Pitchi poï signifie en yiddish littéralement trou perdu, c'est-à-dire un tout petit hameau de rien du tout, seulement quelques maisons, un shtetl si pauvre qu'il n'y a pas de rabbin de la moindre renommée, qu'aucune marieuse ne voudrait s'y rendre. L'expression pourrait se traduire par « le pays de nulle part ». C'est l'équivalent du diable Vauvert. פיטשי [pit͡ʃi] désigne le coup ou la trace du coup, laissée par un marteau par exemple, un trou donc. Le mot est une substantivation du phononymeallemandpitsch !. פוי, [poi] ou [foi], est une interjection qui signifie pouah !, pfui ! en allemand.
Le chef de la GestapoHeinrich Himmler a en effet délibérément organisé les arrestations de façon que les familles soient tenues dans l'incertitude. L'effet recherché, et obtenu, est, en même temps que de d'occulter ce qui pourrait provoquer une résistance, de terroriser, de créer une situation d'ignorance, et donc d'impuissance, face à un danger. Pitchipoï devient alors la réponse ironique à l'« anus mundi »[8], parodie sinistre de l'Agnus Dei et moment final de l'Anno Mundi théorisés par les nazis, le nom du « trou du cul du monde » où devraient finir ceux que leur entreprise de déshumanisation vise à réduire à l'état de déchet.
« [...] un lieu nommé Pitchipoï [...] nom d'un lieu hors la loi, d'un lieu expulsé par l'anus hors du corps de la loi humaine, où cette loi n'opère plus, excrément inouï, sans nom jusqu'alors [...] »