Héro et Léandre (en grec ancien : Ἡρώ καὶ Λέανδρος / Hērṓ kaì Léandros) sont un couple d'amoureux de la mythologie grecque. Le poète latin Ovide a imaginé dans les Héroïdes une lettre écrite par Léandre à Héro, et sa réponse.
Récit antique
Héro est une prêtresse d'Aphrodite à Sestos (sur la rive européenne de l'Hellespont), tandis que Léandre habite à Abydos, sur la rive asiatique. Toutes les nuits, Léandre traverse le détroit à la nage guidé par une lampe qu'Héro allume en haut de la tour où elle vit. Mais lors d'un orage, la lampe s'éteint et Léandre s'égare dans les ténèbres. Lorsque la mer rejette son corps le lendemain, Héro se suicide en se jetant du haut de sa tour.
Au XVIIe siècle, le récit fait aussi le sujet d'une relecture amusante par le dramaturge anglais Shakespeare dans la comédie Comme il vous plaira. Dans la scène première de l'acte IV, Rosalinde, grimée en homme, déclare : « Ce pauvre monde est vieux d'à peu près six mille ans, et pendant tout ce temps-là il n'y a pas un homme qui soit mort en personne, j'entends pour cause d'amour. (…) Quant à Léandre, il aurait vécu nombre de belles années, quand Héro se fut faite nonnain, n'eût été la chaleur de certaine nuit de juin ; car ce bon jeune homme alla tout simplement se baigner dans l'Hellespont, et, étant pris d'une crampe il se noya. »
Alexandre Radichtchev mentionne[4] une histoire semblable à propos du lac Valdaï : un moine du monastère Iversky, tombé amoureux de la fille d'un habitant de Valdaï, et qui traversait chaque nuit le lac à la nage pour retrouver sa bien-aimée, finit par se noyer. L'auteur fait nommément référence à Héro et Léandre à ce sujet (mais doute qu'en l'occurrence, la jeune femme se soit laissée périr de désespoir).
Pour Pierre Somville, le mythe de Héro et Léandre est un « exemple d’héroïsation »[6]. Jean Haudry y voit plus précisément l'illustration d'un schème notionnel indo-européen « traverser l'eau de la ténèbre hivernale » dont il représente l'échec : Léandre se noie en tentant de traverser à la nage de nuit, en hiver, un bras de mer pour aller rejoindre Héro, dont l'étymologie du nom est lié à la belle saison. Il tente ainsi de « conquérir l'année », donc de devenir un héros, mais sa tentative échoue[7].
↑Giovan Francesco Straparola, Les nuits facétieuses, traduction de Jean Louveau et Pierre de Larivey, revue, corrigée et commentée par Joël Gayraud, collection Merveilleux, éditions José Corti, Paris, 1999 (ISBN2-7143-0693-4) (Septième nuit, fable II, histoire de Marguerite Spolatine tombée amoureuse de l'ermite Théodore).
↑Pierre Somville, Héro et Léandre : un exemple d’héroïsation tardive, in Vinciane Pirenne-Delforge et Emilio Suárez de la Torre (dir.), Héros et héroïnes dans les mythes et les cultes grecs, Actes du colloque organisé à l’Université de Valladolid, du 26 au 29 mai 1999, Centre international d'étude de la religion grecque antique, 2000, p. 241-246.
↑Jean Haudry, Vues nouvelles sur la tradition indo-européenne dans la Grèce ancienne, Études indo-européennes, 2009.
Jean Haudry, Vues nouvelles sur la tradition indo-européenne dans la Grèce ancienne, Études indo-européennes, 2009
(en) Silvia Montiglio, The Myth of Hero and Leander: The History and Reception of an Enduring Greek Legend, Library of Classical Studies, 19. London; New York: I.B. Tauris, 2018, (ISBN9781784539566)
(en) Brian Oliver Murdoch, The Reception of the Legend of Hero and Leander, Brill, 2019, 419 p.