L'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (en abrégé OHADA) est une organisation intergouvernementale d'intégration juridique. Instituée par le traité du 17 octobre 1993 signé à Port-Louis, tel que révisé le 17 octobre 2008 à Québec, cette organisation regroupe à ce jour 17 pays africains et reste ouverte à tout État membre de l'Union africaine, voire à tout État non membre de l'Union africaine qui serait invité à y adhérer du commun accord des États membres.
Elle vise à combattre la chute des investissements en Afrique en proposant un cadre juridique commun dans le domaine économique et du droit des affaires.
L'OHADA a été créée dans un contexte de crise économique aigüe et de chute drastique du niveau des investissements en Afrique, l'insécurité juridique et judiciaire étant alors identifiées comme cause majeure de défiance des investisseurs. Vétusté, disparité et inaccessibilité des règles régissant les opérations économiques généraient l'insécurité juridique se traduisant par une incertitude sur la règle en vigueur, tandis que le dénuement des tribunaux, l'insuffisance du personnel judiciaire, la formation déficitaire de celui-ci en droit économique, les lenteurs judiciaires et des problèmes de déontologie constituaient le ferment d'une insécurité judiciaire se traduisant par une certaine imprévisibilité des décisions de justice. Afin d'y remédier, l'OHADA a reçu pour mission de rationaliser l'environnement juridique des entreprises afin de garantir la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques, dans la perspective de stimuler l'investissement et de créer un nouveau pôle de développement en Afrique. Pour y parvenir, l'OHADA s'emploie à :
Par l'ampleur du champ matériel couvert et la technique législative utilisée, l'OHADA apparaît comme l'une des expériences d'intégration juridique la plus aboutie.
Le Traité OHADA met en place cinq institutions :
L'arsenal normatif de l'OHADA est, à ce jour, riche de 10 actes uniformes.
Les Actes uniformes contiennent des règles de droit matériel qui, une fois adoptées, s'appliquent à l'identique dans l'ensemble des États membres et l'emportent sur toute législation interne contraire, conformément à l'article 10 du Traité OHADA : ils disposent donc d'un effet direct similaire aux règlements de l'UE.
Les Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat Permanent qui en communique le projet aux États membres pour recueillir leurs observations. Une fois celles-ci reçues et synthétisées, le Secrétariat Permanent met au point le projet d'Acte uniforme et le transmet pour avis à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, qui doit se prononcer dans un délai de 60 jours. Ensuite, le projet est inscrit pour adoption à l'ordre du jour de la prochaine session du Conseil des Ministres.
L'OHADA a déjà élaboré et mis en vigueur 10 Actes uniformes qui couvrent divers domaines de la vie économique : le droit commercial général, le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, le droit des sociétés coopératives, le droit des sûretés, le droit des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution, le droit des procédures collectives d'apurement du passif, le droit comptable, le droit du transport des marchandises par route, le droit de l'arbitrage et le droit de la médiation.
L’Acte uniforme du 17 avril 1997[3], révisé le 15 décembre 2010[4] et portant organisation des sûretés (AUS) organise les sûretés, entendues comme affectation, au bénéfice d’un créancier, de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations. Il distingue ainsi :
La révision de 2010, qui abroge et remplace l’Acte uniforme initial de 1997, est entrée en vigueur le 15 mai 2011. L'acte modernise substantiellement le cadre juridique des garanties du crédit : l’éventail des garanties susceptibles d’être utilisées est élargi, le système d’information sur le crédit est modernisé et le texte institue l’agent des sûretés, professionnel chargé de la gestion des sûretés d’autrui, de leur constitution à leur réalisation. Le nouveau texte simplifie également les formalités de constitution des sûretés tout en renforçant l’efficacité de celles-ci, avec consécration de modes alternatifs de réalisation des sûretés réelles.
La réforme des sûretés traduit ainsi la volonté des États membres de l’OHADA de renforcer la confiance des acteurs économiques.
L’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général (AUDCG) définit et réglemente :
L’AUDCG du 15 décembre 2010, qui abroge et remplace l’Acte uniforme initial relatif au droit commercial général, adopté le 17 avril 1997 à Cotonou (Bénin), est entré en vigueur le 15 mai 2011. Outre l’institution du statut de l’entreprenant, ses innovations les plus significatives comprennent la redéfinition de l’acte de commerce, la refonte du régime de la prescription, ou encore la prise en compte des procédures électroniques et l’informatisation du RCCM.
