Sébastien Soriano occupe plusieurs postes dans des autorités administratives indépendantes liées à l'essor des télécoms.
De 2001 à 2004, il est rapporteur permanent et membre de la cellule économique au Conseil de la concurrence.
À partir de 2004, il intègre l'ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) - devenue l'ARCEP en 2005 - comme chef de l'unité marchés mobiles, puis de l'unité Fttx (Fiber to the x) et dégroupage (2006-2007).
En 2007, il devient directeur de la régulation des marchés haut et très haut débit et des relations avec les collectivités territoriales.
En 2011, Sébastien Soriano intègre l'équipe de campagne de François Hollande - alors candidat à la présidentielle - auprès du directeur Pierre Moscovici sur les thématiques axées sur les enjeux numériques [5]. Il rencontre Fleur Pellerin qu'il accompagnera au fil des remaniements.
En 2014, il devient son conseiller spécial quand elle est nommée secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l’étranger[8].
Lors de la nomination de Fleur Pellerin en tant que ministre de la Culture et de la Communication, il devient conseiller spécial, chargé notamment du secteur presse[9].
Auditionné le [11],[12] par les commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat qui émettent un avis favorable[13], il est nommé président de l'ARCEP par décret du président de la République le [14] pour un mandat de six ans. Son mandat à l'ARCEP prend fin le .
Selon la Cour des Comptes, la rémunération du poste est estimée selon un salaire brut de 191 543 euros annuels, soit 15 961 euros par mois[15].
La nomination de Sébastien Soriano intervient dans un contexte de tension dans le secteur des télécoms[17], deux ans après l'entrée de l'opérateur Free sur le marché mobile et ses effets sur les prix[18]. Les députées Laure de La Raudière et Corine Erhel évoquent dans un rapport parlementaire de 2013[19] un « climat malsain » et interrogent les priorités de l'Arcep en termes de baisse de prix pour les consommateurs d'une part, et d'investissement et de couverture du territoire en réseaux, d'autre part. Sébastien Soriano en conclut « qu’il faut arrêter d’opposer la concurrence au souci, légitime, de la bonne santé des opérateurs. (…) La France a besoin d’un secteur des télécoms compétitif, d’opérateurs qui déploient des réseaux sur tout le territoire le plus loin possible, et à des prix acceptables. »[20]
Cette question de l'investissement va occuper une place centrale dans le mandat de Sébastien Soriano[21]. Pour pousser le secteur à investir, l'Arcep va actionner plusieurs leviers[22] : encadrer la location dite d'itinérance par Free du réseau mobile d'Orange[23], mieux informer les consommateurs sur la qualité des réseaux[24] pour que le prix ne soit pas que le seul critère de choix[25], inciter les opérateurs à cesser les guerres de prix[26], favoriser une mutualisation de l'investissement dans la fibre optique[27], orienter les attributions de fréquences vers l'investissement plutôt que les enchères[28], enfin encourager régulièrement les opérateurs à investir davantage[29]. Pour Sébastien Soriano, il n'y a pas d'opposition de principe entre concurrence et investissement ; c'est la manière de réguler qui doit s'adapter au contexte[30].
De fait, l’investissement des opérateurs télécoms a connu une forte croissance sur la période. Ils s'élevaient en 2015 à 7,8 milliards d'euros et on atteint 11,5 milliards d'euros (hors achats de fréquences mobiles à l'Etat) en 2020[31]. Cela a fait dire à la Fédération française des télécoms : « nous sommes de loin le secteur qui investit le plus dans les infrastructures en France »[32]. Cet investissement a permis de porter le déploiement des réseaux, tout en maintenant un marché à quatre grands opérateurs, particulièrement dans la fibre optique[33] et la 4G[34]. En matière de connectivité, la France était classée par la Commission européenne en 2016 parmi les pays « accusant un retard » avec la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, la Grèce, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie[35]. En 2022, la France se classe 5ème en Europe[36].
New Deal mobile
En septembre 2017, Sébastien Soriano propose au gouvernement de tenter une négociation avec les opérateurs pour accroître la couverture mobile des zones rurales, en interrogeant : « est-ce que le gouvernement souhaite des redevances plus élevées [pour les fréquences], ou est-ce que la priorité pour les Français, c'est la couverture mobile du territoire ? »[37]. Le ministre Julien Denormandie se saisit du dossier[38] et conclut en janvier 2018 un accord jugé historique[39] : le New deal mobile[40].
