En synthèse organique, l'hydrogénation par transfert est utile pour la réduction de composés insaturés polaires comme les cétones, les aldéhydes ou les imines. Une application à grande échelle de l'hydrogénation par transfert est la liquéfaction du charbon en utilisant des « solvants donneurs » tels que la tétraline[2],[3].
où RR'C*H-OH est un produit chiral. Un catalyseur typique est (cymène)R,R-HNCHPhCHPhNTs, où Ts est le groupe tosyle (SO2C6H4Me) et R,R est la configuration absolue des deux carbones chiraux. Les travaux de Ryōji Noyori sur ce type de réaction lui ont valu le prix Nobel de chimie en 2001[5].
Avant l'avènement de l'hydrogénation catalytique, de nombreuses méthodes furent développées pour hydrogéner les composés insaturés. La plupart de ces méthodes n'ont aujourd'hui d'intérêt qu'historique ou pédagogique. Un des principaux agents de transfert de ces réactions est le diimide, qui est oxydé pour donner le diazote (N2), composé particulièrement stable.
Le diimide est lui-même produit à partir de l'hydrazine. On peut citer parmi le hydrocarbures pouvant servir de source en hydrogène le cyclohexène et le cyclohexadiène. Dans ce cas, en plus du composé hydrogéné, il se forme un équivalent de benzène, la principale force favorisant cette réaction étant la baisse d'énergie/augmentation de la stabilisation du fait de la production d'un composé aromatique. Du palladium peut être utilisé pour catalyser cette réaction, qui peut alors se produire à 100 °C.
Des hydrogénations par transfert plus particulières ont également été rapportées. Parmi celles-ci, l'hydrogénation intramoléculaire ci-dessous :
Dans cette réaction, le 1,8,9,10,11,11-hexachlorotétracyclo[6.2.1.13,6.02,7]dodéca-4,9-diène (à gauche), qui joue ici le rôle de diénophile, va d'abord réagir avec le 1,1-dioxyde de 2,3,4,5-tétraclorothiophène (diène) par réaction de Diels-Alder. L'adduit va ensuite procéder à une éjection chélétrope de dioxyde de soufre, formant un composé possédant à présent à son extrémité droite un groupe tétrachlorocyclohexadiène, dont la liaison saturée fait face à la seconde liaison double du composé initial. On observe alors un transfert des deux atomes d'hydrogène de l'une à l'autre, la réaction formant un groupe tétrachlorobenzène bien plus favorable énergétiquement.
De nombreuses réactions existent avec un alcool ou une amine dans le rôle de donneur de proton, et un métal alcalin dans celui de donneur d'électron. Une de ces réactions qui continue aujourd'hui de présenter un intérêt est la réduction de Birch des arènes en présence de sodium métallique. Une autre, moins importante, est la réduction de Bouveault et Blanc des esters. Enfin, la combinaison magnésium/méthanol est aussi utilisée pour la réduction d'alcènes, par exemple dans la synthèse de l'asénapine[6] :
Hydrogénation par transfert organocatalytique
L'hydrogénation par transfert organocatalytique a été décrite par le groupe de List en 2004, dans un système utilisant un ester de Hantzsch comme donneur d'hydrure et une amine comme catalyseur[7] :
Dans cette réaction, le substrat est un composé carbonyléα,β-insaturée. Le donneur de proton est oxydé en une forme de type pyridine ressemblant à la coenzyme NADH. Dans le cycle catalytique de cette réaction, l'amine et l'aldéhyde forment d'abord un ion iminium, puis le transfert de proton est suivi par une hydrolyse de l'iminium régénérant le catalyseur. En utilisant un organocatalyseur de MacMillan (imidazolidinone chirale), une énantiosélectivité de 81% ee a été obtenue :
Le groupe de MacMillan a publié indépendamment une synthèse asymétrique très similaire en 2005[8] :
Cette réaction présente un intéressant cas de stéréoconvergence, les isomères E ou Z produisant finalement chacun l'énantiomère S.
Pour étendre ce type de réaction aux cétones, ou plutôt aux énones, il faut ajuster précisément le catalyseur (ajouter un groupe benzyle et remplacer le groupe tert-butyle par un furane) ainsi que l'ester de Hantzsch (rajouter de plus de volumineux groupes tert-butyle)[9] :
La première étape de la réaction est la protonation de l'atome d'azote de la quinoléine par l'acide phosphorique, formant un intermédiaire iminium chiral. Il a été noté qu'avec des catalyseurs métalliques plus traditionnels, l'hydrogénation de composés aromatiques ou hétéroaromatiques a tendance à échouer.
↑Kilian Muñiz, « Bifunctional Metal-Ligand Catalysis: Hydrogenations and New Reactions within the Metal-(Di)amine Scaffold13 », Angewandte Chemie International Edition, vol. 44, no 41, , p. 6622–6627 (PMID16187395, DOI10.1002/anie.200501787)
↑(en) T. Ikariya, K. Murata, R. Noyori, « Bifunctional Transition Metal-Based Molecular Catalysts for Asymmetric Syntheses », Org. Biomol. Chem., vol. 4, , p. 393-406
↑Shimizu, H., Nagasaki, I., Matsumura, K., Sayo, N., and Saito, T, « Developments in Asymmetric Hydrogenation from an Industrial Perspective », Acc. Chem. Res., vol. 40, , p. 1385-1393 (DOI10.1021/ar700101x)
↑M. V. D. Linden, T. Roeters, R. Harting, E. Stokkingreef, A. S. Gelpke et G. Kemperman, « Debottlenecking the Synthesis Route of Asenapine », Organic Process Research & Development, vol. 12, no 2, , p. 196–201 (DOI10.1021/op700240c)
↑Yang, M. Hechavarria Fonseca et B. List, « A metal-free transfer hydrogenation: organocatalytic conjugate reduction of alpha,beta-unsaturated aldehydes », Angewandte Chemie (International ed. in English), vol. 43, no 48, , p. 6660–6662 (PMID15540245, DOI10.1002/anie.200461816)
↑Ouellet, J. Tuttle et D. MacMillan, « Enantioselective organocatalytic hydride reduction », Journal of the American Chemical Society, vol. 127, no 1, , p. 32–33 (PMID15631434, DOI10.1021/ja043834g)
↑Tuttle, S. Ouellet et D. MacMillan, « Organocatalytic transfer hydrogenation of cyclic enones », Journal of the American Chemical Society, vol. 128, no 39, , p. 12662–12663 (PMID17002356, DOI10.1021/ja0653066)
↑Rueping, A. Antonchick et T. Theissmann, « A highly enantioselective Brønsted acid catalyzed cascade reaction: organocatalytic transfer hydrogenation of quinolines and their application in the synthesis of alkaloids », Angewandte Chemie (International ed. in English), vol. 45, no 22, , p. 3683–3686 (PMID16639754, DOI10.1002/anie.200600191)