De sa consonance argotique, le nouchi devient une langue véhiculaire, un code linguistique de reconnaissance et d'identification sociale. Le terme « argot » ne traduit plus la réalité de cette langue qui n'est plus seulement parlée par une frange de la population inéduquée, mais par la majorité des habitants, notamment la jeunesse qui constitue 60% de la population ivoirienne[3].
Ce parler bénéficie d'un grand privilège autant national qu'international. Grâce à sa phonologie aisée, la langue française lui emprunte des mots, les expatriés veulent l'apprendre ; les politiques, et les médias s'en servent dans leur communication pour que leurs messages soient mieux reçus[4].
Le nouchi n'est plus un argot mais n'est pas encore une langue au sens politico-social du terme. C'est un outil de reconnaissance pour les Ivoiriens de la diaspora, une langue véhiculaire et un moyen de communication par excellence en Côte d'Ivoire[5].
Origine et formation
Cette section contient une ou plusieurs listes. Le texte gagnerait à être rédigé sous la forme de paragraphes synthétiques. Les listes peuvent demeurer si elles sont introduites par une partie rédigée et sourcée, de façon à bien resituer les différents éléments (mai 2024).
Apparu au début des années 1970[3], il est d'abord parlé par des jeunes citadins peu scolarisés ou délinquants, ne maîtrisant pas bien le français et qui le pratiquent surtout aux abords des marchés, des gares, des cinémas.
Cette émergence est la conséquence del'adaptation naturelle du français classique aboutissant à la naissance d'une variété locale, en outre,la démocratisation de l’enseignement et l’urbanisation des populations ivoiriennes et étrangères, qui entraîne une diffusion accélérée du français tout en baissant son niveau moyen de maîtrise[6].
«Nou», en malinké, signifie «le nez», et «chi» «poil». Cela donne en un mot, «poil de nez» donc «moustache» pour désigner le méchant, à qui tout le monde voulait ressembler. Un «nouchi», c’est un homme fort, craint de tous et qui n’a peur de rien ni de personne[7].
Il se diffuse progressivement dans la plupart des couches sociales. De langue des petits voyous, le nouchi devient la langue de la comédie populaire ivoirienne, voire de la musique ivoirienne. Un vecteur important de la diffusion et de l’extension du nouchi a été sa rencontre avec la musique zouglou, phénomène culturel et musical apparu au début des années 1990[6].
Le nouchi a commencé ainsi à être popularisé à la fin des 1980 et début 1990 avec des groupes de rap comme le groupe RAS, Les Young system, etc. Il reste toutefois aussi la langue de la «débrouille» dans les quartiers pauvres d'Abidjan.
Le groupe Magic System a contribué à le faire connaître dans le monde entier grâce au succès de la chanson Premier gaou[5].
Description
Le nouchi se nourrit des nombreuses langues du pays et du français[2].
Il se distingue néanmoins du langage familier, pour lequel les phrases sont dépourvues d'articles et voient leurs fins ponctuées d'adverbes du type «là». ex. : Voiture là = la voiture.
Beaucoup de termes du nouchi visent à évoquer des phénomènes de société propres à la Côte d'Ivoire.
Le nouchi évolue en permanence[Quoi ?], au fil des mots créés par les Ivoiriens. Le nouchi a aussi la particularité de varier selon les milieux et évoluer très vite, en s’inspirant de l’actualité. Ainsi, les termes gaou (plouc) et agbolo (costaud) sont des néologismes relativement récents.
Il existe plusieurs types de nouchi,notamment nouchi courant et le nouchi brodé, un mélange de noms propres ou de noms communs et autres ainsi donc, les zigueï sont les initiateurs du nouchi.
Vocabulaire
Le nouchi est au départ une sorte de créole de français et de mots tirés de deux langues sources, le soso et le dioula (par dioula entendons[Qui ?] plutôt malinké et bambara - utilisés essentiellement par les jeunes Soussous (originaires de Guinée) qui vivaient dans les quartiers défavorisés d'Abidjan).Par la suite, le nouchi va s'ivoiriser et s'enrichir de mots empruntés aux différentes langues ivoiriennes (notamment le baoulé[8]) et d'autres néologismes. Le nouchi utilise aussi des mots anglais et espagnols[9].Le dioula reste toutefois aujourd'hui, et de loin, la première parmi les langues ivoiriennes pourvoyeuse de mots au nouchi[6].
