Elle ouvre un modeste atelier de couture, 79 rue de la République à Lyon[8] et s'impose rapidement par son talent, mélange de bon goût et d'audace. En 1910, après son divorce d'avec l'homme d'affaires, Édouard Rasimi[9], elle se tourne vers le théâtre peu recommandable du Pavillon Chinois à Paris et le transforme en mythique Ba-Ta-Clan où elle lance la formule des revues à grands spectacles en y apportant l'art de la costumière[10],[11]. Associée de la maison de couture Souplet et Rasimi, elle travaille avec les peintres et créateurs les plus marquants de son temps tels que Nathalie Gontcharova, Gran, Michel Larionov, Erté, Jean Marais, Freddy Wittop(en), Picabia, J. Renée Souef, Peynet[12], Georges Kugel Benda[13], entre autres.
En 1910, elle inaugure le nouveau Ba-Ta-Clan avec la revue, C'est ça ! de Félix Celval et Charley, avec 450 costumes[14] et l'opéretteLe Lieutenant Cupidon, de Celval et Charley, musique d'André Mauprey[15],[16],[17].
En 1922, en juin elle monte quatre revues de Roger Ferréol et José de Berys, au Teatro Ópera de Buenos-Aires[24],[25],[26] et donne les mêmes revues successivement à Montévidéo et au Theatro Lyrico Fluminense(en) de Rio de Janeiro : Paris Chic (6-14 août) ; Pour Vous Plaire (15-21 août) ; V'la Paris (22-29 août) ; et Au Revoir (30 août–3 septembre). Madame Rasimi a engagé le groupe Oito Batutas(en) pour jouer dans V'la Paris. Le Bœuf sur le toit est inclus dans Paris Chic. La presse brésilienne n'apprécie pas cette production du Bœuf, comme si la présence de la musique brésilienne transformerai automatiquement le bar américain de l'époque de la prohibition, conçu par Cocteau, en un Botequim(en) brésilien de bas étage, ternissant l'image du Brésil[27], Madame Rasimi répond que Ba-Ta-Clan n'a jamais offensé ou ridiculisé le Brésil dans aucune de ses revues, que la pantomime ultramoderne Le Bœuf sur le toit parodie la loi d'interdiction américaine, et que ce sketch, déjà monté à New York, n'est pas offensant aux États-Unis non plus[28], mais il faut couper le sketch de Cocteau pour la représentation à Bahia. La tournée est un succès[29],[30],[31].
Linda Thelma(es), surnommée La Reine de la chanson créole, se produit au théâtre de Buenos Aires où elle porte sur scène un costume d'homme. Madame Rasimi l'emmène à Paris pour chanter des tangos au Moulin Rouge où elle triomphe et ses succès se poursuivent à Buenos Aires.
En 1924, elle monte à LondresLa Danse des Libellules opérette de Franz Lehár, adaptée par Roger Ferréol et Max Eddy, avant de la donnée à Paris au Bataclan, le 15 mars, avec Maria Kouznetsova, Marthe Ferrare et Marie Dubas[37]. Elle organise une tournée des capitales européennes[38].
En 1926, la tournée latino-américaine est un échec commercial, en proie à des insurrections locales et à d'autres obstacles imprévus. Madame Rasimi est contrainte d'abandonner son théâtre à Paris[4], qui est ensuite transformé en salle de cinéma en 1926 .
À partir de 1929, elle se consacre à la direction d'un immense atelier de costumes de théâtre boulevard Richard-Lenoir dénommé Les Costumes de Madame B. Rasimi, les bureaux sont 52 boulevard Voltaire et le magasin de costumes, 13 passage Saint-Pierre-Amelot[48] et qui habille toutes les revues parisiennes, et dont elle s'occupe jusqu'en 1953[7].
En 1948, elle part pour présenter deux revues inédites à Mexico et à La Havane[49] et en 1953, elle prépare le spectacle du théâtre Virginia Fábregas à Mexico[50].
Influences
Madame Rasimi apporta dans la revue à grand spectacle l'art de la costumière, et si les résultats financiers n'ont pas toujours couronné ses efforts, elle porta au maximum le prestige des finals de revue bien choisis, et l'harmonie des coloris[51].
Elle enseignait, l'utilisation des ensembles et un certain bon goût dans la présentation. Des bataillons de filles authentiques qu'elle a fait venir, formées dans des écoles de corps de ballet traditionnelle, sont nées Les Filles de Buenos Aires, danseuses qui ont brûlé toutes les étapes du métier. Elles étaient présentés enveloppés de plumes, de strass, de sequins, ou de sous-vêtements minuscules et provocants. Les vêtements provocateurs insinuaient un mystérieux fétichisme dans le public[note 2], qui les préférait à la nudité totale à laquelle le cabaret les accoutumait[52].
Sa grande improvisation au Brésil a fait sensation car elle a conduit à une importante rénovation du modèle structurel du légendaire théâtre argentin, avec l'alternance de numéros musicaux humoristiques et de sketchs chorégraphiques qui le rapprochaient du music-hall , c'est-à-dire de fantaisie, anti-naturaliste, de métamorphose permanente et d'éblouissement visuel. Cela constituait quelque chose comme un sacrilège dans le théâtre de Roberto Cano .
Vie privée
Elle épouse dans les dernières années du XIXe siècle, le propriétaire du casino de Lyon, Édouard Rasimi[53], dont elle utilise, même après leur divorce, le nom comme nom de scène. Elle collabore également avec lui au développement et aux affaires dudit casino, jusqu'à ce qu'il devienne le premier théâtre frivole de France. Lorsqu'ils se séparent, elle se rend à Paris où elle développe son importante carrière.
Ils ont deux fils[9], Antoine[54] et Gabriel Rasimi qui épouse Missia en 1924[55].
↑ a et bAnaïs Fléchet, « Si tu vas à Rio... »: La musique populaire brésilienne en France au XXe siècle, Armand Colin, (ISBN978-2-200-28448-0, lire en ligne)
Mistinguett, Toute ma vie, Julliard, (lire en ligne).
Élizabeth Coquart et Philippe Huet, Mistinguett: La reine des Années folles, FeniXX réédition numérique, (ISBN978-2-402-28265-9, lire en ligne)
(en) Lisa Shaw, Tropical Travels: Brazilian Popular Performance, Transnational Encounters, and the Construction of Race, University of Texas Press, (ISBN978-1-4773-1279-7, lire en ligne).