Ce film forme un triptyque avec deux autres réalisations de Denys Arcand : Les Invasions barbares en 2003, soit 17 ans plus tard et avec la participation des principaux acteurs du Déclin…, puis L'Âge des ténèbres en 2007.
Synopsis
En automne, dans la région de Montréal, quatre hommes et quatre femmes, universitaires pour la plupart, se préparent à passer leur weekend dans la maison de campagne du couple Louise et Rémy. Pendant que les hommes préparent le repas à la maison, les femmes pratiquent leurs exercices dans le gigantesque centre sportif universitaire. Durant les heures qui précèdent leurs retrouvailles, ils discourent sur leur vie, notamment sur leurs mœurs sexuelles. Les mêmes événements, relatés par les hommes et par les femmes, diffèrent parfois au point qu'on ne sait pas où se trouve la vérité.
Les discussions des huit personnages, entamées dès leurs retrouvailles, se poursuivent au cours de leur repas et jusqu'au petit matin, apportant leurs lots de réflexions, découvertes et révélations qui ébranleront la vie de certains d'entre eux.
Télérama[6] : « L'audace du film, c'est d'avoir tout misé sur le dialogue : en écho d'abord (côté hommes contre côté femmes), puis croisé (tous ensemble). Parfois, on est agacé par les facilités de langage qui cherchent à choquer ou à faire rire trop facilement. Le plus souvent, on est saisi de vertige par le flot de ces conversations-confidences qui ne peuvent que nous toucher, nous rappeler nos propres expériences. Film brillant, comique et sociologique, Le Déclin de l'empire américain est aussi, à sa façon — à travers une série de petites histoires —, une réflexion sur l'Histoire (références à la chute de l'Empire romain). Comme l'indique son titre, c'est un film sur la fin d'un monde, le nôtre, qui, à force de courir après le bonheur, court à sa perte. »
Le Devoir[7] : « Le Déclin de l'empire américain : la démission tranquille ». Le philosophe Réjean Bergeron est interviewé par le journaliste André Lavoie en août 2023 : « André Lavoie : — Quels souvenirs gardez-vous de votre premier visionnement du Déclin de l'empire américain ? Réjean Bergeron : — Je l'ai vu dès les toutes premières semaines de sa sortie, au moment où je terminais ma maîtrise en philosophie. Évidemment, je l'avais adoré, autant pour l'humour noir que pour le portrait décapant de la société et une sorte de cynisme imprégné de joie. En revoyant le film aujourd'hui, après avoir lu le scénario en prévision de notre rencontre et avoir longtemps côtoyé des intellectuels, certains personnages m'ont beaucoup frappé. Rémy (Rémy Girard) est toujours aussi « mononcle ». On en trouve encore de nos jours, mais ils sentent qu'ils ne peuvent plus s'exprimer aussi facilement, tandis que Pierre (Pierre Curzi) m'apparaît comme l'incarnation du défaitisme et de la démission tranquille. Mais c'est le personnage de Dominique (Dominique Michel) qui m'a le plus frappé : le porte-parole d'Arcand dans le film, c'est elle ! Elle porte la question du bonheur individuel liée à celle du déclin des civilisations, les deux fils conducteurs du récit. Comme Arcand, elle représente quelqu'un avec une vie intellectuelle active, mais aussi un regard cynique. Je me suis d'ailleurs identifié à elle en ce qui concerne la sortie de son livre Variances de l'idée du bonheur : je n'ai jamais eu de discussions avec mes collègues lorsque je publiais des ouvrages ou écrivais des lettres d'opinion dans les journaux. Était-ce de la jalousie ou trouvaient-ils cela trop léger ? D'une fois à l'autre, c'était tout simplement silence radio. A.L. : — Diriez-vous du Déclin… qu'il représente une illustration de la place du mensonge dans nos rapports interpersonnels ? R.B. : — Dans ce film, le mensonge est un thème fabuleux. En 1925, le dramaturge et critique littéraire français Étienne Rey écrivait dans son Éloge du mensonge des réflexions comme : « Le mensonge est l'auxiliaire de la civilisation », « Sans le pouvoir de mentir aux autres et de se mentir à soi-même, la vie serait d'une misérable platitude » et « Le mensonge tue l'amour, a-t-on dit. Eh bien, la franchise, donc ! ». Sans le savoir, le personnage de Rémy se présente comme