Qart Hadasht (Ibérie)

Qart Hadasht (en punique : đ€’đ€“đ€•đ€Ÿđ€‡đ€ƒđ€”đ€•) est une citĂ© antique punique, situĂ©e sur l'emplacement de la ville actuelle de CarthagĂšne (Espagne).

Elle reçoit ce nom (qui signifie Ville nouvelle, et qui Ă©tait aussi celui de la mĂ©tropole, Carthage), depuis sa fondation en 227 av. J.-C. jusqu'Ă  la conquĂȘte romaine en 209 av. J.-C., au cours de la deuxiĂšme guerre punique, oĂč elle est renommĂ©e Carthago Nova.

Site archéologique de la muraille punique de Qart Hadasht (aujourd'hui CarthagÚne), prise par Scipion l'Africain en 209 av. J.-C.

Histoire

Fondation

Selon les sources antiques, la ville de CarthagÚne est fondée par le général carthaginois Hasdrubal le Beau en 227 av. J.-C.[1].

Le problĂšme de la fondation se pose car certaines sources antiques mentionnent Ă©galement la citĂ© de Mastia autour du VIe siĂšcle av. J.-C., en relation avec la culture des Tartessos, et que l'historiographie traditionnelle, hĂ©ritier des idĂ©es d'Adolf Schulten, associe gĂ©ographiquement avec CarthagĂšne. Ce fait suggĂšre qu'Hasdrubal le Beau ne fonde pas la citĂ© sur un terrain vague, mais profite de l'ancienne colonie de Mastia influencĂ©e par la culture phĂ©nicienne, refondue, entourĂ©e de muraille et convertit en capital du territoire carthaginois en IbĂ©rie (es).

DeuxiĂšme guerre punique

SĂ©rie de piĂšces de monnaie carthaginoises en argent, dont une Ă  l'effigie probablement d'Hamilcar Barca, frappĂ©e Ă  Qart Hadasht. Collection du musĂ©e d'Albacete (es).
Victoire romaine lors du siĂšge de l'antique Qart Hadash en 209 av. J.-C..

Qart Hadasht est devenu la principale base des opérations de Carthage dans la Péninsule Ibérique et la principale source d'approvisionnement en argent, provenant des mines de CarthagÚne pour le soutien de l'armée au cours de la deuxiÚme guerre punique[2],[3].

Selon certains historiens, les possessions d'Hasdrubal le Beau dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique ne dĂ©pendent pas de Carthage, mais entre dans le cadre de son projet de consolider dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique une monarchie de type hellĂ©nistique avec sa capitale Ă  Qart Hadasht. Hasdrubal le Beau assassinĂ©, son beau-frĂšre Hannibal Barca reprend le « royaume Â». De Qart Hadasht partit Hannibal Barca avec ses Ă©lĂ©phants dans sa fameuse expĂ©dition en Italie, oĂč il rĂ©ussit Ă  traverser les Alpes pour commencer la deuxiĂšme guerre punique en 218 av. J.-C.

Rome contre-attaque en envoyant le général Scipion l'Africain, qui assiÚge la cité à la fois par mer et par terre, et la prend en 209 av. J.-C. aprÚs de durs affrontements. Avec la chute de Qart Hadasht, les Romains font un pas décisif pour mettre fin à la domination punique dans le sud de la péninsule Ibérique.

Archéologie

Mont Molientente

Pendant la domination carthaginoise, Polybe nous apprend que le Mont Molientente (appelĂ© Arx Asdrubalis par les Romains) remplit les fonctions d'une acropole pour la citĂ©. Le palais d'Hasdrubal le Beau est construit sur ce mont[4], oĂč d'ailleurs il est assassinĂ©. Les vestiges du palais n'ont toujours pas Ă©tĂ© retrouvĂ©s.