Transition de la TNT
Sébastien Soriano déclare « inéluctable » le basculement de la TNT (Télévision Numérique Terrestre) au profit de modes de diffusion alternatifs de la télévision, comme le satellite ou la télévision par ADSL (prochainement remplacée par la fibre optique)[41]. Selon une étude de l'Arcep, le taux de pénétration au sein des foyers était de 55 % pour la télévision par IP à la fin 2017, contre près de 51 % pour la TNT[42].
Neutralité du net (ou du réseau)
Importée d’outre-Atlantique dès le milieu des années 2000, la neutralité du net est garantie par le droit européen depuis le printemps 2016[43]. Lors de son audition pour la présidence de l'ARCEP en 2015, Sébastien Soriano avait affirmé son point de vue concernant la préservation de la neutralité du net pour les utilisateurs, en défendant toutefois aussi l'intérêt de l'innovation sur les services liés à la bande passante[44]. Selon lui, la neutralité du Net a permis de mettre un terme définitif à toutes les pratiques de blocage et de bridage techniques. Le cadre juridique a permis de réguler et de mettre en conformité les contraintes techniques imposées aux acteurs d'internet par les opérateurs[45], conduisant à une neutralité du réseau en France plus grande que celle des partenaires européens[46].
À la fin de 2017, Sébastien Soriano a interpelé dans une tribune la commission fédérale des communications sur sa décision, initiée par Ajit Varadaraj Pai, de mettre un terme à la neutralité du net aux États-Unis[47]. Sébastien Soriano a ensuite regretté l'adoption de cette décision[48] et déclaré qu'elle n'avait pas d'influence sur les cadres européen[49] et français[50]. Par la suite, il va développer les relations avec l'Inde et le régulateur indien TRAI[51] qui s'était opposé à Facebook[52] et conduiront à une déclaration conjointe[53] du Berec et de la TRAI sur la neutralité du net.
Ouverture du marché des télécoms d'entreprises
Sébastien Soriano est favorable à l'ouverture de la concurrence des télécoms en développement le marché aux entreprises, (faciliter l'accès physique et tarifaire à la fibre optique, multiplicité de choix des opérateurs) en limitant ainsi la position monopolistique de l'opérateur d'Orange[54].
Régulation par la donnée
Le mandat de Sébastien Soriano est marqué par le concept de « régulation par la donnée », qui est un ensemble d'actions du régulateur pour influencer, par l'information, les opérateurs télécoms au bénéfice des utilisateurs[55]. Cela s'est traduit par plusieurs outils mis en place par l'Arcep : J'alerte l'Arcep[56] pour recenser les tracas des consommateurs[57], Mon Réseau Mobile[58] sur la couverture mobile des réseaux par opérateur afin de favoriser le choix des utilisateurs[59], Ma Connexion Internet[60] sur la fibre optique et le haut débit[61], l'application Wehe[62] pour détecter d'éventuels bridages du réseau[63]. L'Arcep a présenté un bilan de ces outils fin 2020, qui ont été l'objet d'un cas d'étude publié par l'OCDE.
5G
Lucide sur la volonté des opérateurs des télécoms de diversifier leurs services aux consommateurs (par exemple l'opérateur SFR dans les médias ou Orange dans la banque), Sébastien Soriano est néanmoins partisan de rendre prioritaires les investissements dans les technologies liées aux télécoms, principalement la 5G[64]. Il définit la commercialisation de la 5G comme étant un véritable enjeu industriel au-delà des marchés des télécoms[65]. Celle-ci étant prévue dès 2020, Sébastien Soriano souhaite faciliter l'accès au marché aux nouveaux acteurs comme par exemple l'ouverture d'expérimentation via des guichets afin de ne pas se limiter aux opérateurs classiques[66].
Sébastien Soriano estime toutefois que la 5G soulève des enjeux sociétaux et devrait appeler plus de régulation[67], notamment quant à l'impact environnemental des réseaux. Il appelle dans une tribune à l'instauration d'un contrôle citoyen[68].
Internet et régulation des GAFA
Sébastien Soriano défend dans une tribune une conception d'Internet comme « bien commun »[69], affirmant qu'il convient de réguler les positions dominantes des GAFA (Google-Amazon-Facebook-Apple). Lors de la condamnation de Google par la Commission Européenne pour abus de position dominante, il salue une décision importante pour le développement des innovations : « la Commission a rappelé que les innovateurs d’hier ne devaient pas profiter de leurs succès passés, aussi éclatants soient-ils, pour étouffer les innovateurs de demain[69] ».
Lors de l'audition de la commission des Affaires économiques, il a rappelé la nécessité de réguler les GAFA, dont l'effet de concentration a des impacts significatifs sur l'ensemble du système économique et social ainsi que de mieux informer les utilisateurs sur l'utilisation des données personnelles[70]et de veiller au caractère ouvert des terminaux lié au développement à venir de l'Internet des objets[71].
