Abu Bakr Mohammed ben Abd-el-Malik ben Tufayl el-Qaïci, dit Ibn Tufayl (arabe : ابن طفيل), est un philosopheandalou d'origine, astronome, médecin, mathématicien, mutazilite et soufi[1],[2],[3]. Il est né vers 1110 à Wadi-Asch, aujourd'hui Guadix, à une soixantaine de kilomètres de Grenade et est mort en 1185 à Marrakech[4]. Il est également connu au Moyen Âge sous le nom d'Abubacer, transcription latine de son surnom Aboû Bekr[5],[6].
Biographie
Ibn Tufayl exerce la médecine à Grenade qui passe de la domination almoravide en à la domination almohade dès [7],[8],[9], puis il est secrétaire provincial. Plus tard, il devient physicien du califeAbu Yaqub Yusuf à Marrakech et assume le rôle de protecteur d'Ibn Roshd (Averroès) qu'il encourage à commenter Aristote. Ibn Roshd décrit plus tard comment Ibn Tufayl l'encouragea dans cette entreprise :
« Aboû Bekr ben Thofaïl me fit appeler un jour et me dit : J’ai entendu aujourd’hui le Chef des Croyants se plaindre de l’obscurité du style d’Aristote ou de celui de ses traducteurs, et de la difficulté de comprendre ses doctrines. Si ces livres, disait-il, pouvaient rencontrer quelqu’un qui les commente et qui en expose le sens après l’avoir bien compris, on aurait alors par où les saisir! [Ibn Thofaïl ajouta ] : Si tu as assez de force pour un tel travail, entreprends-le. Je compte que tu en viendras à bout; car je connais ta haute intelligence, ta lucidité d’esprit, ta grande ardeur au travail. Ce qui m’empêche de m’en charger, c’est le grand âge où tu me vois arrivé et aussi les occupations que ma fonction et mes soins m’imposent, sans parler de préoccupations plus graves[10]. »
Auteur de l’Œuvre médicale et philosophique, où l'on discerne l'influence de l'encyclopédie du Xe siècle des Ikhwan al-Safa (Frères de la sincérité, en arabe), Ibn Tufayl est surtout connu pour son récit philosophique, Hayy ibn Yaqdhan connu en français sous le titre L'Éveillé ou Le Philosophe autodidacte.
Le livre met en scène un enfant, vivant seul sur une île déserte au niveau de l’équateur[4]. Cet enfant qui n'a ni père ni mère connus, est élevé par une gazelle. Il s'éveille seul à la connaissance du monde puis à la connaissance de Dieu[4]. Hayy va finalement entrer en contact avec la civilisation et la religion « codifiée » quand il rencontre un naufragé nommé Absâl. Il découvre alors certains signes extérieurs de la religion auxquels il adhère car il les juge cohérents avec son intuition-conscience du divin. Mais bien qu'il reconnaisse que beaucoup de codes sont nécessaires pour la majorité, afin qu'ils puissent avoir une vie décente, il pense surtout que cette société est enfermée dans son dogmatisme et manque d'ouverture pour une véritable quête du divin. Il finit alors par quitter la société pour retourner sur son île avec son ami Absal et s’échapper de toute distraction.
Hayy ibn Yaqdhan[11] est écrit comme une réponse à l'Incohérence des philosophes d'Al-Ghazâlî. Au XIIIe siècle, Ibn Nafis écrit Al-Risalah al-Kamiliyyah fil Siera al-Nabawiyyah (connu sous le nom Theologus Autodidactus en Occident) comme une réponse au Hayy ibn Yaqdhan (Philosophus Autodidactus) d'Ibn Tufayl. Le titre du récit et l'argument de l'histoire reprennent une œuvre d'Avicenne dans un esprit différent[réf. nécessaire].
À travers Hayy ibn Yaqdhan, Ibn Tufayl[16] est le premier à introduire dans la pensée philosophique les concepts d'autoformation et surtout de tabula rasa.
La première traduction latine date de 1671 et a pour titre Philosophus Autodidactus. Elle fut écrite par Edward Pocock (le jeune). La première traduction anglaise date de 1708 par Simon Ockley et la traduction française est celle de Léon Gauthier datant de 1900.
Notes et références
↑Carra de Vaux, B., « Ibn Ṭufayl », in : Encyclopaedia of Islam, Second Edition, Edité par : P. Bearman, Th. Bianquis, CE Bosworth, E. van Donzel, WP Heinrichs. Consulté en ligne le 16 avril 2020 <http://dx.doi.org/10.1163/1573-3912_islam_SIM_3394>
↑(en) Thomas Hockey et al., « Ibn Ṭufayl: Abū Bakr Muḥammad ibn ʿAbd al‐Malik ibn Muḥammad ibn Muḥammad ibn Ṭufayl al‐Qaysī », The Biographical Encyclopedia of Astronomers, , p. 572 (lire en ligne [PDF])
↑Avner Ben-Zaken, Reading Hayy Ibn-Yaqzan: A Cross-Cultural History of Autodidacticism (Johns Hopkins University Press, 2011). (ISBN978-0801897399).
↑G. A. Russell (1994), The 'Arabick' Interest of the Natural Philosophers in Seventeenth-Century England, p. 228, Brill Publishers, (ISBN978-90-04-09888-6).
Éric Marion, Lumières arabes et lumières modernes : Au miroir de l'utopie insulaire d'Ibn Tufayl, Kimé, Paris, 2016, (ISBN978-2841747382).
Jean-Baptiste Brenet, Robinson de Guadix. Une adaptation de l’épître d’Ibn Tufayl, Vivant fils d’Éveillé, préface de Kamel Daoud, Lagrasse, Verdier, 2020.
(en) Colum Hourihane, Grove Encyclopedia of Medieval Art and Architecture, Oxford University Press, (ISBN978-0-19-539536-5, lire en ligne), « Granada » :
« anglais : Under th Almoravid (reg 1056–1147), who conquered the city in 1090, Granada flourished (…) »
(es) Rafael Gerardo Peinado Santaella et José Enrique López de Coca, Historia de Granada, ii - La época medieval, siglos VIII-XV, t. 2, Don Quijote, (ISBN84-85933-28-1)