Les fouilles sur la colline Ă  la fin du XXe siĂšcle font apparaĂźtre de nombreux vestiges de l'Ă©poque romaine et parmi ceux-ci des murs de deux mĂštres d'Ă©paisseur construits avec des briques de terre cuite qui devait appartenir Ă  un sanctuaire punique[5]. La dĂ©couverte d'une grande quantitĂ© de bols en argile pour les libations alimente l'hypothĂšse de l'existence de rituels de feu. De plus, la composition de la cĂ©ramique fait penser Ă  l'importation de poteries des colonies carthaginoises de Sicile et qui aurait Ă©tĂ© recopiĂ©e Ă  Qart Hadasht. Si la chronologie et l'interprĂ©tation du bĂątiment sont confirmĂ©s, ce serait le plus grand bĂątiment de l'Ă©poque des Barcides connu Ă  ce jour Ă  CarthagĂšne.

En 2015, l'AcadĂ©mie royale d'histoire publie des enquĂȘtes de l'archĂ©ologue IvĂĄn Negueruela (es), dans lesquelles il Ă©voque le fait que le palais d'Hasdrubal est construit sur la colline selon une disposition basĂ©e sur un systĂšme d'angles sexagĂ©simaux. L'architecte responsable a imaginĂ© un amĂ©nagement complexe basĂ© sur des triangles combinĂ©s Ă  des rectangles, dĂ©notant une connaissance approfondie de la gĂ©omĂ©trie. La mesure est celle de la « coudĂ©e rĂ©elle Â» (soit 52 cm, bien documentĂ©s dans les fouilles de Carthage, et le monument est structurĂ© en sept terrasses en gradins qui sont creusĂ©es dans la roche en s'adaptant Ă  la topographie escarpĂ©e du mont[6].

Muraille punique

Ex-voto punique du IIIe siĂšcle av. J.-C., exposĂ© au musĂ©e archĂ©ologique municipal de CarthagĂšne.

DotĂ©e de son propre centre d'interprĂ©tation, la muraille punique conserve la partie du mur qui s'Ă©tend entre les collines Saint-Joseph et la colline sacrĂ©e, dans l'entrĂ©e de l'isthme antique. La construction suit des schĂ©mas hellĂ©nistiques : elle est composĂ©e d'un double mur parallĂšle en grĂšs d'une hauteur d'environ de trois mĂštres.

Des preuves d'incendie criminel provoquée lors de la bataille amenant à la prise de la ville par Scipion l'Africain sont retrouvées pendant les fouilles de la muraille.

Habitations

En fĂ©vrier 1986, apparaissent dans un terrain vague de la rue de la Serreta (es), sur les pentes du Mont SacrĂ©e, des vestiges puniques partiellement abĂźmĂ©s et qui Ă©taient ignorĂ©s jusque-lĂ [7]. Les fouilles postĂ©rieures mettent en lumiĂšre une sĂ©rie de salles quadrangulaires dotĂ©s de socles composĂ©s de grandes pierres et de murs en adobe, et qui reprĂ©sentent des signes de destruction que les chercheurs imputent Ă  l'assaut romain de 209 av. J.-C.[8]. D'autres chercheurs contestent cette thĂ©orie en avançant l'hypothĂšse de maisons de pĂȘcheurs[9].

À la Plaza de San GinĂ©s est trouvĂ©e une autre maison carthaginoise, mais cette fois composĂ©e d'une piĂšce unique. La maison se situe d'un tronçon de rue pavĂ©e ce qui pourrait insinuer une certaine ordonnance urbaine[8]. D'autres maisons sont fouillĂ©es dans les rues de Faquineto et San CristĂłbal Larga, maisons sur lesquelles se situent d'autres vestiges postĂ©rieures Ă  la conquĂȘte latine[10]. En 2014, une autre construction Ă  caractĂšre rĂ©sidentiel est dĂ©couverte pendant des fouilles archĂ©ologiques dans la Place de la Merced, ce bĂątiment porte des traces d'incendie datant de la prise d'assaut de la ville par les Romains[11].

Culture populaire

Tableau de La Clémence de Scipion d'aprÚs Giovanni Bellini.