Lors du festival South by Southwest à Austin (Texas) en 2019, Sébastien Soriano présente un programme complet de régulation de la Big Tech dite « régulation Robin des bois »[72] consistant à redistribuer le pouvoir des acteurs les plus puissants au bénéfice du plus grand nombre. Sébastien Soriano y fustige l'idée de « réguler internet » : pour lui ce sont d'abord les géants du secteur qui doivent être régulés, pas les citoyens et les startups. Ces propositions sont publiées par la Digital new deal foundation présidée par Olivier Sichel, avec les contributions de Barry Lynn, Mehdi Medjaoui, Stefano Quintarelli et Judith Rochfeld.
Sébastien Soriano a aussi soutenu la proposition de la députée Paula Forteza d'une « charte du numérique », adossée à la Constitution pour préserver les droits et libertés sur internet[73].
Politique de concurrence
A la fin de son mandat à l'Arcep, Sébastien Soriano a appelé la politique de concurrence à un « examen de conscience »[74]. Il estime que dans le numérique, le projet ordo-libéral a échoué car il n'a pas su empêcher la formation de nouveaux monopoles à travers les méga-firmes du numérique. Selon lui, « Metcalfe a mis Schumpeter KO debout »[75], c'est-à-dire que la puissance des effets de réseau générés par les grands acteurs du numérique empêche l'apparition de nouveaux acteurs concurrents et le cycle de destruction-créatrice. Il se dit inquiet de la pente prise par le droit de la concurrence, où la nécessité de la preuve économique prend le pas sur le bon sens : « on tend à être un peu admiratif de ces raisonnements économiques, on arrive à faire des modèles magnifiques … qui à la fin vous convainquent que les monopoles ce ne serait pas si grave ! ». Il invite à renouer avec l'esprit de l'antitrust du début du 20ème siècle, qui luttait contre les « barons voleurs » des grandes industries de l'époque, et ainsi à remettre sur la table l'arme du démantèlement, notamment vis-à-vis de Google[76].
Subventions destinées à la presse quotidienne
Selon le magazine Marianne, Sébastien Soriano a, durant sa présidence de l'ARCEP, « taxé la presse magazine au profit des seuls quotidiens nationaux détenus par des milliardaires » rendant une distribution de la presse française « profondément discriminatoire » : ainsi, les quotidiens nationaux bénéficient d’une aide d’État de 27 millions d’euros, tandis que les magazines et toutes les autres publications ne perçoivent rien. De plus, toutes les publications doivent payer une contribution exceptionnelle de 8,3 millions d’euros, la péréquation, au profit de la distribution des quotidiens nationaux[77].
Il lance en mai 2021 une grande concertation sur les « géo-communs »[78], les communsnumériques dans le secteur de l'information géographique. Cette concertation s'appuie sur des enquêtes internes, des enquêtes auprès des usagers, mais aussi une consultation publique qui recueille de nombreuses contributions[79]. Cette démarche montre l'intention du directeur de l'IGN de nouer de nouveaux partenariats dans ce domaine, tant avec les acteurs institutionnels (ONF, INSEE, Ademe, Cerema, Inria...) qu'avec le monde associatif (OpenStreetMap)[80],[81]. Il répond favorablement fin 2021 à une proposition de l'association OpenStreetMap France d'étudier la faisabilité de la mise en place d'une solution libre et souveraine de vues immersives, similaire au service Google Street View[82]. Ce projet voit le jour en 2023 sous le nom de Panoramax.
L'IGN met en place la Fabrique des géo-communs[83], qui se veut un incubateur de communs au sein du réseau beta.gouv[84] de la Dinum[85]. Selon Sébastien Soriano, il s'agit d'aller au-delà de l'open data[86], qui concerne les données de l'IGN depuis le 1er janvier 2021, en mobilisant un large réseau d'acteurs pour participer à la création et l'entretien de bases de données ouvertes telle que la Base adresse nationale ou Panoramax. Cela vise aussi à instaurer une relation nouvelle entre l'institut national et les collectivités territoriales[82].
Cartographier l'anthropocène
Sébastien Soriano estime que la cartographie fait face à un nouveau défi[87] : l'anthropocène. Les activités humaines induisent des changements rapides sur l’environnement, la biodiversité, le littoral... de sorte qu'un institut public géographique, qui est selon lui comme « un miroir tendu au territoire », devrait s'attacher à cartographier en continu ces transformations accélérées. L’enjeu serait ainsi de « permettre à la Nation de réagir de manière éclairée pour corriger ses excès ». Dans une une tribune collective à laquelle il s'associe, la donnée est considérée comme le nouveau « mètre étalon de la transition verte »[88].
