Durán dédie sa première composition musicale, El corazón de Hafiz (« Le cœur de Hafiz ») au poète de Grenade, Federico García Lorca.
En 1927, il compose un ballet Fandango del Candil, (« Fandango du lumignon ») pour la fameuse Antonia Mercé (La Argentina, célèbre ballerine et chorégraphe, muse de l'avant-garde musicale espagnole, et il l'accompagne pendant sa tournée en Europe.
En 1933, il se détourne de la musique : de retour à Madrid, il est employé par la branche espagnole de la Paramount Pictures et travaille aussi pour la Fono-Espana, Inc. : il double des films[4] pour le marché latino-américain avec son ami Luis Buñuel[5].
Sur le plan politique, influencé par Rafael Alberti, il devient une des figures de « La Motorizada », la section motorisée du mouvement des jeunes socialistes d'Indalecio Prieto[6].
Guerre civile espagnole
Durán s'engage dans l'armée républicaine espagnole (Quinto Regimiento de Milicias Populares) le , et il y restera presque jusqu'à la fin de la guerre[7].
Il rejoint le PCE, devient chef d'état-major d'Emilio Kléber (Manfred Stern)[8], participe à l'arrestation des officiers putchistes qui s'étaient révoltés contre la République[5] et à la défense de la capitale lors de la bataille de Madrid ().
Il couvre la retraite des Républicains pendant l'offensive d'Aragon lancée par les nationalistes[11], et est l'un de ceux qui défend la Ligne XYZ en 1938[12],[13].
Attiré par Alexandre Orlov, un des chefs des services secrets soviétiques en Espagne, Durán sert aussi (brièvement, et malgré l'opposition du ministre de la Défense nationale Indalecio Prieto) dans le Servicio de Investigación Militar, comme chef de la section renseignement de l'Armée du Centre[14]. Ayant fait preuve d'insubordination, il revient à l'armée, et retourne à la 47e division.
En 1938, il est nommé colonel et affecté à la défense de Valence.
En , lorsque les troupes du général Franco atteignent Valence lors de l’Ofensiva del Levante, Durán parvient à quitter l'Espagne sur un destroyer britannique, et arrive à Marseille.
En , Durán arrive aux États-Unis. Sa belle-sœur, Belinda Crompton, est l'épouse de Michael Straight (1916-2004), un riche américain formé à Oxford[17]. Les Crompton et les Straight introduisent Durán dans les milieux intellectuels et artistiques américains, et lui procurent un poste au MoMA de New York, section des « Affaires Inter-Américaines » (il y retrouve Luis Buñuel qui travaille à la cinémathèque), puis à l'OEA), section « Musique ». En 1942, il obtient la nationalité américaine.
Comme l'écrit Horacio Vázquez Rial dans son livre El soldado de porcelana : « Blond, de beaux yeux bleus, d'une élégance raffinée touchant à l'affectation, séducteur, s'exprimant en anglais, français, italien, allemand et russe, doté d'un réel talent pour la musique et d'une mémoire prodigieuse, Durán ne pouvait manquer d'intéresser n'importe quel service de renseignement[18]. »
Il est alors affecté, à la demande de son ami Hemingway, à l'ambassade américaine à La Havane (Cuba)[19], où il coordonne la lutte contre les franquistes sympathisants des hitlériens[20].
En , il est assistant de l'ambassadeur Spruille Braden à l'ambassade américaine à Buenos Aires. Il retrouve Rafael Alberti et María Teresa León, qui l'introduisent dans le monde culturel argentin, où règne l'incontournable Victoria Ocampo. Il diffuse son réquisitoire contre Perón : le Libro Azul (Livre Bleu), dans lequel il dévoile les sympathies du futur dictateur pour les nazis et essaye de l'empêcher d'accéder au pouvoir. Mais Perón répondra par son slogan ¡O Braden o Perón! et en publiant son Libro Azul y Blanco ; il l'emportera en se présentant comme le champion de l'indépendance nationale contre la tentative de mainmise de l'impérialisme américain.
En , Durán démissionne de son poste d'« assistant spécial » auprès de l’Assistant Secretary of State et entre aux Nations unies comme responsable de la branche sociale du « Bureau des Réfugiés »[19].
