Le tableau, peint sur un panneau de bois de peuplier d'un seul tenant, a une hauteur de 2,09 m et une largeur de 2,06 m[1].
La scène illustre le thème du Couronnement de la Vierge, très commun au XIIIe siècle et diffusé par La Légende dorée de Jacques de Voragine. Marie est à genoux devant son Fils qui la couronne Reine des cieux. Neuf marches en marbre polychrome conduisent au trône, sur lequel siège le Christ, situé sous un ciborium. Autour d'eux, plusieurs figures sont regroupées. On y reconnaît Louis IX avec sa couronne fleurdelisée, Nicolas de Myre, la tête coiffée d'une mitre et recouvert d'une chape brodée, Marie Madeleine vêtue de rouge, les cheveux défaits et tenant un vase à parfum, Catherine d'Alexandrie avec la roue de son martyre et sainte Agnès serrant un agneau dans ses bras. Des musiciens et des apôtres et évangélistes, dont le nom est inscrit sur l'auréole, entourent également la scène.
La composition suit un plan pyramidal entre le trône céleste à la pointe et les saints agenouillés de chaque côté de la base. Un soin est apporté à la position des personnages pour qu'ils soient tous visibles. Le plancher pavé de tuiles est peint selon les règles de la perspective avec des lignes de fuite soulignées par le vase de Marie-Madeleine. Le même souci de perspective se retrouve dans les scènes de la prédelle.
Selon la description faite par Huysmans[2], les personnages sont les suivants[3] :
«
À gauche, — au bas du trône, sous le dais de style gothique, prient agenouillés : l’évêque saint Nicolas de Myre, mitré et étreignant sa crosse à la hampe de laquelle pend, comme un drapeau replié, le manipule ; le roi saint Louis, à la couronne fleurdelysée ; les moines saint Antoine, saint Benoît, saint François, saint Thomas qui montre un livre ouvert sur lequel sont écrits les premiers versets du Te Deum ; saint Dominique un lys à la main, saint Augustin une plume ; puis, en remontant, les apôtres saint Marc, saint Jean, portant leurs évangiles ; saint Barthélemy exhibant le coutelas qui servit à l’écorcher ; saint Pierre, saint André, saint Jean-Baptiste ; puis, en remontant encore, le patriarche Moïse ; — enfin, la théorie pressée des Anges, se découpant sur l’azur du firmament, les têtes ceintes d’une auréole d’or.
Saint Dominique et ses Compagnons nourris par des anges.
La Mort de saint Dominique.
Historique
Le retable a peut-être été commandé pour un des autels du couvent San Domenico de Fiesole, près de Florence, où Fra Angelico s'est retiré vers 1420. Il aurait été financé par la famille des Gaddi. Il était en place avant 1435, date de la consécration de l'église[1]. Vasari indique ainsi que « Fra Giovanni se surpassa lui-même, et déploya tout son talent dans un tableau placé à gauche de la porte de la même église et représentant la Vierge couronnée par Jésus-Christ, et environnée d’une foule innombrable d’anges, de saints et de saintes » ; il en tire même le surnom du peintre : « on croit voir l’œuvre, non d’un homme, mais d’un ange : aussi notre bon religieux fut-il toujours bien justement appelé Fra Giovanni Angelico »[4].
John Pope-Hennessy estime toutefois que le tableau est beaucoup plus tardif, le système de projection utilisé avec un point de vue très bas pour le plancher au premier plan n'étant apparu à Florence que dans les années 1440. Il rapproche également la représentation des anges de ceux peints par Fra Angelico sur la voûte de la chapelle San Brizio à Orvieto[5].
La forme particulière de la partie supérieure du tableau est d'origine. Il est possible toutefois qu'il manque certains éléments du retable[1].
L'atelier de Fra Angelico serait intervenu en particulier dans la partie droite du tableau (roue de sainte Catherine, tête inclinée au premier à droite, diacres dénués d'expression au sommet) ainsi que dans la prédelle[6].
L'œuvre et sa prédelle ont été prélevées par Denon à Florence en 1811 et sont entrées au Louvre en 1812[1],[7]. Elles ne furent pas réclamées par les commissaires florentins en 1815[7]. L'ensemble est actuellement exposé dans la salle 709, ou salle des Sept Mètres, du pavillon Denon[8].
Analyse
L'étagement des plans, la perspective montante du pavement polychrome confirment la pleine adhésion de Fra Angelico aux innovations de la Renaissance[7].
La prédelle est parfois attribuée aux élèves de l'artiste[7].
Dans le retable des Offices, le Christ et la Vierge, suspendus dans le ciel, reçoivent leur force de la série des saints qui diminuent progressivement jusqu'à atteindre les anges, mais leur taille est plus petite que celle des personnages situés au premier plan. Dans celui du Louvre, Fra Angelico place la scène dans un espace réel ; le point de vue abaissé, au niveau des saints agenouillés sur un sol plat, permet de mettre en valeur le Christ et la Vierge placés au sommet d'un escalier[9].
Jeannerod Aude, « Le genre de la critique d'art chez J.-K. Huysmans : fiction ou non-fiction ? », Revue d'histoire littéraire de la France, vol. 111, no 2, , p. 341-356 (lire en ligne).