Né en 1894 (la future Classe 1914, la « génération sacrifiée »), Robert Porchon est le fils d'Angel Porchon et de Gabrielle Marie Louise Néaf. Son frère Marcel, né en 1885, est également tué sur le front, en Argonne, le .
Il est le neveu par alliance du général de brigade Gabriel Delarue qui fut également tué sur le front cette même année 1915[Note 1].
Le jeune sous-lieutenant rejoint la caserne Chanzy de Châlons-sur-Marne le . D'abord affecté au 306e RI, unité de réserve du 106e, il part pour le front avec un renfort pour le régiment d'active le . Maurice Genevoix fait partie du même départ. Ils se retrouvent dans la même compagnie, la 7e, à Gercourt-et-Drillancourt, le : « Un élève de Saint-Cyr, frais galonné, visage osseux, nez puissant et bon enfant, qui vient d'arriver avec moi du dépôt ». Le sergent Germain complète ce portrait : « C'est un grand garçon, blond au nez proéminent mais à l'air intelligent. Je remarque qu'il ne me tutoie pas. Il a du tact »[2].
Après l'attaque de nuit à Rembercourt-Sommaisne, le (combats de Vaux-Marie), dans laquelle le commandant Giroux a été tué, Bord prend le commandement du 2e bataillon, et laisse la 7e compagnie au seul officier d'active, le sous-lieutenant Porchon.
« Je te disais que je suis maintenant commandant de compagnie, faute d'officiers pour remplir ce rôle. Il n'en reste plus des masses au 106, et je suis un des chanceux. Sur sept saint-cyriens que nous étions, je suis le seul qui reste. »
— Lettre à sa mère du 27 septembre 1914, Carnet de route.
Cette situation va durer jusqu'au , quand le capitaine Rolin prend la compagnie et Porchon reprend la 4e section de celle-ci.
Il est inhumé à la nécropole nationale du Trottoir, aux Éparges, auprès d'autres tués du 106e RI, tombe 42 sur laquelle la date de décès indique erronément le [4],[Note 3]. Sa tombe est alors entretenue par la famille Auboin.
Les sentiments fraternels que l'écrivain Maurice Genevoix éprouvait pour son compagnon d'armes sont dévoilés dans une lettre émouvante adressée à la mère de Robert Porchon, le , deux semaines après sa mort :
« Nous parlerons de lui simplement, pieusement ; vous me le permettrez parce que vous saviez que je l'aimais. Nous nous étions retrouvés dès les premiers jours ; et nous nous étions rapprochés d'abord parce que nous étions du même pays, et que cela fait des souvenirs en commun. Puis ce fut le départ pour le front. Nous fûmes affectés à la même compagnie, et tout de suite s'établit entre nous une fraternité d'armes qui naît des fatigues et des dangers partagés, des responsabilités communes, et aussi d'affinités profondes de nature. À travers les dures épreuves, je mesurai mieux les qualités précieuses de votre fils. Je l'ai vu, petit à petit, sans même qu'il fît effort pour cela, et comme par la seule puissance de sa bonté et de sa loyauté, s'attacher le cœur de tous ses hommes. Pour moi, je lui avais donné bien vite ma confiance entière ; et je l'aimais comme s'il eût été mon frère par le sang ... »
— Carnet de route de Robert Porchon, op. cit., p. 152.
Dans les Sapes (ou boyau) français, crête des Éparges,
« Bon Dieu ! dit Porchon à voix basse ; même de loin, ça secoue.
La voix plus basse reprend encore, comme étouffée d’une crainte religieuse, il reprend :
Et quel silence, autour de ça !
La vallée repose sous les étoiles immobiles, ou qui palpitent lentement, comme respire une poitrine endormie. Les Hauts ensommeillés s’allongent sur ses rives, pareils à des géants couchés. Et dans la grande nuit pacifique, la clameur lointaine des guerriers s’élève comme une dérision. Souffrance ? Fureur ? Chétive dans la grande nuit, elle est surtout misère. En ce moment même, près d’ici, des troupes de la brigade voisine attaquent à la baïonnette le village de Saint-Rémy. »
— Maurice Genevoix, Ceux de 14, La boue, ch. III « La réserve ».
Maurice Genevoix viendra se recueillir sur sa tombe chaque fois qu'il le pourra[5].
Distinctions
Citation à l'ordre de l'Armée 189 du : D'une bravoure admirable et en même temps d'un calme communicatif, a commandé sa section avec la plus grande intelligence donnant à ses hommes, par sa tenue, la plus belle confiance. Il a été mortellement blessé le au cours d'un bombardement[Note 4].
Son nom figure sur une plaque commémorative au lycée Pothier d'Orléans ;
Son nom est cité lors de la Panthéonisation de Maurice Genevoix, le , par la lecture d'une lettre à la mère de Robert Porchon et dans l'allocution prononcée par le président Emmanuel Macron.
Notes
↑Le Général Delarue sera tué d'une balle dans le crâne en inspectant une tranchée qui venait d'être conquise. Il avait notamment dirigé de 1907 à 1909 le Corps expéditionnaire de pacification en Crête.
↑Jusqu'au mois de février se trouve le 8e régiment d'infanterie bavarois « grand duc Frédéric de Bade », qui subit d’énorme perte et remplacer par le 4e régiment d'infanterie bavarois « roi Guillaume du Wurtemberg », faisant partie de la 4e division d'infanterie bavaroise.
↑Pendant la période particulièrement confuse des combats, surtout entre le 17 et le , on constate, selon les documents disponibles ou même dans les témoignages des soldats, des différences notables concernant les dates de décès ou de blessures. Ces quatre jours et quatre nuits de combats et de bombardements incessants et le nombre important des victimes expliquent cela. Les dates mentionnées sur les actes de décès, quand ceux-ci ont été retrouvés, ont été utilisées.
↑Dans sa dédicace qui lui fait, Maurice Genevoix indique le 20 février (1915) - voir Sous Verdun.
Références
↑Le livre Ceux de Verdun sera par la suite fondu dans l'ouvrage générique Ceux de 14.
↑Entrée du 2 octobre 1914 du carnet du sergent Germain, recopié par Mme Porchon (extrait non publié).
Robert Porchon et Thierry Joie (Sous la direction de), Carnet de route, Paris, La Table Ronde, coll. « Hors Coll. Littéraire », , 208 p. (ISBN978-2-7103-3083-7)
Suivi de lettres de Maurice Genevoix et autres documents, édition établie et annotée par Thierry Joie.