Cette liste d'énoncés indécidables dans ZFC est formée d'affirmations dont il est démontré qu'elles sont indépendantes de la théorie des ensembles ZFC (la théorie prise comme fondement des mathématiques contemporaines, formée des axiomes de Zermelo–Fraenkel auxquels on adjoint l'axiome du choix), c'est-à-dire que cette théorie (en supposant qu'elle soit consistante) ne peut ni les démontrer, ni démontrer leur négation.
Indécidabilité et théorie de la démonstration
Sans paradoxe, on peut démontrer rigoureusement (en utilisant la logique usuelle)[1] qu'un énoncé formulable dans une théorie T est indécidable dans T, c'est-à-dire que cet énoncé n'est pas démontrable dans T et que sa négation n'est pas non plus démontrable dans T ; en 1931, Kurt Gödel a démontré l’existence de tels énoncés (qu’il a construit explicitement) dans toute théorie capable de formaliser l’arithmétique ; ce fut l’un des premiers résultats négatifs importants de la riche théorie de la démonstration.
On a longtemps pensé que seuls des énoncés très artificiels, tels ceux construits par Gödel, étaient indécidables, et que des énoncés naturels, conformes à la pratique usuelle des mathématiciens, seraient tôt ou tard démontrés ou réfutés ; c'est la célèbre profession de foi de David Hilbert : « Il n'y a pas d'ignorabimus en mathématiques ; nous devons savoir ; nous saurons. »[2].
Pourtant, dès 1938, Gödel avait amorcé la preuve de l'indécidabilité de l'hypothèse du continu (achevée en 1963 par Paul Cohen) ; par la suite, de nombreux énoncés venus de toutes les branches des mathématiques se sont avérés indécidables, et en particulier on a pu montrer qu'il était possible de modéliser des machines de Turing par des constructions mathématiques très variées (automates cellulaires, suites de fractions, polynômes, etc.), rendant équivalent au problème de l'arrêt (ou à ses variantes) des énoncés d'allure innocente, et qui sont pourtant indécidables pour cette raison. Il est d'ailleurs très vraisemblable que la quasi-totalité des énoncés mathématiques, c'est-à-dire ceux formalisables dans un langage rigoureux (le plus souvent celui de la théorie ZFC) soient indécidables[3].
Néanmoins, prouver l'indécidabilité d'un énoncé spécifique, non construit spécialement pour cela, est difficile et rare ; cette liste expose des énoncés jugés importants par les mathématiciens et pour lesquels une telle preuve a pu être obtenue.
Les affirmations suivantes sont indépendantes de ZFC ; il faut y ajouter les démonstrations de Gödel et Cohen de ce que l'axiome du choix, et même d'autres axiomes plus faibles, comme l’axiome du choix dénombrable , sont indépendants des axiomes de ZF.
un résultat associé : si X a moins d'éléments que Y, X a également moins de sous-ensembles que Y (plus rigoureusement, ) ; c'est une conséquence facile de GCH, mais on peut construire (par forcing) des modèles de ZFC où [4] ;
Les affirmations concernant l'existence d'un grand cardinal sont indépendantes de ZFC, car un tel cardinal est un modèle de ZFC, ce qui impliquerait une démonstration de la consistance de ZFC, impossible d'après le second théorème d'incomplétude. C'est en particulier le cas de :
Un sous-ensemble X de est fortement de mesure nulle(en) si pour toute suite (εn) de réels positifs il existe une suite d'intervalles (In) recouvrant X et telle que In soit de longueur au plus εn. Borel a conjecturé que tout ensemble fortement de mesure nulle est dénombrable, mais ce résultat est indépendant de ZFC.
Un sous-ensemble X de est -dense si tout intervalle ouvert contient éléments de X. L'affirmation selon laquelle tous les ensembles -denses sont isomorphes (pour l'ordre) est indépendante de ZFC[6].
Théorie des ordres
Le problème de Souslin demande si une certaine courte liste de propriétés caractérise en tant qu'ensemble ordonné ; ce résultat est indépendant de ZFC [7]. Une droite de Souslin est un ensemble ordonné satisfaisant ces propriétés mais non isomorphe à ; le principe du losange(en) ◊ montre l'existence de droites de Souslin, tandis que MA + ¬CH entraîne que tout arbre d'Aronszajn est spécial[8] , ce qui entraîne à son tour[9] qu'il n'existe pas de droites de Souslin.
L'existence d'une partition de l'ordinal en deux couleurs ne contenant aucun sous-ensemble monochromatique non dénombrable et séquentiellement fermé est indépendante de ZFC, de ZFC + CH et de ZFC + ¬CH, sous l'hypothèse de l'existence d'un cardinal Mahlo(en)[10],[11],[12].
En 1973, Saharon Shelah montra que le problème de Whitehead(en) (« tout groupe abélienA tel que Ext1(A, Z) = 0 est-il libre ? ») est indépendant de ZFC[13]. Un groupe abélien tel que Ext1(A, Z) = 0 est appelé un groupe de Whitehead ; MA + ¬CH implique l'existence d'un groupe de Whitehead non libre, tandis que V = L montre que tous les groupes de Whitehead sont libres ; dans l'une des premières applications du forcing, Shelah a construit un modèle de ZFC + CH dans lequel il y a un groupe de Whitehead non libre[14],[15].
Le théorème de Matiiassevitch implique qu'on peut construire un polynôme explicite p ∈ Z[x1, ..., x9] tel que l'assertion « il existe des entiers m1, ..., m9 tels que p(m1, ..., m9) = 0 » soit indécidable dans ZFC (et en fait, cette assertion est équivalente à Consis (ZFC))[17].
Une version plus forte du théorème de Fubini pour les fonctions positives, ne demandant pas que la fonction soit mesurable, mais seulement que les deux intégrales itérées soient définies (et aient une valeur finie), est indépendante de ZFC : d'une part, si l'hypothèse du continu est vraie, le théorème est faux (dans le carré unité) pour la fonction indicatrice d'un bon ordre sur [0, 1] d'ordinal ω1, d'autre part, Friedman a démontré que le théorème était consistant avec ZFC[18] ; c'est d'ailleurs une conséquence d'une variante de l'axiome de symétrie de Freiling(en)[19].
Ilijas Farah[22], N. Christopher Phillips et Nik Weaver[23] ont montré que l'existence d'automorphismes extérieurs de l'algèbre de Calkin était indépendante de ZFC.
↑Techniquement, il s'agit de démontrer qu'aucun enchaînement logique partant des axiomes de T ne conduit à P ni à non P ; Gödel a montré comment coder ces enchaînements par des suites d'entiers ; une démonstration d'indécidabilité devient alors une démonstration d'un résultat d'arithmétique.
↑(en) Baumgartner, J., All -dense sets of reals can be isomorphic, Fund. Math. 79, pp.101 – 106, 1973.
↑(en) Robert Solovay et Stanley Tennenbaum, « Iterated Cohen extensions and Souslin's problem », Annals of Mathematics, vol. 94, no 2, , p. 201–245 (DOI10.2307/1970860, JSTOR1970860)
↑(en) Baumgartner, J., J. Malitz, et W. Reiehart, Embedding trees in the rationals, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A., 67, pp. 1746 – 1753, 1970