Le patrimoine sonore du Niger rassemble l’ensemble des documents sonores captés, enregistrés et archivés dans ce qui est aujourd’hui la République du Niger au cours du XXe siècle. Des chercheurs, anthropologues, historiens, historiennes, ethnomusicologues, des journalistes de radio ou de télévisions et des amateurs ont réalisé sur différents supports des enregistrements de musique, de chants et de traditions orales dont un grand nombre ont été conservés dans des fonds d’archives et des centres documentaires sont pour certains aujourd’hui numérisés.
Un patrimoine culturel immatériel
Les pratiques d’oralité jouent un rôle central dans les sociétés sahéliennes. Les populations de ces régions expriment leurs pensées, leurs histoires par des formes d’oralité[1]. Ces récits prennent la forme de mythes et de légendes, de paraboles, de contes ou encore de chants[2]. Le passé est souvent détenu et transmis par des professionnels de l’oralité. On peut citer des griots, des érudits ou des généalogistes[3]. Selon la catégorie adoptée en 2003 par l’Unesco, c’est un patrimoine culturel immatériel ou patrimoine vivant. Parmi ce patrimoine, on peut citer les traditions et expressions orales, y compris la langue, ainsi que les arts du spectacle, les pratiques sociales ou les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel qui se transmet de génération en génération[4].
Collectes radiophoniques et enquêtes en sciences humaines et sociales
En 1958, est mise en place Radio Niger, dont la gestion est assurée à partir de l'indépendance par l’Office de coopération radiophonique (OCORA)[5]. Dès les années 1960, la radio envoie ses journalistes dans les zones rurales pour recueillir des enregistrements dans les différentes langues du Niger, comme ce fut le cas pour les collectes réalisées par Akoli Daouel. En 1967, le Niger prend entièrement le contrôle de sa radiodiffusion et crée l’Office de radiodiffusion et de télévision du Niger (ORTN).
À partir de la fin des années 1960, des chercheurs et des chercheuses, comme Gerd Spittler, Suzanne Bernus, Edmond Bernus, Djibo Hamani, Stephen Baier, Barbara Cooper ou Ouseina Alidou, ont réalisé des enquêtes de terrain durant dans un grand nombre de localités au Niger. Quantité de pratiques d’oralité, de récits historiques, de tradition orales, de chansons, de chants ou de musiques ont été enregistrées, parfois avec l’aide d’interprètes ou d’assistants de recherche.
Au sein de ces collections, se trouvent aussi des document portant sur la décentralisation, le fonctionnement des services administratif, technique, sanitaire, sur les politiques éducatives ou sur la crise alimentaire, comme dans celle de Jean Pierre Olivier de Sardan. Le fonds Akoli Daouel comprend des éléments sur les pratiques pédagogiques du Centre de formation aux techniques de l'information (CFTI) créé au Niger.
Conservation par des archives et des centres documentaires
Une partie de ce patrimoine sonore enregistré du Niger est aujourd’hui conservé et rendu accessible grâce au travail de centres de documentations et d’archives nigériens, américains ou européens. La plupart des enregistrements ont été réalisés sur des supports qui ne sont plus utilisés aujourd'hui, bandes magnétiques ou cassettes audios, et sont actuellement en cours de numérisation. Plusieurs dépôts d'archives sonores collectent, numérisent et mettent en valeur ces enregistrements pour les rendre accessibles pour la recherche ou à un plus large public.
Niger
Centre d'études linguistiques et historiques par tradition orale (CELHTO)
Le Centre d'études linguistiques et historiques par tradition orale (CELHTO)[6] situé à Niamey a été créé en 1968. L’organisation intergouvernementale est fondée en partenariat entre la République du Niger et l’Unesco. L’objectif est de coordonner les collectes et l’étude des traditions orales pour alimenter la recherche, tout en valorisant les langues africaines[7]. Une base de données[8] et un catalogue[9] sont accessibles sur le site du CELTHO. Parmi les fonds sur le Niger conservés, on retrouve notamment des enregistrements réalisés par Diouldé Laya, Jean Rouch ou encore Soumaila Hamadou dit Bonta.
