Il passe son enfance à Kinshasa au sein d'une famille qui, à cause du nom « Lumumba », est harcelée par les militaires de Mobutu et les miliciens de Laurent-Désiré Kabila (pillage des maisons familiales notamment), et est la cible de descentes de police[3].
En 2012, Jean-Jacques Lumumba se met à travailler en tant que cadre au sein de BGFIBank RDC, filiale congolaise du groupe bancaire gabonais BGFIBank. En 2016, à tout juste 30 ans, il est promu directeur des engagements[3].
Cette filiale est alors très liée à l'entourage du président Joseph Kabila : Francis Selemani Mtwale, son directeur, est un ami intime de Kabila (parfois considéré comme son « frère adoptif »[5]), et Gloria Mteyu, sœur cadette du président, en détient 40 % des parts. La banque héberge aussi les comptes de la Commission électorale nationale indépendante (CENI)[3].
Témoin de transactions douteuses sur les comptes de certains clients, notamment d'entreprises contrôlées par des proches du président Kabila (dont la société minière Gécamines[6]) et représentant plusieurs dizaines de millions de dollars, Jean-Jacques Lumumba se met à soupçonner des tentatives de blanchiment et de détournement de fonds. Il alerte alors le cabinet PwC, auditeur de la banque. En , il s'oppose également à un prêt ainsi qu'à des décaissements accordés par BGFIBank RDC à la CENI, cette opération étant illégale du fait de la mise à l'index de la CENI par la banque centrale congolaise, car elle n'avait pas pu payer tous ses fournisseurs. Il alerte alors sa hiérarchie, mais le directeur général de la banque et son adjoint forcent l'opération. Cette prise de position marque, selon lui, « le début de [ses] problèmes ». Il est alors l'objet de pressions de la part de la direction, affirmant avoir été plusieurs fois menacé, notamment avec une arme à feu, par Francis Selemani Mtwale, directeur général de la banque[3],[5]. Il se met alors en congé maladie, et part faire sa convalescence en Europe, où sa femme et ses enfants le rejoignent[3].
Lanceur d'alerte
Afin de se protéger, Jean-Jacques Lumumba décide de démissionner et de dévoiler les pratiques de son ancien employeur à la presse[3]. Il se rend alors auprès du journal belge Le Soir, auquel il remet les photocopies de plusieurs documents compromettants pour BGFIBank RDC, qu'il avait emportés avec lui[4]. Le , le quotidien belge publie un article intitulé « La corruption du régime Kabila vue de l’intérieur », qui fait connaître Jean-Jacques Lumumba aux yeux du public, et lui vaut d'être considéré comme un lanceur d'alerte[7]. Il dévoile également ses informations auprès de médias anglo-saxons[3]. Des mouvements citoyens congolais se mettent à appeler ses révélations les « Lumumba papers »[8].
Les détournements concernant la CENI sont particulièrement relevés, cette dernière ayant reçu 7,5 millions d’euros de prêts entre mai et , alors qu'elle se plaignait régulièrement de manquer de fonds pour assurer ses missions, ayant même dû reporter plusieurs fois l'élection présidentielle de 2016 faute de moyens pour recenser l'électorat, ce qui permit à Joseph Kabila de rester au pouvoir pendant 2 ans après l'expiration de son mandat[3],[4],[8].
En 2019, alors qu'il est réfugié en France avec sa famille, Jean-Jacques Lumumba décide d'assigner BGFIBank et sa filiale congolaise devant les juridictions françaises afin d'obtenir réparation de tous les préjudices qu'il dit avoir subis. Il dépose sa plainte aux côtés de celle de Guylain Luwere, un autre ancien employé ayant dénoncé les pratiques de la banque. Ils sont alors soutenus par la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF)[5]. En , il se voit remettre l'International anti-corruption excellence award - ACE Awards 2019 (prix international de lutte anti-corruption des Nations unies) à Kigali[2],[9],[10].
Pendant son exil en France, Jean-Jacques Lumumba co-fonde et devient le président d'« UNIS », réseau panafricain de lutte contre la corruption, impliqué notamment dans le secteur minier[10],[6]. En 2020, il participe également à la fondation du groupe d'activistes « Dynamique Congo 2060 », dont il devient le porte-parole[11],[12].
En , il met fin à son exil et revient à Kinshasa à l'occasion d'une conférence, afin de lutter contre la corruption et de défendre les lanceurs d'alerte[13],[14].