multipolar World, 2006
Actuel Marx, N° 40, 2e Semestre 2 : Fin du néolibéralisme ?, 2006
↑[compte rendu] Catherine Lévy, « L’économie du Maghreb par Samir Amin, éd. de Minuit, 1966 », Autogestions, , p. 100-101 (lire en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
Recueil de textes de introduit par Demba Moussa Dembélé, Samir Amin, éditions du CETIM, Pensées d'hier pour demain n°13, 2020, 95 p. (ISBN978-2-88053-140-9)
(en) Aidan Forster-Carter, The Empirical Samir Amin, in S. Amin: The Arab Economy Today, Londres, 1982, p. 1-40
(en) Gerald M. Meier, Dudley Seers (ed.), Pioneers in Development, Oxford, 1984
(en) Duru Tobi, On Amin’s Concepts - autocentric/ blocked development in Historical Perspectives, dans Economic Papers, no 15 (1987), p. 143-163
Fouad Nohra, Théories du capitalisme mondial, Paris, 1997