La même année, il est accusé par le député J. Parnell Thomas(en) d'être un agent des services secrets soviétiques et un membre du Komintern.
En 1951, le sénateur Joseph McCarthy, s'appuyant sur un article du journal phalangisteArriba, accuse Durán d'avoir été un membre du PCE et du SIM et de garder des sympathies pro-communistes[19].
Durán participe à la formation de l'UNESCO, du CEPALC (Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes) et est envoyé en mission au Congo belge (Léopoldville) en 1960.
Il était représentant des Nations unies en Grèce, quand il meurt à Athènes en 1969.
Ses biographes (cf infra) ont parlé à propos de Durán de « soldat de porcelaine » (pour son aspect soigné au milieu d'une armée républicaine en haillons), d'« intellectuel en armes », d'« espagnol à multiples facettes », et de « prélude inachevé » (dans le domaine musical, à partir de 1933 cet ex-enfant prodige n'a joué et composé que pour lui et pour ses amis).
Dans Pour qui sonne le glas, Ernest Hemingway décrit ainsi Gustavo Durán : « Durán, qui n'a jamais eu de formation militaire, qui était un compositeur et un jeune homme de la ville avant le mouvement et qui est maintenant un sacré bon général qui commande une brigade. Pour Durán, tout a été aussi facile à apprendre et à comprendre que les échecs pour un enfant prodige doué pour les échecs... Sacré Durán. Ça ferait du bien de revoir Durán[22]. »
↑Dartington Hall, dans le Devon est une fondation charitable orientée vers la réhabilitation sociale dans une ambiance hautement artistique et dans un cadre somptueux.
↑(en) « BONTE R. CROMPTON IS WED IN ENGLAND; Daughter of Rye, N.Y., Couple Married to Gustavo Duran of Madrid on Dec. 4 », The New York Times, (lire en ligne).
↑Michael Straight en 1983 décrira dans ses mémoires (intitulées After long silence) ses liens avec les Cinq de Cambridge, un groupe de grands bourgeois britanniques qui travaillèrent pour les services secrets de l'Union soviétique pendant 40 ans.
↑Texte original : « Rubio, de bellos ojos azules, elegante hasta la afectación, seductor, expresándose en inglés, francés, italiano y alemán, con talento musical, una memoria prodigiosa y unas relaciones personales de primer nivel social, Durán debía de ser una tentación para cualquier servicio de inteligencia. », Horacio Vázquez Rial, dans El soldado de porcelana.
↑ ab et c(en) « CONGRESS: Weighed in the Balance », Time, (lire en ligne).
↑(es) Javier Rupérez, Gustavo Durán en las novelas de Ernest Hemingway y André Malraux, Revista de Occidente, (ISSN0034-8635), no 307, 2006, pages 51-80.
↑Texte original : « Durán, who never had any military training and who was a composer and a lad about town before the movement and is now a damned good general commanding a brigade. It was all as simple and easy to learn and understand to Durán as chess to a child chess prodigy……Old Durán. It would be good to see Durán again. », Pour qui sonne le glas, début du chapitre 30.
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
(es) Javier Rupérez, « Gustavo Durán en las novelas de Ernest Hemingway y André Malraux », Revista de Occidente, 2006 (ISSN0034-8635), no 307.
(es) Javier Juárez, Comandante Durán. Leyenda y tragedia de un intelectual en armas, Madrid, Debate, 2009.
(es) Pedro Almeida, « Gustavo Durán (1906-1969): preludio inconcluso de la generación musical de la República: Apuntes para una bibliografía », Revista de musicología (ISSN0210-1459), 1986, Vol. 9, no 2, p. 511-544.
(en) Antony Beevor, The battle for Spain : the Spanish Civil War, 1936-1939, New York, Penguin Books, , 526 p. (ISBN0-14-303765-X).
(en) Paul Preston, The Spanish Civil War : reaction, revolution and revenge, New York, W.W. Norton & Co, , 381 p. (ISBN978-0-393-32987-2).
(en) Hugh Thomas, The Spanish Civil War, London, Penguin, , 1096 p. (ISBN978-0-14-101161-5).