Pierre Roussel est né à Paris le [1]. Il est le fils de Michel Roussel (compagnon ébéniste) et de Barbe Dulin. Issus d’une famille pauvre, ses trois frères (Jacques, Michel et Louis) deviennent menuisiers et l'une de ses sœurs, Françoise, épouse un boucher (Pierre Bérard) en 1743 à environ 20 ans.
La même année, il épouse avec Marie-Antoinette Fontaine sans contrat de mariage[2].
De cette union, naissent deux fils : Pierre-Michel l’ainé et Pierre dit « le jeune » et quatre filles : Marie-Françoise, Françoise, Catherine et Marie.
Rapidement, sa carrière d'ébéniste prospère[3], mais surtout comme marqueteur talentueux, à tel point qu’il devint juré de sa communauté dès 1762[4], puis juré comptable en 1763-1764. Il établit alors une liste des pauvres maîtres ébénistes devant être assistés par la Jurande. (Le fait d’être maître ne garantissant pas forcément un revenu suffisant pour vivre !) [5]
Sa notoriété atteint des sommets dès 1767, comme le confirme Salverte [6] qui mentionne que Pierre Roussel, qui avait été choisi comme expert pour arbitrer un différend entre deux collègues, était considéré comme l’un des tout meilleurs ébénistes de sa période. Affirmation reprise dans l’Almanach d’indication générale ou du vray mérite de 1769 qui le cite comme l’un des tout premiers ébénistes de Paris.
Ses deux fils, devenus ses élèves et assistants, sont reçus « maîtres », le pour Pierre-Michel et le pour Pierre dit « le jeune ».
Sa notoriété et sa fortune lui permettent de marier au moins trois de ses filles à des personnages relativement importants pour l’époque : Marie Françoise à Nicolas Balthazar Coulon (commis de greffe), Françoise à Pierre Préaux (notaire royal) et Catherine à Jean Jacques Retou (maître carteur). Son fils ainé, Pierre-Michel épousa Marie Anne Josèphe Lemarchand[7] à Dieppe le . La même année, Pierre Roussel s’achète une maison de 25 000 livres et loue deux autres maisons : la première location pour exposer ses œuvres, rue du Faubourg-St-Antoine à l’enseigne « Coupe d’or » et la seconde comme entrepôt[8].
Reconnu et apprécié par ses pairs, il devient député du corps des ébénistes en 1777, puis syndic adjoint en 1779 et enfin syndic l'année suivante.
À sa mort, en 1782, sa veuve prend la gérance de l'établissement aidée du cadet de ses fils, Pierre le jeune. Sa succession comprenait 244 pièces représentant un total de 18 000 livres.
Pierre le jeune figure en 1785 et 1786 comme fournisseurs aux Menus Plaisirs de Versailles, mais semble n’avoir survécu que peu de temps et mourut avant 1789 [9]
Il signa ses œuvres de l’estampille « P.ROUSSEL ». Si Pierre « le Jeune » continue d’utiliser la même estampille que son père après sa mort, Pierre-Michel déposera un poinçon légèrement différent : lettres plus hautes, plus rondes et sans léger empattement. S’il n’y a pas de doute pour l’attribution des meubles au père pour la période Louis XV, pour les périodes postérieures, seul un expert est capable de faire la différence entre les réalisations attribuables au père ou à ses fils[12].
Son art
Pierre Roussel développa une grande renommée comme ébéniste d'excellente qualité et marqueteur hors pair. Il fut reconnu de son vivant comme l’un des premiers ébénistes de la capitale. Ses productions sont aussi nombreuses que variées. Son œuvre s'adapte à tous les styles du XVIIIe siècle, du rocaille au néoclassicisme en passant par le Transition. Ses œuvres, les plus caractéristiques, sont des meubles Louis XV et Transition avec des marqueteries de paysages, de fleurs ou d’instruments de musique. Il pratique les marqueteries géométriques à encadrement de grecques ou à fleurs de bois clair et nœuds de rubans[13].
Il a fourni Honet et Thurin en 1769, puis Bétault et Ravary en 1771 (et semble même avoir eu avec ces derniers une exclusivité !). Il fit travailler les bronziers Joseph Noël Turpin, André Ravrio, Dubost et le doreur Trufot.
Nombre de ses œuvres se trouvent dans tous les grands musées de France et du monde (voir ci-dessous Chapitre « Les œuvres de la famille Roussel dans les Musées »).
Ses clients
Entre 1775 et 1780, il reçut des commandes du Prince de Condé pour le Palais Bourbon et le château de Chantilly pour une valeur de plus de 10 000 livres[15] Curieusement, il n’a pas fait de livraison à la Garde Meubles (du Roi)[16],[17].
Grâce à son brutal décès, l’inventaire de sa succession[18] nous fournit un instantané sur ses créditeurs et débiteurs.
Il était en relation avec des marchands de province et d’Europe
↑Inventaire de succession de Pierre Roussel : A.N., Minute Notaire 12 mars 1783 LXIX 768
↑ Il est associé avec l’ébéniste Delorme vers 1750-1760 Réf : Petit Palais : Commode bâtie en hêtre, et sapin pour les tiroirs, placages de bois de rose, amarante, poirier, charme; bronzes dorés Estampilles : Delorme, Roussel et JME (marque de jurande) entrée au musée en 1930 - Inv. OTUCK00060
↑Alain Thillay, Le Faubourg Saint-Antoine et ses "faux ouvriers", page 318
↑Les Ébénistes du 18e siècle, leurs œuvres et leurs marques 1934 - 3e Édition Revue et Augmentés de 500 Reproductions et Estampilles", Comte François De Salverte
↑ Catalogue of the Taft Musuem par le Taft Musuem. 1939
↑Jean Meuvret, Claude Frégnac, Les Ébénistes du XVIIIe siècle français, page 129, 1963
↑L'ancienne France au quotidien : la vie et les choses de la vie sous l'Ancien Régime, page 307 Michel Figeac, 2007, 590 pages
↑ Inventaire de succession de Pierre Roussel : A.N., Minute Notaire 12 mars 1783 LXIX 768 : L’inventaire de succession datée de mars 1783 a été expertisé par les ébénistes Jean François Leleu et Jean Baptiste Cochois. Il s’agit d’une entreprise en pleine expansion qui comprenait 3 ateliers avec 7 établis, un lieu de stockage et une boutique. Le stock était constitué de 244 articles, 50 commodes (rectangulaires ou circulaires) estimées entre 50 et 560 livres. Il y avait aussi des consoles, des encoignures, tables à diner, tables à l’anglaise et “à la dauphine”, tables ovales, coiffeuses, tables de nuit, chiffonnières, tables de jeu… La pièce ayant l’estimation la plus élevée était un bureau avec son cartonnier d’une valeur de 720 livres. La mention de nombreux dessus en marbre accrédite la thèse que ces meubles étaient destinés à la vente dans la boutique de Roussel et non à un autre marchand-ébéniste.
↑The James A. de Rothschild collection at Waddesdon Manor, volume 5, partie 2, page 880, 1967
↑Decorative art from the Samuel H. Kress Collection at the Metropolitan Museum of Art - Page 86 Metropolitan Museum of Art (New York, N.Y.), James Parker, Edith Appleton Standen, Carl Christian Dauterman, Samuel H. Kress Foundation - 1964 - 303 pages