Comme quatre ans auparavant, les Bleus ne sont pas parvenus à terminer premiers de leur groupe de qualification, dominé par les champions du monde espagnols, et doivent passer par les barrages. La défaite en Ukraine met en péril les chances tricolores et est un défi majeur pour le nouveau sélectionneur Didier Deschamps, car l'équipe de France doit maintenant gagner par au moins 3 buts d'avance pour se qualifier. À l'issue d'une partie mémorable, les Bleus y parviennent.
Ce match est souvent considéré comme le point de départ des nombreux succès de l'équipe de France, jusqu'à la consécration lors de la Coupe du monde 2018.
Contexte
Éliminatoires
Le , la France est éliminée en quart de finale de l'Euro 2012 par l'Espagne, tenante du titre et future double vainqueur de l'épreuve. Laurent Blanc quitte son poste de sélectionneur une semaine plus tard et est remplacé par Didier Deschamps. Un peu plus de deux ans après le « fiasco de Knysna », l'ancien capitaine des Bleus veut inaugurer une nouvelle ère de l'équipe de France.
La France est placée dans le groupe I des éliminatoires de la zone Europe, avec l'Espagne, la Biélorussie, la Finlande et la Géorgie. Les Bleus réalisent une très bonne première partie de parcours, enchaînant des victoires contre la Finlande et la Biélorussie, un match nul intéressant contre l'Espagne à Madrid au cours duquel Olivier Giroud obtient une égalisation inespérée dans les arrêts de jeu, puis une nouvelle victoire contre la Géorgie. La première place du groupe se joue le au stade de France, et c'est l'Espagne qui s'impose grâce à un but de Pedro. Les Bleus empochent 7 points lors de leurs trois derniers matchs, mais l'Espagne ne craque pas et termine tranquillement première du groupe.
De son côté l'Ukraine hérite de l'Angleterre, de la Moldavie, du Monténégro, de la Pologne et de la très modeste équipe de Saint-Marin. Les Bleus et Jaunes n'échouent qu'à un point des Anglais et terminent deuxièmes, la faute surtout à une défaite inattendue contre le Monténégro à domicile le . Un nouveau sélectionneur, Mykhailo Fomenko, est alors nommé et l'équipe termine les éliminatoires par 6 victoires et un match nul, en progression constante.
Lors du match aller à Kiev, l'Ukraine s'impose nettement 2-0 à domicile. Peu en vue et dominée dans les duels, la France voit ses chances de participer au Mondial 2014 se réduire considérablement. Après deux buts de Zozulya et Yarmolenko sur un penalty concédé par Laurent Koscielny, ce dernier est expulsé dans le temps additionnel[1]. Les statistiques ne sont alors pas en faveur de l'équipe de France : aucune équipe de la zone Europe n'a réussi dans l'histoire à remonter deux buts en barrage[3].
Dès le début du match, l'équipe de France joue haut, à tel point que Varane et Sakho sont souvent les seuls joueurs de champ présents dans la moitié de terrain française. Les Bleus s'engagent à fond dans le match et se créent de nombreuses occasions dans le premier quart d'heure par l'entremise de Benzema, Pogba et Valbuena, avant de concéder un temps faible de la 15e à la 20e minute que les Ukrainiens ne parviennent pas à exploiter. Les Français ouvrent le score grâce à Mamadou Sakho à la 22e minute. Le défenseur français reprend une frappe de Franck Ribéry repoussée par le gardien ukrainien Pyatov et n'a plus qu'à pousser le ballon dans le but vide. Cette ouverture du score délivre la France qui continue à attaquer. À la 30e minute, un but de Benzema est injustement refusé pour hors-jeu, mais l'attaquant se rattrape quatre minutes plus tard et inscrit le but du deux à zéro… en position de hors-jeu[3]. Juste avant la mi-temps, Sakho puis Debuchy sauvent coup sur coup deux occasions dangereuses de l'Ukraine. Les deux équipes rentrent ainsi au vestiaire avec une égalité parfaite sur les deux matchs[4],[5].
Dès le retour des vestiaires, le défenseur ukrainien Khacheridi est expulsé à la suite d'un second carton jaune pour une faute sur Franck Ribéry. La qualification commence alors à prendre forme. Malgré de nombreuses occasions, il faudra attendre la 72e minute pour que Mamadou Sakhoimite son prédécesseurLilian Thuram et inscrive son deuxième but de la soirée, sur un centre-tir de Ribéry[1]. Les Ukrainiens font néanmoins trembler les Bleus jusqu'à la fin du match et ravivent le spectre de Kostadinov en 1993[4].
Une étrange rumeur de match truqué contre les Ukrainiens se diffuse après le match sur Internet et dans certains médias[7]. En France, le député Lionnel Luca revient sur les faits de jeu (hors-jeu, expulsion, etc) et déclare dans un tweet« voilà comment on sauve les droits TV de la FFF ». La rumeur est aussi relayée par le militant d'extrême-droite Serge Ayoub. Le sociologue Stéphane Beaud précise : « Comme toute rumeur, elle a un début de fondement : le but de Benzema est hors-jeu, le joueur expulsé n'aurait […] peut-être pas mérité de l'être, l'équipe d'Ukraine est une petite équipe dans le concert des nations du football, Platini est président de l'UEFA et peut-être candidat à la FIFA... »[7].
Épilogue
En 2016, dans la rubrique sportive Souvenirs de sport (courte émission de moins de trois minutes pour TV5 Monde), Patrick Chêne qualifie ce match retour de « match mythique » que l’on n’« a pas vu venir » (au contraire de ce qui peut se passer pour un match de phase finale de Mondial ou d’Euro)[8].
Grégory Schneider, journaliste sportif à Libération et consultant sur la chaîne L’Équipe, voit dans ce match de barrage retour une rencontre qui « conditionna tout le reste » jusqu’à la victoire de l’équipe de France à la Coupe du monde 2018[9],[10] et Hugo Lloris indique en : « France-Ukraine au stade de France en 2013 […] est le début de l’aventure au Mondial 2014, à l’Euro 2016 et à la Coupe du monde en Russie » même si ce soir-là, parmi les futurs champions du monde 2018, seulement quatre sont titulaires : le gardien et capitaine Hugo Lloris (26 ans), Blaise Matuidi (26 ans) et les jeunes Paul Pogba (20 ans) et Raphaël Varane (20 ans). Olivier Giroud (27 ans) rentre en jeu à la 82e minute, tandis que Steve Mandanda reste sur le banc des remplaçants.
↑De la même façon, Ludovic Pinton et David Lortholary (dans Merci les Bleus, l’épopée des champions du monde 2018, Marabout, 2018) indiquent que « tout a commencé le 19 novembre 2013 et la victoire 3-0 des Bleus face à l’Ukraine » (page 22, chapitre « Naissance d’une équipe »).