Doubrovski termina ses études à l’Université de Kiev en 1772. L'année suivante il trouvait un emploi de copiste auprès du Synode. De 1780 à 1805, il travailla au Bureau des Affaires Étrangères en tant que prêtre de l'église de l'ambassade de Russie à Paris, tout en exerçant les fonctions de traducteur pour les ambassades de France et de Hollande[2].
À la faveur de la Révolution française, il parvint à acquérir plusieurs manuscrits et documents rares, qui avaient été saisis lors de la mise à sac des bibliothèques de particuliers : en effet, si dans un premier temps les autorités révolutionnaires les avaient mises en dépôt à la Bastille, dans l'ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés et dans la bibliothèque de l’abbaye de Corbie[3], ils n'y étaient guère en sécurité car par la suite les Sans-culottes pillèrent couvents et châteaux[4].
En , Doubrovski rentrait à Saint-Pétersbourg avec une collection de 400 manuscrits européens médiévaux, de miniatures et d’incunables[5]. Par divers expédients, il était parvenu aussi à entrer en possession de quelque 94 manuscrits du Proche-Orient (en grec ancien[6], persan, arabe, hébreu et 11 autres langues), et environ 50 manuscrits en slavon[2]. En Angleterre, on fit à Doubrovski des offres considérables pour sa collection, mais il répondait qu'il ne négocierait pas avec des étrangers, préférant que ses livres reviennent à la Russie[2].
Au départ, il semble que l'offre de Doubrovski à la cour impériale de Russie se soit heurtée à un refus. Cela expliquerait qu'il ait demandé en 1805 à son ami Alexandre Soulkadziev d'insérer un faux autographe d’Anne de Kiev dans l'un des manuscrits en cyrillique de la collection : comme cette souveraine avait épousé au XIe siècleHenri Ier de France, cela permettait à Doubrovski de justifier la présence de manuscrits français à côté de manuscrits en écriture cyrillique, et de prétendre qu'ils provenaient de la bibliothèque d’Anne de Kiev.Alexandre Ier de Russie, désormais convaincu, accepta alors la donation ; ce n'est qu'à une date récente que le livre revêtu de la signature d’Anne de Kiev a été identifié comme un manuscrit serbe du XIVe siècle[8].
Doubrovski fut démis de son poste le . Il commenta ainsi son éviction : « La vie est brève, et toutes les positions avec les bienfaits qui y sont attachés ont une fin ; mais les choses de l'esprit sont éternelles[2]. »
À sa mort, on ne trouva rien de valeur chez lui : il avait emporté dans la tombe le secret des livres runiques perdus[2]. Selon le journaliste Graham Stewart, « il faut être reconnaissant envers Douvbrovsky d’avoir enrichi non seulement la Russie, mais le Monde, en sauvant tant de manuscrits d'une possible destruction[4]. »
↑À propos de la bibliothèque de Corbie, cf. Léopold Delisle, Mémoires de l'académie des inscriptions et belles-lettres, vol. 24 : Recherches sur l’ancienne bibliothèque de Corbie, Paris, , partie 1, p. 266-342.
↑Notamment deux folios du Codex Coislinianus, des fragments des Omélies d’Origène (MS. Lat. F v I 4 Burney 340 ), et le manuscrit du Breviloquium Vitae Wilfridi : cf. Michael Lapidge, Anglo-Latin Literature 900-1066 (Londres, Rio Grande 1993), p. 171.
↑Cf. (en) Joanna Story, Anglo-Saxon England and Carolingian Francia ca. 750-870, Aldershot/Burlington, Ashgate Publ. Ltd., , 336 p. (ISBN0-7546-0124-2, lire en ligne).
(en) Kilpiõ (dir.), Kahlas-Tarkka (dir.) et M. Logoutova, Ex Insula Lux : manuscripts and hagiographical material connected with medieval England, Helsinki et Saint-Pétersbourg, Helsinki University Library et National Library of Russia, , « Insular Codices from Dubrovsky's Collection in the National Library of Russia », p. 93–98
Catalogue de les expositions organisées à l'occasion du Xe anniversaire de l’International Society of Anglo-Saxonists
P. Z. Thompson, « Biography of a Library: The Western European Manuscript Collection of Peter P. Dubrovski in Leningrad », The Journal of Library History, no 19, , p. 477–503