L'histoire de la domination carthaginoise de CarthagÚne a une importance, principalement en raison de son rÎle dans le conflit romano-punique. DÚs le début, la littérature romaine est fascinée par un épisode appelé La Clémence de Scipion, dans lequel aprÚs la prise de la ville par Scipion l'Africain, des soldats lui présentent une jeune femme ibérique d'une beauté exceptionnelle comme butin. Le prince celtibÚre Aluccius, promis et amoureux de la jeune femme, se présente devant le général romain en amenant une rançon. Scipion s'apitoie, rend la jeune ibÚre à son fiancé et donne la rançon comme dot pour la noce. L'événement, probablement un récit légendaire, est une source d'inspiration pour de nombreux musiciens et artistes de la Renaissance et du Baroque.

À l'Ă©poque moderne, nous pouvons trouver des rĂ©fĂ©rences et des descriptions de Qart Hadasht dans les romans historiques, dans lesquels la ville est dĂ©crite comme une capitale fastueuse des Barcides en IbĂ©rie comme exemple il est possible de citer : Africanus: el hijo del cĂłnsul de Santiago Posteguillo ou Pride of Carthage de David Anthony Durham.

Le cinĂ©ma s'est aussi intĂ©ressĂ© pour sa part Ă  la CarthagĂšne punique avec par exemple le documentaire : De Qart-Hadast a Cartagena. La legendaria Muralla PĂșnica y Carthago Nova qui arrive finaliste du Prix Goya dans la catĂ©gorie meilleur film d'animation. En outre, depuis 1990 ont lieu chaque annĂ©e dans la ville des reconstitutions historiques lors des fĂȘtes des Carthaginois et des Romains qui sont centrĂ©es sur les Ă©vĂ©nements le dĂ©part d'Hannibal Barca et la prise de la ville par Scipion l'Africain.

Notes et références

  1. ↑ Stabon, III, 4,6.
  2. ↑ Blázquez Martínez 1969.
  3. ↑ Schulten 1935.
  4. ↑ Polybe, X, 10, 8.
  5. ↑ (es) « Hallan mĂĄs indicios de un posible templo de AsdrĂșbal en Cartagena Â», sur La Verdad, (consultĂ© le ).
  6. ↑ Negueruela 2015, p. 13.
  7. ↑ (es) Paloma Reverte, « Multa a una empresa por destruir unos restos arqueolĂłgicos en Cartagena Â», sur El PaĂ­s, (consultĂ© le ).
  8. ↑ a et b MartĂ­n Camino 1990, p. 319-320.
  9. ↑ (es) « Cartagena PĂșnica Â», sur Regmurcia.com (consultĂ© le ).
  10. ↑ (es) « Protohistoria y romanizaciĂłn Â», sur ArqueoMurcia, (consultĂ© le ).
  11. ↑ (es) « Localizados posibles restos de la toma de Cartagena por los Romanos Â», sur Cartagena.es, (consultĂ© le ).

Voir aussi

Bibliographie

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Fond antique

Ouvrages et articles

  • (es) JosĂ© MarĂ­a BlĂĄzquez MartĂ­nez, « Explotaciones mineras en Hispania durante la RepĂșblica y el Alto Imperio Romano Â», Anuario de Historia EconĂłmica y Social en España 2,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (es) Miguel MartĂ­n Camino, « ColonizaciĂłn fenicia y presencia pĂșnica en Murcia Â», El mundo pĂșnico: historia, sociedad y cultura, Editora Regional de Murcia,‎ (ISBN 84-756-4160-1). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (es) IvĂĄn Negueruela, « PrĂłlogo de MartĂ­n Almagro Â», dans El magnĂ­fico palacio de AsdrĂșbal en Cartagena (cerro del Molinete), Real Academia de la Historia, (ISBN 84-150-6966-9). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (es) Alicia Rodero Riaza (es), « La ciudad de Cartagena en Ă©poca pĂșnica Â», Aula Orientalis, no 3,‎ , p. 217-225.
  • (es) Adolf Schulten, Fontes Hispaniae Antiquae, Barcelone, LibrerĂ­a Bosc, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article