Salim Ahmed Hamdan (en arabe سليم احمد حمدان ; né le ) est un ex-détenu de Guantánamo. Yéménite, il a été capturé fin novembre 2001, durant l'invasion de l'Afghanistan par les États-Unis, et a plus tard admis avoir été le chauffeur et garde du corps d'Oussama ben Laden, salarié à hauteur de 200 dollars par mois. Détenu en tant que « combattant ennemi », inculpé en 2004, puis condamné en pour « soutien matériel » au « terrorisme » après un long épisode judiciaire, il a été libéré le après avoir purgé sa peine, fixée à 5 ans et demi de prison. De fait, il a été en détention pendant plus de huit ans.
Dans un documentaire de David Carr-Brown et Fabrizio Calvi (F.B.I., l’histoire du Bureau par ses agents), l'un des agents du FBI ayant interrogé Hamdan, Ali Soufan, déclara que c'est ce dernier qui avait permis aux États-Unis de connaître l'appartenance à Al-Qaïda des pirates de l'air du en reconnaissant ceux-ci sur des photos qui lui avaient été présentées[5].
Inculpation et arrêt Hamdan v. Rumsfeld de la Cour suprême
L'arrêt Hamdan v. Rumsfeld de la Cour suprême (2006) et le Military Commission Act
Dès lors, Hamdan fit à son tour appel devant la Cour suprême. Celle-ci jugea, le , dans l'arrêt Hamdan v. Rumsfeld(en), que le gouvernement n'avait pas le droit de faire juger les détenus par des commissions militaires, et qu'il s'agissait d'une violation de l'article 3 de la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre. Cet article stipule que les prisonniers capturés sur le front doivent être traités de façon humaine et doivent être jugés au cours d'un procès équitable devant « une cour régulièrement constituée offrant toutes les garanties judiciaires »[6].
L'arrêt affirmait en outre que le Detainee Treatment Act de 2005, qui suspend le recours en habeas corpus, ne s'applique pas aux recours qui ont été intentés avant son adoption, ne pouvant être rétroactif[7].
Le juge John G. Roberts, qui siégeait à la Cour d'appel de Columbia ayant statué sur Hamdan mais avait entre deux été nommé à la Cour suprême, s'abstint de participer aux délibérations de la Cour suprême ayant déjà intervenu dans l'affaire.
Pour répondre à cet arrêt, le Congrès vota le Military Commissions Act de 2006, autorisant ainsi les commissions militaires de Guantánamo, auparavant légitimées uniquement par ordre exécutif. La loi permettait notamment à ces juridictions d'exception de connaître des crimes de guerre, et équivalait ainsi à annuler la portée de l'arrêt de la Cour suprême. L'affaire fut donc, à nouveau, renvoyée devant les commissions militaires.
Plus précisément, la loi limitait les droits juridiques de toute personne « engagée dans des hostilités ou qui apporte son soutien volontaire et matériel aux hostilités contre les États-Unis », autorise les témoignages par ouï-dire (hearsay), accepte les aveux forcés (point surnommé The Torture Law), nie l'habeas corpus, et d'autres restrictions.
Nouveau procès devant les commissions militaires de Guantánamo
Le , Hamdan fut à nouveau inculpé des mêmes chefs d'accusation. Le , deux tribunaux de révision du statut de combattant(en) distincts, juridictions militaires d'exception, respectivement présidées par le colonel Peter Brownback(en) et le capitaine Keith J. Allred(en), se déclarèrent incompétente pour juger Hamdan et Omar Khadr, jeune Canadien détenu à Guantánamo (âgé de 20 ans lors de ce jugement, et de 15 ans lors de sa capture). En effet, ces tribunaux militaires affirmèrent que le Military Commissions Act de 2006 ne leur accordaient le droit que de juger les « combattants ennemis illégaux » (unlawful enemy combatants) alors que Hamdan et Khadr étaient dotés du statut de « combattants ennemis » (enemy combatant)[8].
Le capitaine Allred avait jugé qu'Hamdan n'avait jamais été « individuellement caractérisé » en tant que « combattant ennemi illégal[8]. Par conséquent, Hamdan devait avoir droit au statut de « prisonnier de guerre »[8]. »
Une distinction était de plus faite entre le statut de « combattant ennemi » et de « combattant illégal », le capitaine Allred considérant que le premier statut, défini par les statuts des commissions militaires, accordait davantage de garanties pour la défense que le second, défini par le Military Commissions Act[8].
L'arrêt semblait alors remettre en cause la possibilité de juger les détenus de Guantánamo devant ces juridictions d'exception[9]. En théorie, l'administration pouvait faire appel, mais les juridictions d'appel n'avaient à l'époque pas encore été établies[8]. À l'époque, le seul détenu de Guantánamo à avoir été jugé et condamné était l'Australien David Hicks(en), condamné à 9 mois de prison en .
Mais le , après une procédure d'appel, le même juge militaire Allred déclara spécifiquement Hamdan comme « combattant ennemi illégal », ôtant toute portée spécifique à l'arrêt antérieur[3]. La commission militaire lui dénia donc le statut de prisonnier de guerre, rejetant les arguments de la défense qui affirmait que les armes transportées par Hamdan lors de sa capture (des missiles sol-air) étaient à destination de combattants ennemis régulier luttant dans le cadre d'un conflit régulier, tombant sous les Conventions de Genève (en l'espèce, la guerre contre l'État afghan alors aux mains des talibans)[3].
