Madeleine Grey, née Madeleine Nathalie Grumberg le à Villaines-la-Juhel (Mayenne) et morte le à Paris, est une chanteuse classique française dont la voix est souvent considérée comme celle d'une soprano mais qui évolue aussi dans un répertoire de mezzo-soprano.
Jeunesse
Madeleine Grumberg est la fille de deux juifs russes émigrés en France, qui s'étaient rencontrés à l'École dentaire de Paris. Elle étudie le piano chez Mademoiselle Chappard, supervisée une fois par mois par Alfred Cortot, et ensuite le chant chez Madame Bréjean-Silver, puis avec Amédée-Landely Hettich. Son potentiel exceptionnel comme chanteuse est bientôt reconnu par Georges Hüe et Gabriel Fauré. Fauré écrit pour elle son cycle, de mélodies intitulé les Mirages, qu'elle crée en décembre 1919. En 1920, elle donne un concert très remarqué à Paris, avec l'orchestre des Concerts Pasdeloup sous la direction de Rhené-Baton.
Madeleine Grey voyage beaucoup, tout particulièrement en Italie où elle est invitée par Gabriele D'Annunzio et où elle rencontre le grand amour de sa vie, le professeur Emilio Bodrero, un fasciste notoire, et aux États-Unis où elle enthousiasme Arturo Toscanini. Quand la guerre avec l'Allemagne éclate en 1939, elle doit se protéger des lois antisémites et réussit à se cacher à Saint-Paul-de-Vence. Son père est déporté en 1943 et gazé à Auschwitz. Elle parvient à sauver sa mère, qu'elle confie à leurs cousins biochimistes réputés, Polonovski-Nitzberg, résidant à Genève. Revenue à Paris après la Libération, elle reprend difficilement sa carrière, qu'elle doit interrompre en 1952, en raison de troubles laryngés. Elle fait encore des voyages au Moyen-Orient et au Brésil. Elle meurt solitaire, oubliée de tous, en 1979.
Réputation
En 1921, Ravel la recommanda au chef d'orchestre Ernest Ansermet : « Elle est une des plus remarquables interprètes : une voix attractive, agréablement puissante et très limpide. Et notablement une diction parfaite. Grâce à elle, le public a écouté Shéhérazade comme autre chose qu'un poème symphonique. En 1re audition elle a chanté les 2 Chants hébraïques en hébreu. – Je ne saurais garantir la pureté de l’accent, mais on m’a assuré que c’était bon. – Fauré lui a confié la 1re audition de ses dernières mélodies ; G. Hüe aussi. Ceci pour vous dire qu’elle peut chanter autre chose que du Ravel »[1].
En 1933, Ravel tenta auprès du critique musical Guido Gatti de faire annuler la rupture d'engagement de Madeleine Grey pour un concert dans l'Italie fasciste : « J’apprends que Madeleine Grey, qui avait été choisie pour chanter les Chansons madécasses au Festival de Florence, doit être remplacée par une autre cantatrice : vous m’en voyez désolé. En effet, depuis la création parfaite de Bathori, il y a déjà bien des années, cette œuvre fort difficile a été reprise par beaucoup d’artistes, et non des moindres : aucune, sinon M. G. [Madeleine Grey], n’en a rendu aussi fidèlement le caractère. C’est elle que j’ai choisie récemment lorsque la Société Polydor m’a demandé d’enregistrer ces 3 pièces en me laissant le choix des interprètes »[2].
Publications
« Souvenirs d'une interprète », La Revue musicale, no 187, , p. 175-178 (ISSN0768-1593, BNF32860854)
Souvenirs sur Maurice Ravel dans le numéro spécial d'hommage au compositeur lors du premier anniversaire de sa mort
Maurice Ravel, L'intégrale : Correspondance (1895-1937), écrits et entretiens : édition établie, présentée et annotée par Manuel Cornejo, Paris, Le Passeur Éditeur, , 1769 p. (ISBN978-2-36890-577-7 et 2-36890-577-4, BNF45607052)Contient une correspondance de Ravel à Madeleine Grey (1933) n°2441 et une correspondance de Madeleine Grey à Ravel (1929) n°2276