L’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA) du 11 mars 1999 constitue le droit commun de l’arbitrage pour l’ensemble des États membres de l’OHADA. Il pose les principes du droit de l’arbitrage, règle les différentes phases de la procédure, fixe les conditions de la reconnaissance et de l’exécution des sentences arbitrales, et organise les voies de recours ouvertes contre les sentences : recours en annulation, recours en révision et tierce opposition.
L’arbitrage organisé par l’Acte uniforme cohabite, dans le système OHADA, avec l’arbitrage institutionnel spécifique administré par la CCJA, et objet du Règlement d’arbitrage du 11 mars 1999.
L’AUA et le Règlement d’arbitrage ont été révisés le 23 novembre 2017 lors de la 45éme session du Conseil des Ministres. Mieux alignés sur les standards internationaux et respectueux du contexte spécifique de l'espace OHADA, les textes révisés tendent à renforcer la transparence, la célérité et l'efficacité des procédures arbitrales, mais aussi à améliorer l'attractivité du système d'arbitrage de la CCJA.
L’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (AUSCGIE) du 30 janvier 2014, qui se substitue au texte initial du 17 avril 1997, introduit de nombreuses innovations dans la constitution et la vie des sociétés commerciales dans l’espace géographique de l’OHADA.
La première partie du texte énonce des dispositions générales, communes à toutes les formes de sociétés commerciales : règles de constitution et de fonctionnement, responsabilité des dirigeants, liens de droit entre sociétés, transformation, fusion, scission, apports partiels d’actifs, dissolution, liquidation, nullité de la société et des actes sociaux, formalités diverses et règles de publicité. Outre les importantes clarifications apportées, le nouvel AUSCGIE consacre les conventions extrastatutaires, devenues d’usage courant dans la vie des affaires, de même qu’il prévoit la nomination d’un administrateur provisoire, en cas de crise entre associés rendant impossible le fonctionnement normal de la société.
La deuxième partie règlemente les diverses formes de sociétés commerciales : société en nom collectif (SNC), société en commandite simple (SCS), société à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA), Société en participation, société de fait, groupement d’intérêt économique (GIE) et, innovation majeure, société par actions simplifiée (SAS). Le nouveau texte introduit également d’importantes dispositions de droit boursier, de même qu’il améliore le traitement des conventions réglementées afin de renforcer la transparence et le contrôle, mais aussi d’améliorer la gouvernance des sociétés. Par ailleurs, la possibilité pour les actionnaires et les administrateurs de participer par visioconférence aux réunions de l’assemblée générale ou du conseil d’administration est instituée.
La troisième partie édicte, enfin, des incriminations relatives à la constitution, à la vie, à la dissolution et à la liquidation des sociétés commerciales, étant précisé que les sanctions afférentes aux infractions ainsi prévues doivent être précisées par la loi nationale de chaque État Partie.
Adopté en substitution à l’Acte uniforme du 24 mars 2000 portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises, le nouvel Acte uniforme du 26 janvier 2017 relatif au droit comptable et à l’information financière (AUDCIF) est un corpus juridique rénové auquel est annexé le système comptable OHADA révisé (SYSCOHADA). Le SYSCOHADA révisé comprend, d’une part, le plan comptable général OHADA et, d’autre part, le dispositif comptable des comptes consolidés et combinés.
Tenant compte des évolutions de la normalisation comptable internationale et des besoins financiers grandissants des économies des pays membres de l’OHADA, l’AUDCIF établit les normes comptables, le plan des comptes, les règles de tenue des comptes, de présentation des états financiers et de l’information financière. Il vise les comptes personnels des entités, personnes physiques et morales, les comptes consolidés et les comptes combinés ; il comporte, en outre, des dispositions pénales.
Le nouveau texte répond ainsi à des attentes majeures des professionnels de l’analyse financière et de partenaires économiques potentiels. Il fait par ailleurs écho à une prescription de la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement des États membres de l’OHADA qui, le 17 octobre 2013, avait « relevé la coexistence de deux référentiels comptables dans l’espace géographique OHADA et instruit le Conseil des Ministres de poursuivre la révision de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises pour en faire l’unique référentiel en vigueur dans les États Parties ».
Moderne et en cohérence avec les autres Actes uniformes, le nouvel AUDCIF se singularise, entre autres, par :
L'AUDCIF entre en vigueur le 1er janvier 2018 pour les comptes personnels des entités et le 1er janvier 2019 pour les comptes consolidés, les comptes combinés et pour les états financiers produits en normes internationales d'information financières, dites normes IFRS.