Lors d'une audition devant les commissions militaires, le , les avocats de Hamdan (dont le civil Joseph McMillan) exigèrent, sans succès, qu'on cesse de maintenir Hamdan à l'isolement. Détenu jusqu'en 2006 dans le camp no 4 de Guantanamo, il avait en effet été transféré ensuite dans le camp no 5 où les détenus étaient maintenus à l'isolement. La défense qu'il était affecté de trouble de stress post-traumatique et était exposé à des pensées suicidaires. Ils indiquèrent en outre qu'il manquait à la défense une partie des dossiers concernant Hamdan, mais l'accusation répliqua en prétendait qu'il s'agissait d'informations triviales[4]. Enfin, ils soutinrent que le Military Commissions Act de 2006 avait créé de nouvelles violations du droit de la guerre qui ne pouvaient être appliquées de façon rétroactives[4].
Le procès effectif de Hamdan commença le . Le New York Times déclara que les chefs d'inculpation contre Hamdan n'étaient pas publics, mais semblaient inclure des faits tels que ceux d'avoir vérifié la pression des pneus et le niveau d'huile [10].
Auparavant présenté comme un « dangereux terroriste », Hamdan n'était devenu plus que le chauffeur de Ben Laden, n'ayant qu'une connaissance confuse des projets d'Al-Qaïda, le débat portant essentiellement sur sa connaissance de ces projets, tandis que l'accusation soutenait que l'assistance matérielle qu'il fournissait en tant que chauffeur était décisive à l'exécution des projets terroristes de Ben Laden[10].
La défense parlait au contraire de « culpabilité par association », tandis que l'agent du FBI ayant interrogé Hamdan, Ali Soufan, déclarera dans un documentaire ultérieur que lors de son interrogatoire, postérieur de peu au , Hamdan avait marqué un étonnement significatif lorsqu'il avait appris que les personnes qu'il avait reconnu sur des photographies étaient les pirates de l'air et que donc c'était bien Al-Qaïda qui avait organisé les attentats[5]. Selon ce témoignage, il avait donc été tenu dans l'ignorance des projets de Ben Laden[5]. Le professeur d'histoire islamique Brian Glyn Williams témoigna pour la défense en soulignant le faible niveau d'éducation de Hamdan et le fait qu'il n'avait fait que soutenir la mission d'Al-Qaïda concernant l'appui aux « guerriers islamiques » sans avoir participé à aucun jihad de fait, c'est-à-dire d'actes terroristes[11].
Lors du procès, la défense (dont l'avocat Harry H. Schneider Jr.) accusa notamment les interrogateurs d'avoir soumis Hamdan à des humiliations sexuelles effectuées par une femme[11],[12]. Le juge militaire Allred décida, après débat, d'admettre le témoignage à charge de l'agent du FBI Robert McFadden, qui déclarait que Hamdan lui avait affirmé, lors d'un interrogatoire de , avoir juré un serment de fidélité (bayat) à Ben Laden[11]. La défense avait tenté d'écarter ce témoignage en se justifiant sur le fait qu'il avait été obtenu via un « interrogatoire coercitif ». Cet interrogatoire, ayant eu lieu dans des conditions inhabituelles, eut lieu un mois après le memorandum du secrétaire de la Défense Donald H. Rumsfeld utilisant l'usage de « techniques dures d'interrogatoires » (harsh), qualifiées de torture par les opposants à ces techniques et par des rapports parlementaires ultérieurs[11]. Hamdan nia lors du procès avoir avoué tout serment de fidélité pendant cet interrogatoire[11].
Le procureur réclamait une sentence de « 30 ans à vie » (30 ans incompressible pouvant être indéfiniment renouvelés, une sentence également appliquée par le système judiciaire fédéral ordinaire), tandis que la défense demandait une peine de moins de 45 mois (il avait alors été détenu depuis 61 mois).
Salim Hamdan fut finalement acquitté du chef d'accusation de « complot » avec al-Qaïda en vue de commettre des crimes de guerre le , tout en étant jugé coupable de « soutien matériel » au terrorisme[13].
Il fut condamné à 5 ans et demi de prison, la commission militaire considérant par ailleurs que les cinq années de détention effectuée à Guantánamo devaient être prises en compte comme s'il s'agissait d'une détention préventive ordinaire. Un porte-parole du Pentagone fit toutefois remarquer qu'une fois sa peine purgée, il pourrait de nouveau être considéré comme un « combattant ennemi », ce qui autoriserait sa détention pour une durée indéfinie[2].
Le , le procureur militaire en chef de Guantanamo, Lawrence Morris(en), demanda une nouvelle audition afin que les années de détention effectuées ne soient pas prise en compte dans le calcul de sa peine. Cette requête fut rejetée le par le juge militaire Allred[14].
Fin , Salim Hamdan fut transféré au Yémen pour y purger le reste de sa peine[15], et fut finalement libéré le , ayant purgé celle-ci.