Pour l'IGN, cette orientation se traduit par des projets réalisés pour le compte du gouvernement et en coopération avec d'autres organismes publics, tels qu'une carte dynamique de l'occupation des sols[89] pour le suivi de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN)[90], un Observatoire des forêts françaises pour rassembler des informations de référence sur l'ensemble des enjeux forestiers (sanitaire, prévention des feux, puits de carbone, biodiversité, ressource en bois...)[91], ou encore un portail cartographique des énergies renouvelables[92] pour recenser les installations existantes, le potentiel d'installation d'énergies renouvelables et permettre aux collectivités territoriales de déclarer des « zones d'accélération » pour faciliter les procédures administratives[93].
Sébastien Soriano insiste sur la dimension technologique de ce défi[94], qui doit mobiliser l'intelligence artificielle[95], les sources de données satellitaires ou par impulsion laser Lidar[96] ainsi que des techniques de visualisation 3D et de simulation pour préparer un jumeau numérique du territoire[97]. Cela appelle selon lui à de nouvelles coopérations public-privé pour constituer l'équivalent d'un arsenal pour la transition écologique[98] en s'associant avec des startups françaises[99].
Ouvrage
Un Avenir pour le service public. Un nouvel État face à la vague écologique, numérique, démocratique, Odile Jacob, 2020[100].
Autres publications
La substitution de la monnaie électronique à la monnaie fiduciaire : modèle et simulations, avec David Bounie, Revue française d'économie, 2006
↑« Qui est Sébastien Soriano, le nouveau gendarme des télécoms? », sur bfmbusiness, : « Ce fils d'une magistrate et d'un psychanalyste d'origine péruvienne est décrit comme un ambitieux et un fin politique: "c'est un adepte des coups de billards à trois bandes. Il est difficile de savoir ce qu'il pense vraiment", dit un opérateur. »
↑Arrêté du 5 septembre 1996 portant nomination des élèves admis en 1996 à l'École polytechnique (lire en ligne)
↑Le Monde, « Le nouveau « gendarme » français des télécoms officiellement investi », Le Monde.fr, (lire en ligne)
↑Décret du 14 janvier 2015 portant nomination du président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes - M. SORIANO (Sébastien) (lire en ligne)
↑Sandrine Cassini, Zeliha Chaffin, « Le gendarme des télécoms appelle les opérateurs français à « casser leur tirelire » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑Jean Leymarie, « Sébastien Soriano (Arcep) : "Maintenant, chacun peut choisir son opérateur en connaissance de cause" », France Info, (lire en ligne)
↑« La neutralité du net selon Sébastien Soriano : la fermeté souple »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur Numerama, : « "Il faut être extrêmement ferme sur la neutralité du net", a-t-il ainsi déclaré, en aménageant immédiatement les ouvertures de portes dans lesquelles les opérateurs pourront s'engouffrer. Il plaide en effet pour "laisser place à l'innovation" dans des services gérés qui pourraient ne pas être soumis aux mêmes règles de neutralité, à deux conditions : 1-Qu'une partie de la bande passante soit "réservée" à Internet tandis que l'autre serait utilisable pour les services gérés proposés par les opérateurs ; 2-Que les offres soient proposées aux abonnés de façon "transparente", notamment sur cette répartition de la bande passante entre services gérés et Internet. ».
↑Sebastien Soriano, Nicolas Charbit, Vincent Jaunet et Sylvain Justier, « Sébastien Soriano : La concurrence doit mener son examen de conscience », Revue Concurrences, no N° 1-2021, , p. 0–0 (ISSN1773-9578 et 2116-0090, lire en ligne, consulté le )
↑Sebastien Soriano, Charlotte Tasso de Panafieu et Olivier Fréget, « Sébastien Soriano (ARCEP) : Inventons une régulation “Robin des Bois” qui reprenne le pouvoir aux géants du numérique pour le distribuer à tous ! », Revue Concurrences, no N° 3-2018, , p. 0–0 (ISSN1773-9578 et 2116-0090, lire en ligne, consulté le )
↑Raphaële Karayan, « Données : l'IGN lance une initiative public-privé pour répondre aux enjeux de la transition écologique », Usine Digitale, (lire en ligne, consulté le )
↑Jacques Chevallier, « Sébastien SORIANO, Un avenir pour le service public. Un nouvel État face à la vague écologique, numérique, démocratique, Odile Jacob, 2020, 234 p », Revue française d'administration publique, 2021/1 (n° 177), pages 255 à 257 (lire en ligne)