Adopté le 22 mars 2003 à Yaoundé (Cameroun), l'Acte uniforme relatif au transport de marchandises par route s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route lorsque le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour sa livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés soit sur le territoire d’un État membre de l’OHADA, soit sur le territoire de deux États différents dont l’un au moins est membre de l’OHADA, à l’exclusion des transports de marchandises dangereuses, des transports funéraires, des transports de déménagement, ou des transports effectués en vertu des conventions postales internationales.
L’Acte uniforme s’applique indépendamment du domicile et de la nationalité des parties au contrat de transport. Il règle la conclusion, l’exécution, la responsabilité et le contentieux découlant du transport.
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUVE) adopté le 10 avril 1998 organise, en matière de recouvrement, deux procédures judiciaires simples à mettre en œuvre par un créancier, afin de contraindre son débiteur à exécuter ses engagements : l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer un bien, cette dernière étant assortie de deux saisies correspondantes que sont la saisie-appréhension et la saisie-revendication.
Dans le domaine des voies d’exécution, l’AUVE aménage les données de base de l’exécution forcée, et réglemente les différents procédés de contrainte : les saisies conservatoires (de biens meubles corporels, de créances, de droits d’associé et valeurs mobilières), et les saisies exécutoires (saisie-vente, saisie-attribution de créances, saisie des rémunérations, saisie immobilière).
L’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif du 10 septembre 2015, qui se substitue à celui du 10 avril 1998, organise les procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises sur décision et sous contrôle judiciaires (conciliation et règlement préventif, avant cessation des paiements, redressement judiciaire et liquidation des biens, après cessation des paiements), définit la réglementation applicable aux mandataires judiciaires et définit les sanctions patrimoniales, professionnelles et pénales applicables au débiteur et aux dirigeants de l’entreprise défaillante (faillite personnelle et banqueroute).
Les procédures collectives s’appliquent aux commerçants (personnes physiques et morales), aux entreprenants, aux personnes morales de droit privé non commerçantes, ainsi qu’aux entreprises publiques revêtant la forme de personnes morales de droit privé. Des procédures simplifiées sont instituées pour les petites entités économiques et un cadre juridique fixé pour rationaliser l’activité des mandataires judiciaires. Le nouveau texte, au total, à renforcer la célérité et l’efficacité des procédures collectives, favoriser le sauvetage des entreprises viables et le paiement substantiel des créanciers.
Adopté le 15 décembre 2010, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (AUSCOOP) répond à une demande fortement exprimée par les coopérateurs de l’espace OHADA qui, n’étant pas soumis aux règles des sociétés commerciales, souhaitaient des règles spécifiques harmonisées à l’échelle régionale.
L’AUSCOOP s’applique à toutes les coopératives, sous réserve des règles nationales ou régionales spécifiques, applicables aux sociétés coopératives exerçant une activité bancaire ou financière.
Il prévoit deux types de coopératives au choix des entrepreneurs : la société coopérative simplifiée et la société coopérative avec conseil d’administration. Il distingue clairement les règles communes aux deux ainsi que les règles spécifiques à chaque type de coopérative. Quelques traits caractéristiques de ces formes d’organisation de l’entreprise méritent d’être soulignés : l’adhésion volontaire et ouverte à tous sans discrimination, le pouvoir démocratique exercé par les coopérateurs, l’autonomie et l’indépendance, l’éducation, la formation et l’information du coopérateur, l’engagement volontaire envers la communauté, la coopération entre organisations à caractère coopératif.
À l'issue de la 45e session du Conseil des Ministres de l’OHADA qui se tenait à Conakry en Guinée, un Acte uniforme relatif à la médiation (AUM) a été adopté le 23 novembre 2017. Dixième texte de droit uniforme adopté par l'OHADA, le nouvel AUM uniforme vient pallier le vide législatif qui existait dans la plupart des États membres sur la médiation, mode amiable de règlement différends.
Inspiré de la loi-type de la CNUDCI sur la conciliation commerciale internationale, l’AUM adopte une définition large de la médiation, conçue comme « tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord […] impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des États ». Le texte règle également la procédure de médiation et énonce les principes directeurs de conduite d’une médiation : respect de la volonté des parties, intégrité morale, indépendance et impartialité du médiateur, confidentialité et efficacité du processus de médiation. D’importantes dispositions sont également consacrées à l’exécution de l’accord de médiation.
La médiation commerciale rejoint le corpus juridique du droit OHADA et vient ajouter une possibilité de règlement des conflits autre que l’arbitrage. Ce mode de résolution des différends entre les opérateurs économiques est particulièrement adapté aux réalités de la zone OHADA. La médiation est ancrée dans les cultures africaines, sa rapidité et son coût peu important en font dès lors un outil d’une remarquable efficacité à la portée du plus grand nombre d’entreprises.
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