Michel de Ghelderode, pseudonyme d'Adémar Adolphe Louis Martens, est un auteur dramatique, chroniqueur et épistolierbelge d'origine flamande et d'expression française. Il est né à Ixelles le et mort à Schaerbeek le . Il a écrit plus de soixante pièces de théâtre, une centaine de contes, de nombreux articles sur l'art et le folklore. Également auteur d'une impressionnante correspondance de plus de 20 000 lettres, il est le créateur d'un univers fantastique et inquiétant, souvent macabre, grotesque et cruel.
Adémar Martens naît à Ixelles le , au numéro 71 de la rue de l'Arbre Bénit[1]. Il est issu d'une famille flamande[2] de Bruxelles. Les Martens étaient déjà établis à Waarschoot au milieu du XVIIIe siècle, et tous les ancêtres d'Adémar pour le côté paternel, ayant pour noms Paesbrugge, De Rijcke, Van Laere, etc., sont issus des villages de Waarschoot, Zomergem, Hansbeke, etc. Les ancêtres du côté maternel, ayant pour noms Rans, Dejongh, van Calsteren, Van Meerbeek, etc., sont issus de Louvain et des villages d'alentour Herent, Pellenberg, Wezemaal, Rotselaar, etc.
Les parents d'Adémar s'établissent à Bruxelles. Il fait toutes ses études en français, dans un but de promotion sociale. De son père, employé aux Archives du Royaume, il hérite du goût pour l'histoire, en particulier pour les époques du Moyen Âge, de la Renaissance et de l'Inquisition. De sa mère, il retient les légendes et histoires des petites gens racontées au coin du feu. Élevé dans un collège catholique de Bruxelles, l'Institut Saint-Louis[3], il vit dans une ambiance religieuse qui le terrifie et, lorsqu'il perd la foi à l'adolescence, il continue à croire aux puissances du mal.
De son éducation religieuse, il retient les aspects rituels et magiques, théâtraux, etc., qui continueront à nourrir son œuvre et à le fasciner. Son père l'emmène à l'opéra, au théâtre de marionnettes, le Théâtre royal de Toone (à la défense duquel il participera plus tard et pour lequel il écrira plusieurs pièces), il passe du temps aussi à parcourir la foire du Midi. Les fastes de l'opéra, le caractère populaire des marionnettes et de la foire seront, avec l'Histoire, des sources d'inspiration.
Il effectue son service militaire de 1919 à 1921. Il épouse civilement, à Schaerbeek en 1924, Jeanne-Françoise Gérard (Schaerbeek 1894 - Ixelles 1980)[4], fille de Joseph et de Marie Catherine Artois. Il avait rencontré sa future épouse dans une librairie où il a travaillé comme commis.
Ghelderode fonctionnaire et journaliste
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L'auteur entre le à l'Administration communale de Schaerbeek, où sont également employés deux frères de sa fiancée. Il y reste jusqu'en , où il est relevé de ses fonctions par procédure disciplinaire, à cause de sa conduite durant l'occupation allemande. Il est en effet accusé par le Conseil communal d'avoir servi la propagande nazie en collaborant durant la guerre à Radio Bruxelles. Il lui faut attendre le pour que sa situation soit réglée par arrêté royal. Il s'en tire avec une peine disciplinaire de trois mois de suspension sans traitement, mais il ne reprend pas son poste à l'administration, dont il est pensionné pour cause de maladie.
Ghelderode dramaturge et conteur
Ses premières pièces, écrites en français, sont jouées tout d'abord en traduction flamande par le Vlaamsche Volkstooneel[5],[6], une compagnie à la fois populaire et d'avant-garde, avant qu'elles ne connaissent après la guerre un succès tel à Paris qu'on parle de Ghelderodite aiguë. Elles seront ensuite supplantées par celles de Beckett ou de Ionesco.
Ghelderode situe son théâtre dans les traditions théâtrales hispaniques et anglo-saxonnes des époques de la pré-Renaissance et de la Renaissance ; il insiste sur la rupture qu’il tient à marquer avec le théâtre français classique ou contemporain. Auteur profondément baroque, sensible à l'art flamand et aux influences bouffonnes tenant parfois de la pantomime, de la marionnette et de la mascarade, il développe l'idée, précédemment théorisée par le dramaturge Antonin Artaud dans son livre Le Théâtre et son double, d'un théâtre de la cruauté : Ghelderode en fait le thème central d'une pièce en un acte, L'École des bouffons, écrite en 1942, et il utilise ce thème dans nombre de ses pièces comme Escurial, Barabbas, La Farce des ténébreux, Hop Signor !, La Balade du Grand Macabre…
1943 est une année favorable et prolifique pour Ghelderode qui, rompant les liens qu’il avait établis avec l’Ordre nouveau, se voit éditer par La Renaissance du livre, maison d'édition qui, bien qu’elle ne contienne aux yeux de l’auteur que des « travaux mineurs choisis par Wilmotte qui n’aimait pas le caractère flamand de son art », lui confère tout de même ses premières lettres de noblesse grâce à une préface de Franz Hellens. C’est aussi la période de ses derniers chefs-d’œuvre théâtraux, L’École des bouffons et Le soleil se couche, pièces testamentaires, témoins de la puissance artistique et esthétique de Ghelderode qui met en exergue les personnages de Charles Quint et de Philippe II, à travers les mythes du XVIe siècle, sur fond de morts et de cérémonies funéraires. À cette époque, Ghelderode est marqué par des problèmes de santé et, pour Le soleil se couche, par la décrépitude et la mort de son père qui survient le .
Fin de vie
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En , Ghelderode, sans emploi depuis son départ forcé de l'administration communale, cinq ans plus tôt, sollicite le poste de conservateur du musée Wiertz, vacant depuis la mort, ce même mois, du poète Valère Gille. Le ministre de l'Instruction Publique ne le lui accorde pas[7].