Institut de recherches en sciences humaines (IRSH)
L'institut de recherches en sciences humaines (IRSH) est un établissement d'enseignement supérieur créée en 1974 et rattaché à l'Université Abdou Moumouni à Niamey. L’institut réalise des travaux de recherches en sciences humaines et sociales en particulier sur le Niger, l’Afrique ou la paléoanthropologie. L’objectif est de participer à la sauvegarde et la valorisation du patrimoine nigérien[10]. L’IRSH possède un service de l’Audiovisuel (SERVA) avec une sonothèque fondée par Moussa Hamidou qui collectait à l’origine des copies d’enregistrements réalisés au Niger[10]. Les archives sonores sont constituées d'enregistrements audio sur bandes, de films ethnographiques et de photographies, dont la majorité datent des années 1950. Le « Niger: Oral Tradition Project » débuté en 2018, avec le soutien financier de la Fondation Gerda Henkel, vise à sauvegarder les collections en les numérisant, tout en mettant en valeur ce patrimoine[11].
LASDEL
Le LASDEL est un laboratoire de recherche nigérien et béninois en sciences sociales fondé en 2001[12]. Le laboratoire noue un grand nombre de relations avec des partenaires nationaux et internationaux sur le plan scientifique et du financement. Il s’attache à publier les recherches, développer des animations scientifiques localement, et conserve dans son centre documentaire des fonds liés à la recherche du laboratoire. Dans ce cadre, un dépôt numérique est accessible au LASDEL après signature d'une convention de collaboration scientifique signée entre Aix-Marseille Université et le LASDEL le 9 décembre 2022[13].
États-Unis
Archives of Traditional Music
Les Archives of Traditional Music de l’Indiana University Bloomington ont été créé en 1954 et conservent principalement des enregistrements audiovisuels liés à la recherche dans les disciplines de l'ethnomusicologie, du folklore, de l'anthropologie, de la linguistique et de diverses études régionales[14]. Les notices sont disponibles sur le catalogue UICAT[15].
Fonds
Dates
Lieux
Langue
Thématiques de collectes
Droits
Lien
Stephen Baier
26 cassettes
27 bobines
1972-1973
haoussa
Entretiens concernant l'histoire économique de 1880 à 1960
La phonothèque de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH) a été créée à la fin des années 1970 à Aix-en-Provence. La phonothèque de recherche a pour objectif de conserver les enregistrements et valoriser les sources sonores pour les rendre accessibles. Les principaux thèmes traitées sont la littérature orale, l’ethnomusicologie, la mémoire, les techniques et savoir-faire, ainsi que l’identité[19]. Les notices sont disponibles sur la base de données Calames[20].
Enquêtes ethnographiques au Niger en langues zarma et français sur les sociétés songhaï-zarma, sur la décentralisation au Niger
Entretiens avec des immigrés nigériens sur cultes de possessions (Ghana, Bénin, Côte d'Ivoire)
Entretiens auprès d'anciens combattants nigériens ayant participé aux guerres guerres d'Indochine et du Vietnam
Notices descriptives en ligne sur la plateforme Calames
Certains fichiers lorsque les droits le permettent sont accessibles
Copie numérique disponible à la bibliothèque du LASDEL, site de Niamey
Conservation à la Phonothèque MMSH
Contrat d'autorisation d'utilisation signé par J. P. Olivier de Sardan avec la phonothèque de la MMSH et convention de collaboration scientifique avec le LASDEL
Pour chaque corpus sonore, les règles d'utilisation et de diffusion sont particulières en fonction des règles juridiques et éthiques qui auront été spécifiées par les informateurs et les enquêteurs.
Colloque sur des chars préhistoriques dans l'aire saharienne
Entretiens dans la région de l'Ahaggar
Notices descriptives en ligne sur la plateforme Calames
Certains documents sont accessibles en ligne sur Calames
Certains fichiers sont accessibles sur autorisation
Relève de l'article L. 211-1 du code du patrimoine et sont considérées comme des archives publiques. Certaines parties de fonds ou des fonds complets peuvent avoir d’autres statuts. Certains fonds peuvent poser des questions éthiques qui seront prises en compte au moment de la mise à disposition.
