Les liaisons banane sont des liaisons chimiques particulières dans lesquelles l'état d'hybridation ordinaire de deux atomes établissant une liaison est modifié par accroissement ou réduction de la composante de l'orbitale atomiques pour s'accommoder d'une géométrie contrainte[3],[4],[5],[6]. De telles liaisons se rencontrent dans des composés tels que le cyclopropane C3H6, l'oxyde d'éthylène C2H4O et l'aziridine C2H4NH.
Les atomes de carbone de ces composés ne peuvent respecter l'angle de liaison de 109,5° de l'hybridation sp3 standard. Accroître leur composante p jusqu'à une hybridation sp5 — c'est-à-dire 1⁄6s et 5⁄6p[7] — permet d'atteindre un angle de liaison de 60°. Les liaisons C–H acquièrent par conséquent un caractère s plus prononcé qui les raccourcit. Dans le cyclopropane, la densité électronique la plus élevée ne se trouve pas le long de l'axe internucléaire, d'où le terme de liaison banane rendant compte de cette géométrie arquée, avec un angle interorbital de 104°. Les liaisons C–C du cyclopropane sont plus courtes que celle du propane : 151pm contre 153pm[8].
Le cyclobutane C4H8 a un cycle plus grand mais ses liaisons sont également contraintes. Dans cette molécule, les angles de liaison du carbone sont de 90° pour la configuration plane et 88° pour la configuration gauche. Contrairement à ce qu'on observe pour le cyclopropane, les liaisons C–C du cyclobutane sont plus longues que celles du butane C4H10, essentiellement par effet stérique 1,3 entre les atomes de carbone non liés. Le cyclobutane est chimiquement relativement inerte, avec une réactivité comparable à celle des alcanes ordinaires.
Doubles et triples liaisons
Dans les années 1930, deux explications différentes ont été proposées pour rendre compte de la nature des doubles et triples liaisons dans les moléculesorganiques. Linus Pauling considérait que les doubles liaisons résultaient de deux orbitalestétraédriques équivalentes de chaque atome de carbone[9], ce qui fut plus tard appelé liaisons banane ou liaisons tau[10]. Erich Hückel considérait quant à lui qu'une double liaison est une combinaison d'une liaison σ et d'une liaison π[11],[12],[13]. La représentation de Hückel est la plus connue et c'est celle qu'on trouve dans la plupart des manuels depuis la fin du XXe siècle.
Les deux modèles représentent la même densité électronique totale, les orbitales étant liées par transformation unitaire. Il est possible de construire les deux orbitales h et h’ équivalentes d'une liaison banane à l'aide des combinaisons linéairesh = c1σ + c2π et h’ = c1σ – c2π avec les coefficients c1 et c2 appropriés.
Ces deux descriptions sont aujourd'hui considérées comme équivalentes en l'état actuel de nos connaissances[5],[14].
↑ a et b(en) Kenneth B. Wiberg, « Bent Bonds in Organic Compounds », Accounts of Chemical Research, vol. 29, no 5, , p. 229-234 (DOI10.1021/ar950207a, lire en ligne)
↑(en) F. A. Carey et R. J. Sundberg, Advanced Organic Chemistry, 1985. (ISBN0-306-41198-9)
↑(en) Armin de Meijere, « Bonding Properties of Cyclopropane and Their Chemical Consequences », Angewandte Chemie International Edition, vol. 18, no 11, , p. 809-826 (DOI10.1002/anie.197908093, lire en ligne)
↑(en) Frank H. Allen, Olga Kennard, David G. Watson, Lee Brammer, A. Guy Orpen et Robin Taylor, « Tables of bond lengths determined by X-ray and neutron diffraction. Part 1. Bond lengths in organic compounds », Journal of the Chemical Society, Perkin Transactions 2, vol. 1987, no 2, , S1-S19 (DOI10.1039/P298700000S1, lire en ligne)
↑(en) Linus Pauling, « The nature of the chemical bond. Application of results obtained from the quantum mechanics and from a theory of paramagnetic susceptibility to the structure of molecules », Journal of the American Chemical Society, vol. 53, no 4, , p. 1367-1400 (DOI10.1021/ja01355a027, lire en ligne)
↑(en) William George Penney, « The theory of the stability of the benzene ring and related compounds », Proceedings of the Royal Society A, vol. 146, no 856, , p. 223-238 (DOI10.1098/rspa.1934.0151, lire en ligne)
↑(en) Ian Fleming, Molecular Orbitals and Organic Chemical Reactions, Ref. ed., Wiley, 2010, p. 61. (ISBN978-0-470-74658-5)