Lemme de Yoneda

En théorie des catégories, le lemme de Yoneda, attribué au mathématicien japonais Nobuo Yoneda, est un théorème de plongement d'une catégorie localement petite[1] dans une catégorie de foncteurs : les objets de sont identifiés aux foncteurs représentables, et les morphismes de à toutes les transformations naturelles entre ces foncteurs. C'est une vaste généralisation du théorème de Cayley pour les groupes (vus comme des petites catégories à un seul objet)[2]. Une des conséquences du lemme de Yoneda est le théorème des modèles acycliques (en), qui a de nombreuses utilisations en homologie et en géométrie algébrique.

Le lemme de Yoneda exprime le fait que deux objets et sont isomorphes si (et seulement si) ils ont les mêmes relations (i.e. les mêmes ensembles de morphismes) avec tous les autres objets de la catégorie.

Lemme de Yoneda

Soit une catégorie localement petite, c'est-à-dire dans laquelle, pour tous objets A et X, les morphismes de A dans X forment un ensemble et pas seulement une classe.

  • Un objet A de définit un foncteur Hom covariant hA de dans la catégorie Ens des ensembles par :
    De la sorte, on dispose d'un foncteur contravariant h de dans la catégorie Fun(, Ens) des foncteurs covariants de dans Ens. Tout morphisme de A dans B dans la catégorie induit une transformation naturelle de hB dans hA. Le lemme de Yoneda affirme que toute transformation naturelle de hB dans hA est de cette forme ; mieux, il caractérise l'ensemble des transformations naturelles de hA dans n'importe quel foncteur de dans Ens.
    Le lemme de Yoneda montre que le foncteur contravariant h est pleinement fidèle ; la catégorie duale op se trouve ainsi plongée dans Fun(, Ens).
  • En remplaçant par op, on en déduit une version similaire, concernant le foncteur covariant h : AhA = Hom(–, A), de dans la catégorie de préfaisceaux Fun(op, Ens), c'est-à-dire la catégorie des foncteurs contravariants de dans Ens. Ce foncteur h, appelé le plongement de Yoneda, plonge canoniquement dans la catégorie Fun(op, Ens), qui a l'intérêt d'être cocomplète, c'est-à-dire de posséder toutes les petites colimites. Il s'agit de la « cocomplétion universelle » de .

Dans la suite, il ne sera question que de la première version.

Énoncé

Lemme de Yoneda — Pour tout objet de , toute transformation naturelle de sur un foncteur est uniquement déterminée par l'élément de défini comme l'image de par . Plus précisément, on dispose d'une bijection :

En particulier, pour tous objets et de , on a :

Preuve

Injectivité

Avec les notations ci-dessus, considérons une transformation naturelle de hA sur T. Pour tout élément dans , on a :

En appliquant à cette identité l'application ensembliste , on obtient :

où la seconde égalité vient de la définition d'une transformation naturelle. L'élément est donc l'image de par . De fait, en faisant varier f, on montre que est uniquement déterminé par . L'application énoncée est injective.

Surjectivité

Soit un élément v de T(A). La preuve de l'injectivité permet de deviner un antécédent de v (forcément unique). Pour tout objet B de C, définissons :

Vérifions que est bien une transformation naturelle. Pour toute flèche g : BC et pour tout élément f de hA(B), on est en mesure d'écrire :

Or, la composée g.f peut être regardée comme l'image de f par hA(g). Donc, l'identité obtenue se réécrit :

En faisant varier f :

Cela étant vérifié pour toute flèche g, est bien une transformation naturelle de hA sur T et son image est presque par définition v (on l'a défini pour).

Notes et références

  1. (en) Roy L. Crole, Categories for Types, CUP, , 335 p. (ISBN 978-0-521-45701-9, lire en ligne), p. 63-64.
  2. Crole 1993, p. 66.

Article connexe

Théorème de représentabilité de Brown (en)