Autoproclamé « inventeur de l’art nul », il se définit comme « petit Maître liégeois de la seconde moitié du XXe siècle » et « artiste de la médiocrité, comme art d’attitude ». À travers son œuvre, il ne cesse de produire des « actions » branlantes, inintéressantes, vaguement humoristiques, généralement stupides mais toujours ancrées dans une critique radicale du système artistique.
Biographie
Jacques Lizène est né le 5 novembre 1946 à la clinique d'Ougrée[1]. En 1962, encouragé par son frère aîné, il entre à l'Académie des beaux-arts de Liège en obtenant, vu son jeune âge, une dérogation[2].
Artiste du non-sens, caustique, ironique et égotiste, portant sur la société un regard peu complaisant voire destructeur[3], Jacques Lizène adopte délibérément la posture de l'échec[4] et se définit dès 1964 comme « artiste sans talent »[1] ou encore comme « l'artiste de la médiocrité et de la sans importance, petit maître liégeois (sens péjoratif) de la seconde moitié du XXe siècle »[5].
Dès le milieu des années 1960, Lizène, considérant que le principe de création est plus intéressant que l’objet en lui-même[6], pose une réflexion sur l'idée même de la peinture et de ses limites, travaillant ou déstructurant les supports matériels d'un tableau, cadres, toiles et châssis[3]. Autoproclamé « inventeur de l'art nul»[7], il enchaîne dès lors les « actions » et son propre corps devient le support de la démarche : il le force à se plier dans les limites d'un cadre, se livre à la « sculpture interne » en décidant en 1970 de « subir volontairement [une] stérilisation par vasectomie »[3] — concrétisant son exigence d'improductivité voire de stérilité[4] — ou devient en 1977 son propre tube de couleur en peignant avec ses excréments[8], choisissant les aliments en fonction de la couleur espérée[9]. La même année, il compte au nombre des cofondateurs du cabaret-théâtre-galerie le Cirque Divers[10], en Roture à Liège[2].
Dans les années 1970, avec le concept de Lotissement et partage de cimaise, Lizène, réfractaire à toute appropriation marchande et refusant souvent d'exposer[4] — quand il ne détruit pas lui-même ses œuvres pour couper court à toute critique[6] —, propose une forme originale de curation en offrant ses propres cimaises à qui le veut, à l'insu des galeristes ou directeurs de musée qui l'invitent à exposer[11].
Artiste « de l'insuccès [et] du foirage »[12], il recourt également à d'autres supports comme la photographie, la vidéo et le son dans une suite d'actions destinées à ne pas laisser de trace, dans une contestation de la pérennité de l'œuvre d'art[3]. Comme « photographe non photographisant », il fait réaliser par d'autres ses idées parfois accompagnées de supports sonores[13]. En tant que peintre « non doué pour le chant et encore moins pour la musique », il se lance en 1970 comme « chanteur en dessous de tout », décrétant que « plus vous chantez mal, plus il vous faut chanter »[5]. Il participe ainsi en 1979 à l'émission Dérive animée sur la RTBF par Jacques Delcuvellerie, proposant ses Petites chansons médiocres pour cassettophone à placer dans les musées et les galeries d'art composées en 1971 puis, entre 1980 et 1982, à la séquence hebdomadaire Le Minable Music-Hall pour l'émission Radio Titanic, sur la même station, avant de proposer ce Minable Music-Hall sur scène en Belgique et en France[5].
1998 : Jacques Lizène, "L'inachevé en tentative manquée d'inachèvement". Galerie Nadja Vilenne, Liège (B)
Jacques Lizène, "Remake '98". Quai Voltaire / Caisse des dépôts et consignations, Paris (F)
1997 : Galerie Michel Journiac, Paris : exposition et performances à la salle des expositions Michel Journiac. Placards à tableaux, peintures au caca, sculptures génétiques. Le soir du vernissage : concert de musique à l'envers, et peinture à la matière fécale sur un portrait génétique de Lizène avec les yeux de Harald Szeemann. Le commissariat d'exposition était confié à Antoni Collot, les œuvres provenaient des collections de la Galerie Michel Ray.
