Réintégration de la Transnistrie dans la Moldavie

Carte de Moldavie montrant (jaune plus pâle) les territoires de la Transnistrie et de la Gagaouzie comme régions autonomes du pays.

La réintégration de la Transnistrie à la Moldavie est la proposition de réintégrer l'État non reconnu de Transnistrie à la Moldavie, résolvant ainsi un conflit gelé depuis la guerre du Dniestr de 1992, l'un des premiers conflits post-soviétiques.

Contexte

Depuis la guerre du Dniestr (1992), la La Transnistrie, grâce au soutien militaire russe est indépendante de facto alors que ce territoire est internationalement reconnu (y compris par la Russie) comme faisant partie de la Moldavie en tant que région autonome. La Transnistrie est également connue comme Pridnestrovie (« près du Dniestr », appellation usuelle russe). Le nom Transnistrie (« au-delà du Dniestr », appellation usuelle moldave francisée) n'est pas officiel car le nom officiel est République moldave du Dniestr (RMD, en moldave/roumain Република Молдовеняскэ Нистрянэ - Republica Moldovenească Nistreană, en russe Приднестровская Молдавская Республика et en ukrainien Придністровська Молдавська Республіка soit ПМР - PMR). En 1990, lorsque la Moldavie déclare son indépendance, la Transnistrie choisit de rester membre de l'Union des républiques socialistes soviétiques et en 1991, lorsque se produit la dislocation de l'URSS, elle proclame son indépendance. Pour l'ONU et le droit international, elle devrait être une région autonome de la Moldavie, et c'est le statut que lui proposent les autorités moldaves. Mais la Transnistrie fait partie des territoires occupés par la Russie et a obtenu la reconnaissance diplomatique de trois États post-soviétiques et pro-russes non reconnus : l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud et, jusqu'à sa disparition en 2023, l'ancien Artsakh.

Son intégration dans la légalité moldave et internationale a été proposée à plusieurs reprises. Certaines enquêtes réalisées sur le territoire suggèrent que de nombreuses personnes souhaiteraient rejoindre la Moldavie dans une fédération[1],[2]. De nombreux Transnistriens ont également des passeports moldaves[3] et certains votent aux élections moldaves[4].

Igor Dodon, président moldave de fin 2016 à fin 2020 et Maia Sandu, présidente depuis fin 2020, ont tous deux exprimé leur intention de réintégrer la Transnistrie à la Moldavie, bien qu'ils ne soient pas d'accord sur la manière de mettre cela en œuvre[5],[6]. Une évaluation réalisée par l'USAID au début des années 2000 a suggéré que l'intégration de jure de la Transnistrie nécessiterait une aide substantielle de la part des donateurs internationaux, car sa sécession de facto a généré de coûteux problèmes économiques et une instabilité politique régionale[7].

En entrant en fonction, Maia Sandu a appelé les troupes russes à quitter la Moldavie et a déclaré qu'elle s'était engagée à réintégrer la Transnistrie en tant que région autonome[3].

Tentatives

Drapeau des Unités territoriales autonomes de la rive gauche du Dniestr, proche de celui de la république séparatiste, mais sans l'emblème soviétique.

La résolution du conflit transnistrien parut proche le 8 mai 1997 lorsque fut signé le mémorandum de Moscou de 1997, conçu par le Premier ministre russe Ievgueni Primakov et soutenu par l'Ukraine et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a donné à la Transnistrie le droit d'établir ses propres traités économiques internationaux et de réglementer ses propres activités économiques, ainsi que de participer à toute décision de politique étrangère prise par le gouvernement moldave. Cependant, l'accord comprenait une partie qui appelait la Moldavie et la Transnistrie « à construire leurs relations dans le cadre d'un État commun » mais sans préciser ce que serait cet Etat. Cette partie a fait l'objet d'interprétations différentes par les deux parties. Alors que les Moldaves pensaient que la Transnistrie serait une région autonome de leur pays (qui avait été unitaire durant la période soviétique), adoptant la Constitution, les institutions et les lois moldaves, les Transnistriens, eux, envisageaient une confédération entre deux États souverains mais associés, internationalement reconnus séparément, sur le modèle du Commonwealth. Par conséquent, l'accord a échoué, bien que la partie controversée a continué à être discutée des années plus tard[8].

De nouveaux progrès semblèrent possibles en 2003. Le président moldave pro-russe Vladimir Voronine, qui avait déjà déclaré que l'un de ses principaux objectifs de sa présidence serait d'intégrer la Transnistrie, a proposé au président transnistrien Igor Smirnov de l'aider à rédiger une nouvelle constitution moldave afin de convertir le pays en un État fédéral, ce que Smirnov a accepté. Ainsi ont commencé les négociations moldo-transnistriennes avec la médiation russe, ukrainienne et de l'OSCE. Dmitri Kozak, vice-Premier ministre russe, participerait également à ces négociations à la suite de l'appel de Voronin au président russe Vladimir Poutine pour qu'il s'en mêle, mais séparément et non avec les autres médiateurs. Un projet de ce qu'on a appelé le mémorandum Kozak qui établirait un État fédéral « asymétrique », a été présenté par Kozak à la fin de l'année et les deux parties l'ont accepté. Cependant, une version mise à jour de l'accord comprenait des articles autorisant une présence militaire russe à long terme en Moldavie, ce à quoi les médiateurs étaient opposés. De plus, le mémorandum Kozak s'est heurté à une forte opposition populaire dans le pays. Pour ces raisons, le 24 novembre, peu de temps avant que Poutine ne quitte Moscou pour arriver à Chișinău pour assister à la signature, Voronine a décidé de rejeter l'accord, faisant du mémorandum Kozak une autre tentative de résolution ratée[8].

