Issu d'une scission du Parti conservateur organisée par la jeunesse du parti, à laquelle participa notamment le futur président de la République, Eduardo Frei Montalva, ce groupe soutint le Front populaire, victorieux aux élections de 1938. N'entrant cependant au gouvernement qu'en 1945, au moment où la coalition gouvernementale se disloquait, il participa à la création du Parti démocrate-chrétien en 1957.
Histoire
La sensibilité social-chrétienne émergea au Chili après la publication de l'encyclique Rerum Novarum (1891), en réaction à la fois à la misère de pans entiers de la population chilienne et à l'apparition de mouvements révolutionnaires. Après la crise de 1929, elle se cristallisa, sous la dictature de Carlos Ibáñez del Campo, dans l'organisation de jeunesse du Parti conservateur, militant en faveur de l'interventionnisme de l'État afin d'améliorer la situation des plus démunis et de favoriser la cohésion sociale.
Ceci provoqua la scission, la Jeunesse conservatrice prenant le nom de Mouvement national de la Jeunesse conservatrice, lors d'un congrès au Théâtre principal de Santiago du Chili du 11 au . Plusieurs députés et des secteurs libéraux de l'Église vinrent les rejoindre. Outre Eduardo Frei, Bernardo Leighton(en) (ministre en 1937 d'Arturo Alessandri) et Radomiro Tomic font partie de ce courant[1]. En 1936, le mouvement prit le nom de Phalange nationale, utilisé pour la première fois dans son organe de presse, Lircay, le . Il prétend alors appliquer en politique la doctrine sociale de l'Église[1].
Cependant, selon l'historien Olivier Compagnon:
« Le contenu idéologique de ces engagements reste cependant hésitant et éclectique, puisque l’hebdomadaire Lircay, jusqu’en 1938 au moins, continue de mêler apologie du salazarisme, éloge du chancelier autrichien Dolfuss, corporatisme militant, nationalisme exacerbé et mystique hispaniste sans que la séparation des plans temporel et spirituel ne soit affirmée : la logique reste bien celle d’un parti catholique de défense religieuse[1]. »
Aux élections de 1941(es), le FN rejoint d'ailleurs la coalition de droite (Alianza de Defensa de la Democracia), obtenant trois députés (dont Radomiro Tomic).
Elle opère cependant un virage à gauche, et appuie ainsi, de façon critique, le Front populaire, gagnant aux élections de 1938. Elle n'entra cependant au gouvernement de Juan Antonio Ríos qu'en 1945, Eduardo Frei Montalva devenant Ministre des Travaux publics, alors que la coalition au pouvoir se disloquait. La Phalange s'opposa alors à l'interdiction du Parti communiste, préconisée par le gouvernement de Gabriel Videla: ce soutien courageux lui valut les critiques des nombreuses forces politiques anti-communistes, mais aussi le soutien des classes moyennes et populaires.
L'humanisme chrétien et la création de l'Editorial del Pacífico
Les prises de position de la Phalange se cristallisèrent dans l'humanisme chrétien et le slogan « révolution dans la liberté » (revolución en libertad). En , elle obtint ainsi l'autorisation gouvernementale pour fonder l'Editorial del Pacífico, une maison d'édition dont l'axe central consiste en l'adhésion aux positions humanistes de Jacques Maritain[2]. Quatre phalangistes sont à l'initiative de ce projet: Manuel Fernández Díaz, Julio Serrano Lamas, Andrés Santa Cruz Serrano et Mario Aguirre Mac Kay[2], Eduardo Frei devenant vice-président du comité directeur de l'entreprise [2].
L'editorial del Pacífico se donne ainsi comme objectif explicite la diffusion des idées de Maritain et celle de la doctrine sociale de l'Église, s'opposant aux courants conservateurs voire intégristes bénéficiant d'une audience non négligeable en Amérique latine, et même à Rome (les écrits de l'abbé argentin Julio Meinvielle y étant ainsi diffusés par l'intermédiaire du cardinal Caggiano). Le futur ministre Jaime Castillo Velasco y publie ainsi En defensa de Maritain en 1949.
La Phalange fusionna en 1957 avec d'autres groupes sociaux-chrétiens pour former le Parti démocrate-chrétien (PDC), lequel adopta sa bannière, la flèche représentant la « destinée de la patrie », le rouge celui des « héros et martyrs » et les traits verticaux les obstacles à franchir.
Résultats électoraux et noms des parlementaires de la FN
↑ ab et c Olivier Compagnon, Jean-Marie Mayeur (2003), Jacques Maritain et l'Amérique du Sud: le modèle malgré lui, Presses universitaires du Septentrion, 2003, p. 235 sq.
Boizard, Ricardo. 1963. La Democracia Cristiana en Chile: (un mundo que nace entre dos guerras). Orbe Santiago
Castillo Infante, Fernando. 1997. La flecha roja: relato histórico sobre la Falange Nacional con prólogo de Alejandro Magnet. Francisco de Aguirre. Santiago.
Cruz-Coke, Ricardo. 1984. Historia electoral de Chile. 1925-1973. Editorial Jurídica de Chile. Santiago
Díaz Nieva, José. 2001. Chile: de la Falange Nacional a la Democracia Cristiana. Universidad Nacional de Educación a Distancia. Madrid.