Projet Cone Sud, exposition itinérante réalisée à partir des Fonds régionaux d'art contemporain Île-de-France et Poitou Charente (Museo de Arte, Lima, Pérou / Centro Cultural Mattucana 100, Santiago du Chili / Museo de arte moderno, Buenos Aires, Argentine/ Museo Nacional de Artes Visuales, Montevideo, Uruguay)
The 1970s and The 1980s, Palazzo delle Esposizioni, Rome, Italie
Poesia totale, StudioBresia Arte Contemporanea, Brescia, Italie
2003 : Coconutour, Centre régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon, Sète
Le colloque des chiens, OFF Collection - Biennale di Venezia - Part II, Centre Wallonie-Bruxelles, Paris
Chaque minute l'art à Liège change le monde, Quinze regards sur la collection de la Cera Foundation, Mamac, Liège
2002 : L'humour dans l'art contemporain, Espace Belleville, Paris
La cuite, Galerie Martagnon, Malaucène
Ivresse, Maison de la Devinière, Seuilly
Corps (I et II), Galerie Nadja Vilenne, Liège
2001 : La trahison des images - portraits de scènes, Palazzo Franchetti, Venise
2000 : Le fou dédoublé, exposition itinérante en Russie, (Nijni Novgorod, Samara, Ekaterinebourg) et en France (château d'Oiron), organisée par Apollonia, cur. : Dimitri Konstantinidis et Jean-Yves Jouannais.
↑ a et bJacques Sojcher et Virginie Devillers, L'obscénité des sentiments, Les amis de la revue de l'Université de Bruxelles, (ISBN978-2-7022-0773-4), p. 76
↑ a et bJoel Matriche, « L'acteur : Jacques Lizène », Le Soir, (lire en ligne)
↑ abc et dJacques Parisse, Actuel XX : La peinture à Liège au XXe siècle, Mardaga, (ISBN978-2-8021-0006-5), p. 218
↑ ab et cCollectif, Abécédaire philosophique à l'usage des (dé)confiné.e.s, M-Éditer, (ISBN978-2-36287-185-6), p. 179
↑ ab et cRobert Wangermée, Dictionnaire de la chanson en Wallonie et à Bruxelles, Mardaga, (ISBN978-2-87009-600-0), p. 225
↑Julie Bawin, L'artiste commissaire : Entre posture critique, jeu créatif et valeur ajoutée, Paris, Édition des archives contemporaines, (ISBN9782813001603)
↑Musée de la photographie à Charleroi, Pour une histoire de la photographie en Belgique : Essais critiques, répertoire des photographes depuis 1839, Charleroi, Musée de la Photographie, , p. 423
Antoni Collot, Colloque : Qu’est ce que l’Art Domestique ? les 5 et à la Cité Internationale universitaire de Paris, L'Aventure du scatologis : quelques cm² de meRdre sur le mur blanc, au-dessus du canapé.
Bezzan Cécilia (entretien avec Jacques Lizène), « Jacques Lizène ou la contrariété intuitive », part III, in Trouble, no 3, printemps-été 2003, p. 176-187.
« Magritte incarne-t-il l'esprit belge ? » in Ceci est un Supplément, BeauxArts hors-série : Ceci est Magritte, no 3, , p. 28-29.
Françoise Parfait, Vidéo : un art contemporain, Éditions du regard, 2002, p. 284.
Paul Ardenne, L'image du corps, Éditions du Regard, 2001, p. 176-177.
Denys Riout, Qu'est-ce que l'art moderne ?, Éditions Folio-Gallimard, 2001, p. 324-325.
Philippe Piguet, « Jacques Lizène, maître ès fiasco », in L'Œil, no 531, , p. 70.
Emmanuelle Lequeux, « Jacques Lizène », in Aden, no 184, rubrique les Arts, 21-, p. 31.
Nicolas Bourriaud, Formes de vie, Denoël, 1999, p. 129-130.
Emmanuelle Lequeux, « Le maître du fiasco », in Aden, rubrique les Arts, 16-, p. 28.