Entretien avec les kwarakoy (chefs de village) entourés des anciens, ainsi que des anciens fonctionnaires
Enquête sur les origines des villages, des migrations, les questions de lignage, de chefferie et la réaction des populations face à la domination coloniale
Entretiens avec Jean-Paul Rothiot qui contextualise la collecte
Entretien qui contextualise le fond accessible en ligne
Le Centre de Recherche en Ethnomusicologie (CREM) du Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative (LESC) est chargé de la gestion et de la valorisation du patrimoine scientifique. Il gère notamment les archives sonores du CNRS et du Musée de l’Homme[21]. Les fonds « d’archives sonores et audiovisuelles rassemblent des enregistrements, inédits ou publiés, de musiques de tradition orale et d'enquêtes ethnographiques du monde entier, de 1900 à nos jours. »[22].
Fonds
Dates
Lieux
Langues
Thématiques de collectes
Consultation
Conservation et droits
Liens
Solange et Jean-Claude Lubtchansky
1 bande magnétique
1974
Région de Niamey
peul
Chants polyphoniques des Peuls Bororos
Consultation sur demande auprès du CREM
Des enregistrements sont disponibles en ligne sur le site du Crem
Le Musée d'ethnologie de Neuchâtel (MEN), en Suisse, sous l’impulsion de l’ethnologue Jean Gabus, a constitué une collection d’enregistrements. La collection s’est enrichie au cours des années par les travaux d’ethnomusicologues, notamment sur la zone Saharienne. Les fonds couvrent une longue période historique allant de 1953 à 2005[24].
Les archives de l'ethnologue allemand Gerd Spittler sont en cours d'archivage et de numérisation dans le cadre du projet Cluster of Excellence Exc 2052 - Africa Multiple : reconfiguring african studies : "The pre-death bequest of Gerd Spittler"[25]. À terme, le matériel sera conservé au sein des archives de l'Université de Bayreuth. Le corpus se compose de documents écrits, d'environ 6000 photographies, ainsi que d'enregistrements audios. Le fonds rassemble des archives collectées en Afrique du nord et de l'ouest, notamment sur les Touareg et les Haoussa au Niger, Nigéria et en Algérie[26].
Diouldé Laya, La tradition orale : problématique et méthodologie des sources de l'histoire africaine, Niamey, 1972, C.R.D.T.O., 1972.
Gayibor Nicoué T. (dir.), Juhé-Beaulaton Dominique (dir.), Gomgnimbou Moustapha (dir.), L'écriture de l'histoire en Afrique : l'oralité toujours en question, Paris, 2013, Karthala.
Lefebvre Camille, « Archives et centres documentaires au Niger », Afrique & histoire, 2006, n°5, vol. 1, pp. 175 à 183.
Lefebvre Camille, Frontières de sable, frontières de papier : histoire de territoires et de frontières, du jihad de Sokoto à la colonisation française du Niger, XIXe-XXe siècles, Paris, 2015, Éditions de la Sorbonne.
Konaté Doulaye, « Traditions orales et écriture de l'histoire africaine : sur les traces des pionniers », Présence Africaine, 2006, n° 173, vol. 1, pp. 91-106.
Makita Kongo Chardin Carel, « La protection du patrimoine culturel en Afrique. Industrie culturelle et créative en Afrique, un atout pour le développement », 2021, Québec, hal-03560899.
Muke Simon, « Transmission de la tradition orale africaine en exil », dans : Besson Jacques (dir.), Galtier Mireille (dir.), Hériter, transmettre : le bagage de bébé, Erès, 2008.
Perrot Claude-Hélène, « L'exploitation des sources orales de l'histoire de l'Afrique depuis les Indépendances », Politico, 2012, n° 77, vol. 2, pp. 5-14.
Stéphan Lena, Les archives sonores : conservation et valorisation du patrimoine oral, Mémoire de recherche ENSSIB, 2013.
↑Simon Muke, « Transmission de la tradition orale africaine en exil », dans : Jacques Besson (dir.), Mireille Galtier (dir.), Hériter, transmettre : le bagage de bébé, Erès, 2008, p. 119.
↑Jérôme Bernussou, Histoire et mémoire au Niger : De l’indépendance, Toulouse, 2009, Presses universitaires du Midi, p. 8.