Marc Crépon est avec Bernard Stiegler l'un des membres fondateurs de l'association Ars Industrialis, association de réflexions sur les « technologies de l’esprit » (industries de l’informatique et des télécommunications, notamment) et les impératifs économiques qui, selon l'association, les sous-tendent.
Son travail ne cesse de mêler et fait se croiser la philosophie, en particulier à travers les pensées de Hegel, Leibniz, Nietzsche, Husserl, Levinas, Derrida, Benjamin, et la littérature, notamment les œuvres de Franz Kafka, Maurice Blanchot, Paul Celan, Imre Kertész. Le thème de la violence, en particulier celle qui s'est manifestée à travers les atrocités et les totalitarismes du XXe siècle, est au cœur de sa réflexion, qui interroge aussi la violence du langage, ancrée dans les troubles de l'histoire, ce qu'il a nommé « le malin génie des langues »[2].
Selon cette perspective, et comme l'illustrent par exemple les ouvrages de Imre Kertész, on a toujours besoin d'« histoires sur le bien et le mal », et la responsabilité de la littérature est de nourrir cet imaginaire, « à l'épreuve de la violence », à laquelle elle ne peut que se confronter. Dans ce contexte, le salut que peut parfois procurer l'écriture, à l'image de la poésie de Paul Celan ou du Journal de Kafka, n'est jamais acquis, ne peut jamais être un salut définitif. À la différence de la philosophie, la littérature permet d'exprimer ce qu'il y a d'absolument singulier dans l'expérience de la violence. La poésie en particulier peut ainsi être investie de promesses politiques, que Marc Crépon interroge par exemple dans son essai intitulé Terreur et poésie (2004), à partir des lectures de Hölderlin par Heidegger et de Mandelstam par Celan, analysant ainsi certains présupposés sur la langue, le destin, le peuple, portés par ces lectures. À travers cet ouvrage, la poésie comme promesse de salut s'incarne dans « deux façons radicalement opposées de penser la situation de la poésie face à la terreur politique. »[3]
Ouvrages
Les géographies de l’esprit : enquête sur la caractérisation des peuples de Leibniz à Hegel, Paris, Payot, 1996
La langue source de la nation : messianismes séculiers et Europe centrale et orientale (du XVIIIe au XXe siècle), avec P. Caussat & D. Adamski, Paris, Mardaga, 1996
L'harmonie des langues, Essais de G.W. Leibniz sur la langue allemande et autres textes, présenté, traduit avec Ph. Büttgen, F. Mariani Zini et J. Sudaka, et commenté par Marc Crépon, Paris, Le seuil, 2000
Le malin génie des langues : essais sur Nietzsche, Heidegger, Rosenzweig, Paris, Vrin, 2000
Les promesses du langage : Benjamin, Rosenzweig, Heidegger, Paris, Vrin, 2001
L'imposture du choc des civilisations, Nantes, éditions pleins feux, 2002
Nietzsche : l'art et la politique de l'avenir, Paris, PUF, 2003
La Philosophie au risque de la promesse (recueil, en collaboration avec Marc de Launay), Paris, Bayard, 2004, 212 p.
Terreur et poésie, Paris, Galilée, 2004, 150 p[4].
Langues sans demeure, Paris, Galilée, 2005
Altérités de l’Europe, Paris, Galilée, 2006, 207 p.
De la démocratie participative : fondements et limites, avec Bernard Stiegler, Paris, Éditions Mille et une nuits, 2007
Derrida, la tradition de la philosophie (recueil, avec Frédéric Worms), Paris, Galilée, 2008, 218 p.
La culture de la peur : démocratie, identité, sécurité, Paris, éditions Galilée, 2008