Michel de Ghelderode fait montre, tout au long de sa carrière, d'une tendance à mettre en scène sa propre existence. Il s'est ainsi inventé une généalogie prestigieuse et un nom de plume, a déformé des épisodes de sa biographie (il a par exemple exagéré la teneur de sa relation avec Georges Eekhoud, dont il se fait a posteriori un maitre en écriture, et celle de son service militaire, de manière à se prétendre grand voyageur)…
La première occurrence du pseudonyme Michel de Ghelderode a été relevée dans l'édition de Mercredi-Bourse du , où l'auteur est présenté sous ce nom en qualité de conférencier. Dix ans plus tard, il décide d'officialiser ce changement de patronyme et en fait la demande au ministère de la Justice. Il essuie un premier refus le , mais sa requête est finalement accordée par arrêté royal du . Il devient alors Adémar de Ghelderode aux registres de l'état-civil, le prénom Michel n'ayant cours que pour ses amis et ses lecteurs[8]
À partir de 1940, il réside au numéro 71 de la rue Lefrancq à Schaerbeek[note 1]. C'est à ce domicile qu'il constitue à partir de 1954 une collection d'objets rares et étranges, qui fait une grande impression sur les journalistes qui y sont reçus et contribue beaucoup à sa réputation d'excentrique.
En , à Ostende, Ghelderode enregistre une série d'entretiens pour le Club d'essai de la Radiodiffusion télévision française. Publiés en 1956 sous le titre Les Entretiens d'Ostende, ils ont un temps constitué une source de première importance pour la connaissance de l'auteur et de son œuvre. Des critiques ont cependant prouvé que ce dernier y énonce des contrevérités biographiques, et l'étude de sa correspondance avec son éditeur montre que Ghelderode a entièrement réécrit nombre de ses réponses, au détriment de leur caractère spontané et de leur valeur documentaire. Si ces entretiens constituent une source de premier plan dans l'étude de la personnalité de Ghelderode, on considère désormais la véracité de leur contenu comme sujette à caution[9].
Ouvrages
Les dates mentionnées sont celles de la rédaction des œuvres.
La Grande Tentation de Saint Antoine, 1932, cantate burlesque, musique de Louis de Meester
Swane, 1933, d'après un récit de Stijn Streuvels, musique de Maurice Schoemaker
Le Vieux Soudard, 1937, cantate
Arc-en-ciel, 1937, opéra-bouffe en un acte, musique de Maurice Schoemacker
Les Choraux à plumes, 1962, cantate
Divers
La Corne d'abondance, recueil de poèmes, 1924
L'Homme à la moustache d'or, roman, 1931
Les Entretiens d'Ostende, série d'entretiens, L'Arche, 1956 & L'Ether Vague - Patrice Thierry, 1992.
Commentaires
« Ghelderode, c'est le diamant qui ferme le collier de poètes que la Belgique porte autour du cou. Ce diamant noir jette des feux cruels et nobles. Ils ne blessent que les petites âmes. Ils éblouissent les autres. »
« Avant Ghelderode, la scène était devenue tribune politique, chaire sorbonnante pour dialecticiens, vitrine aux mains de décorateurs, laboratoire pour faux psychiatres, mais les poètes l'avaient désertée. »
↑Les domiciles successifs de Michel de Ghelderode sont (liste établie par son biographe Roland Beyen, dans Michel de Ghelderode ou la hantise du masque. Essai de biographie critique, Bruxelles, éd. Palais des académies, 1971, p. 50-51) : 71, rue de l'Arbre Bénit (29 mars 1898-) ; 83, rue Defacqz (28 août 1899-) ; 6, rue Léonard de Vinci (13 juin 1901-) ; 196, rue de Brabant (17 mars 1906-) ; 24, rue Henri Marichal (7 octobre 1912-) ; 9, rue Emmanuel Hiel (15 février 1914-) ; 14, rue Liedts (2 février 1924-) ; 34, rue Charles Vanderstappen (13 février 1926-) ; 24, rue de la Sablonnière (1er juillet 1934-) ; 117, rue du Trône (30 juin 1937-) ; 71, rue Lefrancq (30 avril 1940-1er avril 1962).
↑Archief en Museum van het Vlaams Leven te Brussel, Michel de Ghelderode en het Vlaamsche volkstooneel : 1926-1932, Archief en Museum van het Vlaams Leven te Brussel. Brussel, (lire en ligne)
↑Roland Beyen, Michel de Ghelderode ou la hantise du masque. Essai de biographie critique, Bruxelles, éd. Palais des académies, 1971, p. 51-52.
↑Roland Beyen, « Appréciation critique des sources », dans Michel de Ghelderode ou la hantise du masque. Essai de biographie critique, Bruxelles, éd. Palais des académies, 1971, p. 21-46.
Agnès Akérib, Michel de Ghelderode. Fastes d'Enfer pour un triomphe. Adaptation libre de sa correspondance avec Catherine Toth, Paris, éd. TriArtis, coll. « Scènes Intempestives », 2018 (ISBN978-2-916724-98-0)
Roland Beyen, Ghelderode, Paris, éd. Seghers, 1974
Roland Beyen, « Ghelderode et la troupe du Vlaamsche Volkstooneel », dans Revue de littérature comparée, no 299, 2001/3, Paris, éd. Klincksieck, p. 411-427 [lire en ligne]
Roland Beyen, Michel de Ghelderode ou la hantise du masque. Essai de biographie critique, Bruxelles, éd. Palais des académies, 1971, 538 p.
Roland Beyen, « Michel de Ghelderode entre deux chaises », dans Romaneske, 33e année, , no 2, p. 9-23 [lire en ligne]