Le , la Russie a abrogé un décret de 2012 exprimant la volonté du Kremlin de « trouver une solution légale pour la Transnistrie en respectant l'intégrité territoriale de la Moldavie », abrogation pouvant permettre à la Russie de reconnaître officiellement la sécession transnistrienne[9], comme elle l'a déjà fait avec l'Abkhazie ou l'Ossétie du Sud en Géorgie[10].

Analyse

Dans une étude organisée par la Fondation de l'Université de la mer Noire entre octobre 2018 et février 2019, lorsqu'un groupe de Transnistriens a été interrogé sur l'option qui conduirait à un développement plus rapide de la république, seuls 5,2 % d'entre eux ont répondu par une réintégration en Moldavie, mais il faut rappeler qu'il n'y a pas d'opposition politique ni de liberté d'opinion en Transnistrie[11], que l'armée russe y est toujours stationnée, et qu'un grand nombre d'expatriés économiques transnistriens vit et travaille en Russie[12]. C'est pourquoi 37,1% se déclarent partisans de l'adhésion à la Russie, tandis que 22,6% croient encore à une Transnistrie indépendante et internationalement reconnue. La même étude a montré une faible adhésion à une identité moldave par les Transnistriens, quelle que soit leur appartenance ethnique. Seuls 14% se sentaient « moldaves », tandis que 37,3% se sentaient « transnistriens » sans autre précision (il peut d'agir d'ukrainiens rendus prudents par les tensions entre la Russie et l'Ukraine depuis 2014) et 35,7% russes. Les résultats varient en fonction de l'âge, car si 16 % des Transnistriens de plus de 60 ans se sentent « moldaves », seuls 7,2 % des personnes âgées de 18 à 29 ans l'affirment. En outre, 41,9% des Transnistriens affirmaient, comme les médias russes, que l'Ukraine est une menace pour la Transnistrie, et 13,2 % autres attribuaient ce rôle à la Moldavie. Pourtant, au niveau de la vie quotidienne, 5,8 % des Transnistriens ont décrit les relations entre la population de la Moldavie et de la Transnistrie comme étant très bonnes, 49,3 % comme bonnes, 32,1 % comme distantes et 7,4 % comme très distantes, 5,4 % restants n'ayant pas répondu[13].

Notes et références

  1. Florent Parmentier, « La Transnistrie (Moldavie), prochain objectif de la guerre en Ukraine ? », sur La Tribune, (consulté le ).
  2. (en) Louise Callaghan, « Inside Transnistria: is this next on Putin’s hit list? », sur The Times, (consulté le ).
  3. a et b Loïc Ramirez, « Transnistrie, vestige d’un conflit gelé », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Madalin Necsutu, « Can Moldova's new government solve its oldest problem, Transnistria? », sur Euronews, (consulté le ).
  5. (en) Tetyana Malyarenko et Stefan Wolff, « A New Dynamic for the Post-Soviet Conflict Settlement: The Case of Transnistria and the Donbas », sur Wilson Center, (consulté le ).
  6. (en) « Dodon dubs Sandu’s statement on Russian peacekeepers in Transnistria as mistake », sur Tass, (consulté le ).
  7. (en) Paul O’Farrell, Thomas M. Flohr, Charlotte Watson et Douglas Grube, « Moldova and Transnistria Reintegration Study », sur USAID, (consulté le ).
  8. a et b (en) William H. Hill, « The OSCE and the Moldova-Transdniestria conflict: lessons in mediation and conflict management », Security and Human Rights, vol. 24, nos 3-4,‎ , p. 287–297 (DOI 10.1163/18750230-02404015, lire en ligne, consulté le ).
  9. Laurent Lagneau, « Guerre en Ukraine : La Russie accentue sa pression sur la Moldavie », dans Zone militaire du 23 février 2023 - [1].
  10. « La Russie reconnaît l'indépendance sud-ossète et abkhaze », Le Point, 26 août 2008.
  11. (en-GB) Deutsche Welle (www.dw.com), « Transnistria's explosive inheritance from the Soviet era | DW | 01.12.2015 », sur DW.COM (consulté le ).
  12. « Transnistrie : le pays qui n'existe pas - Le Dessous des cartes », sur youtube.com, Arte, (consulté le ).
  13. (en) Tatiana Cojocari, Radu Cupcea et Dan Dungaciu, « A Demystified Transnistria. Giving the Public Opinion a Voice : Perceptions, attitudes and values of the population from the left bank of Dniester river. Part I. », sur ResearchGate, Fondation Universitaire de la Mer Noire, (consulté le ).

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • Florent Parmentier, « La Transnistrie Politique de légitimité d'un Etat de facto », Le Courrier des Pays de l'Est, vol. 2007/3, no 1061,‎ , p. 69-75 (lire en ligne, consulté le ).