Les histoires de fantômes sont un sous-genre du fantastique, où l'élément surnaturel passe par la présence — véridique, supposée ou hallucinée[1] — d'un ou plusieurs fantômes.
Dans ces histoires, le fantôme est souvent le héros et a une personnalité ainsi qu'une identité bien à lui. Le genre peut aussi donner lieu à des récits centrés uniquement sur les fantômes ou les morts, et à cela s'ajoute bien souvent le concept de « hantise », où le fantôme est lié à un lieu, objet ou une personne[2],[3]. Ces histoires se font généralement exemples ou représentations du ghostlore.
Familièrement, le terme d'« histoire de fantômes » peut faire référence à tout type d'histoire effrayante. En littérature, elles se sont souvent développées par l'intermédiaire du format des nouvelles, dans le cadre de récits surnaturels, de weird fiction, ou d'horreur, bien que la figure de fantôme eut aussi été utilisée dans des récits plus légers, tels que des contes humoristiques ou des contes moraux[2].
Au IIe siècle, le conte de Philinnion et Mâchâtes, raconté d'abord par le romain Phlégon de Tralles puis, au Ve siècle, par Proclus, passe pour l'une des plus anciennes histoires de fantômes occidentale, où une jeune fille nommée Philinnion réapparaît après sa mort prématurée[9].
Hors de la culture occidentale, les esprits sont connus dans la civilisation arabe, comme en témoignent certains contes des Mille et Une Nuits impliquant souvent des djinns et des goules, tel que c'est le cas pour le conte « Ali du Caire et la maison hantée de Bagdad », daté du XVIe siècle qui raconte l'histoire d'une maison hantée par un djinn[10]. Du côté du Japon, les histoires de fantômes sont apparentées au kaidan, contes populaires relatant des apparitions surnaturelles[11],[12]. Le Dit du Genji, œuvre majeure de la littérature nippone du XIe siècle[13], contient plusieurs histoires de fantômes de personnages possédés par des esprits[14].
La redécouverte des tragédies de Sénèque par les humanistes italiens au milieu du XVIe siècle porte une grande influence sur les auteurs dramatiques anglais : les pièces La Tragédie espagnole de Thomas Kyd et Hamlet de Shakespeare, partagent ainsi toutes deux les thèmes de la vengeance, et la présence de cadavres et fantômes parmi les personnages joués[15] ; l'ombre du père assassiné de Hamlet, notamment, est devenu depuis sa parution en 1603 l'un des fantômes les plus célèbres de la littérature anglaise[2]. Des figures fantomatiques apparaissent dans d'autres œuvres de Shakespeare, notamment dans Richard III — qui ressemble au modèle imposé par Sénèque — et Macbeth, avec le personnage de Banquo[16].
Dans le théâtre anglais de la Renaissance, les fantômes étaient souvent représentés sous des costumes de vivants, et parfois même en armure : obsolète à cette période, l'armure donnait au fantôme une allure antique et vieillie[17]. Ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que le fantôme « bâché », recouvert d'un tissu, gagne du terrain au théâtre, du fait de la difficulté du déplacement des fantômes en armure, qui ne pouvaient se mouvoir que par un système de poulies[17]. Le drap se met alors à représenter l'immatérialité, l'invisibilité et la vraisemblance des fantômes, qui apparaissent de manière beaucoup moins vêtue et grossière qu'à la Renaissance[17].
La figure du fantôme tend à se réduire au XVIIIe siècle, époque des Lumières où la rationalité s'impose dans les discours et le champ littéraire ; le fantôme est alors mal vu, négligé et mis de côté, bien qu'il perdure encore et que sa signification évolue : utilisé comme outil dialectique servant aux études anthropologiques, il sert à révéler la vérité, et se fait entre autres apparence de la frontière entre le normal et la pathologie, qu'elle soit physique (problèmes de santé), oratoire (superstition, manipulations par le discours) ou perceptive (hallucinations)[18],[19].
En Grande-Bretagne, l'écrivain écossaisWalter Scott se démarque comme l'un des premiers auteurs d'histoires de fantômes modernes, notamment avec ses nouvelles Wandering Willie's Tale (1824) et The Tapestried Chamber (1828), en évitant le style d'écriture gothique et contribuant ainsi à donner la voie aux écrivains du genre ultérieurs.