Syntaxe
Le nouchi est une langue qui se fonde sur des phrases courtes ou des adjonctions de termes tirés du vécu de la rue, de l'anglais, du français et des ethnies ivoiriennes ou même de celles de la sous-région ouest-africaine. Cependant, on note des expressions propres aux nouchis et aux ziguéhis (les bad-boys[pas clair] des ghettos abidjanais) tels que: têguê, gbôlôr, laler ou daba le mogor, babière le mogor («tabasser quelqu'un»), daba mon garba («manger mon attiéké à la friture de poisson thon»); d'une part daba ou gbôlôr, laler signifient «frapper, cogner» «vaincre» ou bien «manger».
Dans le second registre, il faut le comprendre dans le sens d'avoir de l'appétit au point de finir toute son assiette ou encore la phrase: «Ils m'ont lalé dans l'allée au cause de lalé» qui veut dire «Ils m'ont frappé dans l'allée à cause de mon téléphone portable». Des termes sont parfois utilisés de façon péjorative, il s'agit entre autres de gaou, gnata, albert et brézo. Le gaou, c'est la personne naïve. Cet état est moins grave que celui de gnata. Ce dernier présente une difficulté d'adaptation. L'albert ou le brézo, c'est celui qui perdure dans l'inadaptation. La formation des expressions est illimitée et se développe aux gré des événements heureux ou malheureux. C'est une langue en pleine expansion en Côte d'Ivoire, qui inspire et s'inspire de la culture populaire[10].
Des expressions souvent très contextuelles
il y a beaucoup de mots polysémiques dans le nouchi. Pour exemple, le mot ''gbé", qui évolue considérablement et qui finalement aujourd'hui ne peut être compris uniquement que dans le contexte. Gbé = «rempli, bondé, abondant», mais aussi «intelligent» et même «musclé». Gbé est employé pour exprimer le fait qu'il y'en a plus que nécessaire. On peut citer aussi le mot ahi qui est utilisé pour exprimer un état d’étonnement, de surprise, d’incompréhension. ex: Ahi ? Qu’est ce que tu racontes ?
Il y a même des phrases contextuelles, qui relèvent presque de l'hermétisme. Si des voleurs communiquent pour voler le téléphone d'un passant dans un couloir, l'un dira par exemple à l'autre : '' On va hohoho le hohoho du hohoho dans le hohoho. Avec le mot "hohoho" qui signifie à la fois, voler, téléphone (ou objet), passant et couloir. C'est valable si des dragueurs veulent aborder une demoiselle dans un restaurant, le mot hohoho signifiant alors «aborder», «demoiselle» et «restaurant».
Diffusion dans le monde
Le nouchi a aussi, durant son évolution, eu des mots et expressions qui se sont bien exportés tels que '' On s'enjaille '' repris par le rappeur français La Fouine[11], tels que '' Laissez les kouma (couman) " par la chanteuse Zaho[12] et le mot ''Tchoin" par le rappeur ivoiro-français Kaaris[13]. D'autres mots sont exportés, tels que boucantier, go... et certains ont même été adoptés par l'argot français.
Langage d’une génération
Le nouchi, tout en s’appuyant sur le français, magnifie aussi les langues africaines (telles que le dioula, le baoulé, le bété, l’attié…). Awoulaba est un terme tiré du baoulé qui désigne la plantureuse femme africaine. Exemple tiré d’une chanson populaire: «Bôtchô, awoulaba. ki nem pa ça?» (Une paire de fesses, une jolie nana… Qui n’aime pas ça?). Autre exemple: «Une gnanhi ki è enjaillée dè kpêkpêros» signifie «Une femme adulte qui aime les jeunes gens».Le nouchi est aussi un langage de jeunes. Parler nouchi traduit le fait qu’on est «branché». Pour illustration, un étudiant évoluant en dehors de la Côte d’Ivoire pendant l’année scolaire s’attachera à se renseigner sur les dernières expressions à la mode pour ne pas se faire traiter de gaou (un péquenot en nouchi).
Les variantes du nouchi
Le nouchi est une véritable langue vivante. Il évolue, s'adapte et fait des emprunts. Le plus célèbre de ses emprunts vient de l'anglais enjoyment que le nouchi retrouve dans enjaillement, avec la même signification.
