De 1979 à 1986, Mark Lammert étudie la peinture à la Hochschule der Künste Berlin, et de 1989 à 1992, il est « étudiant-maître » à l'Académie des arts de Berlin. En 1993, il crée son premier décor de théâtre pour la mise en scène de Heiner Müller «Duell-Traktor-Fatzer» au Berliner Ensemble. Les années suivantes, il obtient des bourses d’étude pour artistes-peintres de la Senatsverwaltung für kulturelle Angelegenheiten de la ville de Berlin (1994) ainsi que de la Stiftung Kunstfonds e.V. de Bonn (1996), dont il était membre du Conseil d’administration depuis 1997. En 1997 suit un long séjour d’étude à Lisbonne. L’année suivante, en 1998, il reçoit le prix des arts graphiques de la Kunstmesse Dresde, et en 1999, l'Académie des arts de Berlin lui décerne le prix Käthe-Kollwitz. En 2000/2001, il est invité à Paris par l’Académie expérimentale des théâtres et en 2002, la Preußische Seehandlung lui attribue la bourse de peinture Eberhard-Roters. En 2003, il est artiste en résidence aux «Récollets» à Paris, et fait un séjour prolongé en France. Depuis 2011 Lammert est titulaire d'une chaire de peinture à l'université des arts de Berlin.
Œuvre
Le public le découvre assez tôt aussi bien à travers ses peintures que ses dessins, notamment lors de nombreuses expositions consacrées à l’art allemand (entre autres «Deutschlandbilder», Martin-Gropius-Bau, Berlin, 1997, et «Art of Two Germanys», Los Angeles County Museum of Art, 2009). Son travail se définit par un travail conceptionnel qui interroge les frontières du visuel. Cette approche concerne ses premiers portraits (Stephan Hermlin, 1987), souvent interprétés comme des protestations picturales contre l’absence de conscience historique de la société, et ses séries de peintures, dessins, d’œuvres graphiques: à commencer par les premiers «Portraits de groupes qui attendent» (1983-1988), en passant par les nus blancs et gelés et les tableaux de batailles, jusqu’à sa série graphique «Kinne» (1993) qui déconstruisent le cliché Heiner Müller.
Dans sa série de tableaux de grand format «Allié» (1994-1995), -des cartes au dos desquelles il applique des nuances de rouge à la façon d’un palimpseste -, le principe consistant à réduire des fragments d’images humaines apparaît de plus en plus nettement. Il commence à expérimenter différents supports, à refaçonner des livres-cassettes et à quadriller de fines lignes sur des dessins exécutés sur papier gros grain. Depuis 1998, il s’est délibérément tourné vers les petits formats, qu’il dispose en série pour former de grands tableaux muraux. La réduction à des matériaux élémentaires permet de maintenir l’équilibre entre corps et squelette, matière et structure, ligne et couleur, mais également entre image et signe polyvalent. Le principe de réduction ne se cantonne pas aux éléments figuratifs évoquant le corps, mais s’étend aussi à la couleur des arrière-plans dont les taches de couleurs évoquent des blessures. «Armbrust» (1997-1999), «Hüllen» (1998-1999), «Brust-Korb» (1998-2000) et «Weiß» (2001-2003) sont réalisés sur fonds blancs et "Passion" (2001-2002) ainsi que «Schwarz» (2002-2004) sur fond de dégradés sombres. Progressivement, l’atmosphère chromatique se diversifie («Floaters», 2005-2009) tandis que la relation entre le fond et les éléments picturaux change, tendant à suivre une composition plus ornementale, comme dans ses travaux scripturaux.
Par ailleurs, son œuvre comprend un grand nombre de travaux d’impression graphique. Pour certaines de ces œuvres, le collage de fragments d’anciennes lithographies sert de base et d’inspiration à l’élaboration de ses propres images. Depuis les années 1980, Lammert conserve par ailleurs ses matériaux dans des livres d’étude. Ceux-ci forment ainsi un espace parallèle de création et, en tant que réflexion sur les médias, nous présentent le contexte politique de ses œuvres. On y trouve, outre des collages, photographies et dessins, qui dévoilent souvent les techniques de représentation de la violence, aussi des notes écrites et extraits de textes théoriques les plus divers. Le visuel se mêle au scriptural. Dans ses travaux intitulés «Risse» (2004), il utilise pour la première fois la technique de reproduction manuscrite pour créer des tableaux qui sont textes autant qu’images, et où la suppression partielle de blocs de texte permet de faire apparaître des formes et figures aléatoires. Progressivement, il fragmente aussi ses notes, et les cartographie, comme dans «Knochen» (2006/07): à des extraits de textes, il confronte des champs de couleur mobiles aux contours linéaires, –référence aux couleurs marquant les différentes étapes de croissance telles qu’elles apparaissent dans la collection zoologique du Musée Fragonard de Paris. Ses coopérations avec Heiner Müller depuis 1991 («Aus dem Totenhaus», 1990; «Blockade», 1991; «Totenzeichnungen», 1995) l’amènent à créer des espaces scéniques dans lesquels il transpose la matérialité de sa peinture dans l’espace. Les espaces simplement structurés par des pans de tissus de couleur à la verticale (Germania 3, 1996) ou par des murs rotatifs (Perser, 2006) deviennent des acteurs à part entière et ont été qualifiés de machines dramaturgiques.
Jorge Molder: Fragment d’espace, in: CMA, Lisbonne, 2005.
Ulrike Haß: Dramaturgiemaschinen. Zu den Bühnen Mark Lammerts, in: Theater der Zeit, 2008.
Amy Eshoo: 560 Broadway. A New Drawing Collecktion at Work, 1991-2006, 2008.
Reinhard Ermen: Mark Lammert, in: Kunstforum international, Bd. 196, Zeichnen zur Zeit, 2009.
Eckhart Gillen: Szenes from the theatre of the cold war of the arts, in: Art of Two Germanys, Los Angeles County Museum of Art, 2009.
Matthias Flügge, Bruno Duarte: Mark Lammert, Malerei 1997-2010 (all./angl.), Richter-Verlag(de), Düsseldorf, 2011.
Juriaan Benschop: Mark Lammert, in: Artforum, New York, .
Judith Elisabeth Weiss: Mark Lammerts Kinne und Haare. Zeichnerische Fragmente von Heiner Müller und Dimiter Gotscheff. In: Kunstforum international, Bd. 216, 2012.