L'ère victorienne : âge d'or des histoires de fantômes
Parmi les fantômes littéraires les plus célèbre de l'ère victorienne, on peut citer ceux de Charles Dickens, notamment dans Un chant de Noël (1843) — qui représente les fantômes du passé, présent et futur d'Ebenezer Scrooge[30]—, ou encore dans sa nouvelle The Signal-Man(en) (1866)[31]. Dans un registre plus comique, Oscar Wilde s'est lui aussi attelé à l'écriture d'une histoire de fantômes avec sa nouvelle Le Fantôme de Canterville (1887). Du côté de la France, l'auteur de l'époque ayant probablement le plus marqué le genre est Guy de Maupassant, avec ses nouvelles La Peur (1882), Apparition (1883) et Le Horla (1886)[32],[33].
Le « style jamésien »
Montague Rhodes James est décrit par l'écrivain britannique David Langford comme l'auteur ayant créé « le canon d'histoires de fantômes le plus influent du 20e siècle. »[34] Abandonnant les éléments gothiques traditionnels de ses prédécesseurs, M. R. James se base sur trois éléments principaux pour la rédaction de ses nouvelles :
Un cadre typique avec du caractère, souvent rural ;
Un gentleman et/ou savant plutôt naïf et réservé comme protagoniste ;
La découverte d'un artefact ancien (livre ou objet) qui attire l'attention d'une menace surnaturelle.
À cela s'ajoute cinq caractéristiques clés pour la construction d'une histoire de fantômes, identifiées dans l'ouvrage Some Remarks on Ghost Stories de M. R. James, publié en 1929[35] :
La prétention de la vérité (les événements décrits passent pour être véridiques) ;
La procuration chez le lecteur d'une « terreur agréable » ;
Pas d'effusions de sang ni de relations sexuelles gratuites ;
Pas d'explication de la « machinerie » du surnaturelle ;
Un cadre contemporain à celui dans lequel l'écrivain et le lecteur vivent.
La naissance des magazines pulp en ce début de siècle permet la création de nouvelles voies pour les récits de fantômes, dont la publication tend à croître par l'intermédiaire de revues telles que Good Housekeeping et The New Yorker. L'engouement pour ce nouveau moyen de production entraîne la création en 1926 de Ghost Stories, une revue entièrement dédiée aux histoires de fantômes, ou encore de Weird Tales, célèbre magazine fondé en 1923 et qui se consacrera aux genres de la fantasy et du fantastique.
Entre les années 1940 et 1960, plusieurs auteurs tendent à se démarquer : en Belgique, avec l'écrivain Jean Ray et notamment son recueil Le Livre des fantômes (1947)[37], puis aux États-Unis avec Fritz Leiber, dont l'écriture de contes de fantômes a pour cadre le contexte industriel moderne, telles que le montrent ses nouvelles Smoke Ghost (1941) et A Bit of the Dark World (1962). Mais durant la même période, c'est surtout Shirley Jackson, romancière américaine, qui s'impose dans le champ littéraire d'horreur : son roman Maison hantée, paru en 1959, devient très vite un classique de la littérature fantastique reconnu comme l'une des meilleurs histoires de maison hantée[38],[39],[40], et Jackson devient une figure de proue du néo-gothique[41], s'inscrivant par ses textes dans la lignée d'Edgar Poe et Henry James[42]. Sa nouvelle À la maison (1965), notamment, raconte l'histoire d'une auto-stoppeuse fantôme[43].
Dans les années 1980, de nouveaux auteurs écrivent des récits de fantômes : c'est le cas de l'écrivain britannique Ramsey Campbell, de Susan Hill et de son roman La Dame en noir (1983) ou encore de Stephen King, influencé comme de nombreux autres par Shirley Jackson[44],[45], et dont on peut citer Shining, l'enfant lumière (1977) qui représente un hôtel hanté et ses nombreux fantômes, ou encore Sac d'os (1998) qui relate l'histoire d'un écrivain en proie à des fantômes hantant sa résidence.
En parallèle de la littérature, les récits de fantômes prennent de l'ampleur par le truchement du cinéma et de la télévision.
Au cinéma et à la télévision
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