En 2016, le nouchi a encore été parlé sous une forme appelée palestine, et qui consiste à construire des phrases avec des mots ou des noms rendant la phrase intellectuellement incompréhensible mais compréhensible à travers le code de cette variante, qui consiste à repérer les consonance dans les débuts de mot afin d'en tirer le sens. Pour dire,tu me vois, l'on dira plutôt tu me voiture. En plus, je te parle de ça, pour dire ye te Palestine de Sabine ou ye te Palestine de Salazar. Aussi je suis avec toi equivaut à dire je suicide avec toiture. Enfin,le français ivoirien ne prononce pas «je» mais plutôt «ye».Il n'y a pas de phrase type pour ce langage, ce principe s'applique à tout genre de mots, même de noms.Aussi, le jeu du nouchi est de s'amuser en codant le langage afin de créer une sorte de communication privée même en public. Au fil de sa propagation, il est devenu un langage très adaptatif qui trouve son apport et sa compréhension directement dans la rue, et les mots nouvellement créés peuvent circuler un bon moment avant d’être compris par les cérébraux, quoique la création de mots nouchi nécessite une intelligence linguistique.
On peut entendre cette variante du nouchi dans la net série Tintinfouin de Roland le Binguiste, notamment dans l'épisode 4 où après avoir défendu un de ses dealers, Gnahoré lui demande des comptes et celui-ci lui parle ainsi en '' Palestine ''[14].
Le nouchi dans les médias
Internet
Destiné à la promotion de l’expression africaine sur Internet, le site nouchi.com propose d’explorer les ressources du français africanisé[15].
Télévision et radio
La télévision est plutôt méprisante face au nouchi et ne favorise pas sa promotion. Il n'existe que peu de programmes en nouchi. Quelques rares animateurs notamment de La Première et TV2 l'utilisent : Marcelin Govoei ou Didier Bléou.
Il existe en revanche des chaînes de radio émettant exclusivement en nouchi, notamment à Abidjan.
Presse écrite
Outre les magazinespeople tels que Declic'Mag ou Topvisages (magazine qui réalise le plus de tirage en Côte d'Ivoire) qui emploient le nouchi, le journal Gbich écrit exclusivement dans cette langue et permet de faire la satire et la caricature de la société et du monde politique[16]
Le journal Gbich! est très apprécié pour son utilisation des expressions Nouchi, notamment dans sa bande dessinée Sergent Deutogo.
Bande dessinée
La bande dessinée Aya de Yopougon retrace la vie quotidienne d'une jeune abidjanaise de la fin des années 1970[17], et une place importante y est accordé au nouchi[18].
Littérature
En 2020, Asya Djoulaït publie Noire précieuse sur le questionnement identitaire d'une adolescente vivant à Paris qui s'exprime en nouchi[19].
↑Gomongo Nargawélé Silué, « Analyse stylistique des parlers populaires dans Des dieux éphémères de Yahn Aka : valeurs expressives et rendement interprétatif », Multilinguales, no 16, (ISSN2335-1535, DOI10.4000/multilinguales.7342, lire en ligne, consulté le )
↑ a et bMarcel Vahou, « La Côte d’Ivoire et ses langues françaises: conflit entre le standard et le nouchi », Plurilinguisme/OEP, (lire en ligne, consulté le )
↑ ab et cJ. Kouadio N’guessan, « Le nouchi et les rapports dioula-français », Le français en Afrique, Nice, ILF – CNRS, no 21 « Des inventaires lexicaux du français en Afrique à la sociologie urbaine … Hommage à Suzanne Lafage. », , p. 177-191 (lire en ligne [PDF])
↑Noël Kouassi Ayewa, « Mots et contextes en FPI et en nouchi », Actes des 7ème Journées scientifiques AUF-LTT, , p. 5 (lire en ligne)
↑Michelle Tanon-Lora (sous la dir. de), Identités individuelles, identités collectives, Paris, Éditions L'Harmattan, , 244 p. (lire en ligne), p. 114
Sabine Kube, Gelebte Frankophonie in der Côte d'Ivoire: die Dimensionen des Sprachphänomens Nouchi und die ivoirische Sprachsituation aus der Sicht abidjaner Schüler, LIT Verlag Münster, 2005
Germain-Arsène Kadi, Le champ littéraire africain depuis 1960 : Romans, écrivains et sociétés ivoiriens, Paris, Éditions L'Harmattan, coll. « Palinure », , 264 p. (lire en ligne), p. 150-158
Camille Roger Abolou, Les français populaires africains : franco-véhiculaire, franco-bâtard, franco-africain, Paris, Éditions L'Harmattan, , 216 p. (lire en ligne), p. 101