un disciple d'Étienne Rey quand il affirme que « le mensonge est la base de la vie amoureuse comme c'est le ciment de la vie sociale ». Par contre, s'il avait vraiment lu Étienne Rey, Rémy aurait évité quelques soucis, car l'auteur affirme également ceci : « Il faut en tout de la mesure, mon amour ; il en faut même dans le mensonge. » Deux personnages détonent dans cette galerie : Mario (Gabriel Arcand), l'impromptu prolétaire à la veste de cuir, et Alain (Daniel Brière), l'étudiant en histoire plein de naïveté. Ils parlent peu, mais disent des choses vraies, et parfois très crues ! Sans surprise, cela les place dans une position de rejet, ou d'inconfort. La position d'Alain au milieu de cette bande d'intellectuels est intéressante. Malheureusement pour lui, il n'a pas encore assimilé certaines règles, certains codes, pour faire partie du groupe, dont celui qui consiste à ne pas révéler le contenu des discussions des hommes entre eux. À deux reprises, il révèle devant les femmes des choses que les hommes ont racontées dans l'après-midi, d'abord sur un collègue africain que Rémy a aidé à trouver une prostituée, puis la mention de Susan Sontag lorsque Dominique cherche le nom d'une grande intellectuelle avec qui Rémy voudrait coucher. C'est d'autant plus frappant que, dans Le Déclin…, on ne sait jamais, ou rarement, qui dit la vérité. Souvent, une même expérience vécue par un personnage peut être racontée différemment par un autre, par exemple lorsqu'il est question de l'échange de couples dans le sous-sol d'un bungalow avec Louise (Dorothée Berryman) et Rémy. Au final, le film cogne constamment sur deux clous : la place du mensonge dans notre société et la quête du bonheur individuel, avec tout ce qui en découle. A.L. : — On accole souvent le qualificatif « cynique » au discours et aux films de Denys Arcand, mais ne devrait-on pas plutôt parler de désillusion ? R.B. : — On peut parler aussi de perte de confiance, de désespoir… Les baby-boomers du Déclin… et ceux que décrit François Ricard dans son essai La Génération lyrique[8] l'ont eu facile : ce ne sont pas eux qui ont fait la Révolution tranquille, mais ils ont profité des fruits qui leur sont tombés dans les mains, sans grandes batailles à livrer. La révolution sexuelle fut une partie de plaisir. Or, lorsque cette liberté est poussée à l'extrême, que l'on rejette le passé, ce cynisme conduit au relativisme, puis au nihilisme. Quand on a tout rejeté et voulu tout recommencer, on se rend compte que ça tourne à vide ».
Ce film québécois, vendu dans 27 pays, a obtenu un important succès commercial sur la scène internationale.
Denys Arcand[10] : « J'ai fait ce film dans des conditions de liberté assez exceptionnelles. Roger Frappier m'avait demandé de lui écrire un scénario modeste et intimiste, et après bien des tâtonnements, j'ai commencé à griffonner quelques petites scènes de la vie quotidienne à Montréal en 1985. Des conversations entendues ici ou là, ou encore auxquelles j'avais participé, des scènes que j'avais vécues ou qui m'avaient été racontées par des amis. […] Ce film est donc très proche de moi, de ma vie et de celles de mes amis. C'est pourquoi il met en scène des intellectuels, au lieu des habituels policiers, bandits ou mannequins qui remplissent généralement les écrans. […] J'ai donc décidé de me faire plaisir et de fabriquer un film qui irait contre toutes les lois communément admises de l'art cinématographique : peu d'action, beaucoup de dialogues, beaucoup de références très personnelles. Or il se trouve que ce film a eu du succès. […] Comme quoi on ne sait jamais ce qu'on fait. Moi, en tout cas, je ne le savais pas. Je fais pour le mieux, comme on dit. »
Le thème du Sida est abordé dans une scène où les hommes dissertent sur les infections sexuellement transmissibles, mais dans les discussions, ce virus est traité comme s'il n'était transmis qu'entre homosexuels, ce qui, en 1986, était une croyance collective au sein de la population.[réf. souhaitée]
L'année indiquée est celle de la cérémonie. Les films sont ceux qui sont proposés à la nomination par le Canada ; tous ne figurent pas dans la liste finale des films nommés.