Elle est votée pour faire face à la multiplication de la récidive. En effet, les chiffres ne cessent de croître depuis près d'un siècle. Cette constatation est rendue possible par un meilleur procédé d'enregistrement des statistiques, et offre un constat, celui de l'échec des prisons dans la réinsertion[2]. On sait alors qu'en 1879, un prisonnier sur deux récidive[3]. De plus, depuis l'étatisation de l'appareil répressif, l'amélioration du maillage policier et judiciaire du territoire, les chiffres de la répression judiciaire augmentent. S'ajoute à cela, la création du casier judiciaire qui permet de différencier les repris de justice[4].
Enfin, selon les pénalistes et les criminologues, cette situation est due à la multiplication des courtes peines de prison. Ainsi, en 1878, sur 15 163 prévenus en état de récidive légale, 10 270 ont été condamnés à moins d’un an de prison. En dernier lieu, rien ne semble pouvoir enrayer l’ascension continue de la récidive.
Les récidivistes de crime, notamment ceux condamnés au bagne, mais aussi les récidivistes de délits sont, selon un barème, jugés incapables de s’amender, et relégués dans les colonies où ils sont assignés à résidence. On espère, outre débarrasser le sol français de ces indésirables, qu’ils contribueront au peuplement des colonies, sur le modèle des convicts d’Australie[5].
Constat d'échec
Dès le début, cette loi est fortement critiquée. Clemenceau la dénonce et affirme qu'elle ne résout pas le problème de récidive mais le déplace. Au niveau répressif, elle est un échec puisque le nombre de récidivistes ne diminue pas. En 1885, les condamnés en récidive par les cours d’assises étaient 1648, en 1893 ils sont 1638.
S'ajoute à cela le fait que les juges préfèrent appliquer les lois Bérenger sur la libération conditionnelle et le sursis, plutôt que celle de la relégation[3]. Ainsi pour l’année 1891, seulement 965 condamnations à la relégation sont prononcées, sur un total de 143 628 condamnations à des peines privatives de liberté.
De plus, cette loi qui se voulait également colonisatrice ne parvient pas à l'être. Les récidivistes relégués souffrent trop du climat.
En 1925, la publication d'un reportage d'Albert Londres sur le bagne de Guyane rend l'opinion publique ainsi que l'opposition plus dubitatives encore. La relégation est de moins en moins appréciée[6]. En 1936, les convois de forçats en direction de la Guyane sont suspendus par le Front populaire. En 1938, sous la pression de Gaston Monnerville, la relégation outre-mer est suspendue. Elle s’effectue alors uniquement en centrale sur le sol de la métropole. Mais cette disposition crée des difficultés dans les milieux carcéraux, et la relégation est réactivée.
↑Olivier Le Cour Grandmaison, La République impériale. Politique et racisme d'état : Politique et racisme d'Etat, Fayard, , p. 27
↑Renneville M., La médecine du crime. Essai sur l’émergence d’un regard médical sur la criminalité en France (1785-1885). 2 tomes, thèse de doctorat, Paris, 1996.