Expulsion des étrangers condamnés

Les lois et les pratiques concernant l'expulsion des étrangers condamnés varient selon les pays et les époques.

Allemagne

Les condamnations pour certaines infractions peuvent entraîner l'expulsion. La loi prévoit que l'expulsion est obligatoire dans certains cas ; sinon l'administration doit notamment tenir compte de la durée de séjour de l'étranger et des conséquences de son expulsion avant de se prononcer sur l'éloignement d'un délinquant[1].

Belgique

L'article 21 de la loi de 1980 sur les étrangers prévoit l'expulsion d'un étranger délinquant en séjour légal vers son pays d'origine. Ce bannissement est prononcé pour dix ans et est exécuté après la peine de prison. La loi de 1980 ne supprime pas la double peine mais adoucit le principe en énumérant les situations où le renvoi ou l'expulsion sont conditionnés ou impossibles : il y a présomption d'intégration dans la société.

Danemark

Tout étranger condamné à une peine d’emprisonnement au Danemark est désormais expulsé à sa sortie de prison (vote du Parlement le 24 juin 2011)[2].

France

L’expulsion peut être prononcée, comme mesure administrative « si la présence en France d’un étranger constitue une menace grave pour l’ordre public »[3]. La menace est souvent appréciée par les condamnations pénales[1]. En 2021, 344 arrêtés d’expulsion ont été prononcés[4].

Par ailleurs, les tribunaux peuvent prononcer une interdiction du territoire français, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, en complément d’une condamnation pour crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans, elle entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion[5]. Cette mesure existe depuis la loi du 31 décembre 1970 sur la lutte contre la toxicomanie et a fréquemment varié. Entre 2014 et 2020, une centaine de peines d’interdiction du territoire français a été prononcée chaque année dans le cadre de condamnations criminelles. S’agissant des condamnations délictuelles, 4 000 peines ont été prononcées en 2019[6].

Certaines personnes (étranger qui justifie résider en France habituellement depuis qu’il a atteint au plus l'âge de treize ans ; étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans etc.) ne peuvent faire l’objet de ces expulsions dans des conditions qui ont fréquemment varié. Cette disposition a été créée par la loi du 29 octobre 1981 relative aux condition d’entrée et de séjour des étrangers en France[7] ; puis les conditions ont été durcies par la loi du 9 septembre 1986[8], puis assouplies par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité[9], et à nouveau durcies par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration[10].

Italie

Les condamnations pour certaines infractions peuvent entraîner l'expulsion. Les lois interdisent qu'une peine complémentaire d'expulsion frappe certaines catégories d'étrangers[1].

Grande-Bretagne

C'est le gouvernement de Gordon Brown en 2007 qui introduit le UK Borders Act, le principe d'expulsion des délinquants étrangers, pour les peines d'emprisonnement d'étrangers de plus d'un an[11]. Certains actes criminels graves[12] peuvent donner lieu à une expulsion automatique[13].

Portugal

Le juge peut prononcer une peine complémentaire d'expulsion à l'encontre de tout étranger condamné à une peine de prison d'au moins un an, indépendamment de la nature de l'infraction[1].

Suisse

voir Initiative populaire « Pour le renvoi des étrangers criminels »

Jurisprudence internationale

Cette situation est dénoncée par ses adversaires (qui l'appellent « double peine ») comme étant particulièrement scandaleuse car elle contreviendrait à un principe de droit pénal (Non bis in idem), également établi par un protocole à la Convention européenne des droits de l'homme[14]. L'autorité de la chose jugée s'oppose, en effet, à ce que la même infraction suscite un second procès entraînant pour la même personne une seconde condamnation.

  • Commission européenne des droits de l'homme, décision d'irrecevabilité du 6 décembre 1991, n° 16725/90, Demraoui c. France: «la mesure d'expulsion [une condamnation à une interdiction du territoire] doit être considérée comme une mesure de police à laquelle le principe de non-rétroactivité énoncé à l'article 7 (art. 7) de la Convention ne s'applique pas.[...] une mesure d'expulsion peut être prise non seulement à la suite d'une condamnation pénale mais également comme une mesure administrative à l'encontre de personnes dont la présence sur le territoire n'est pas souhaitable.»
  • Cour européenne des droits de l'homme, 5 octobre 2000, n°39652/98, Maaouia c. France: «la mesure d'interdiction du territoire français ne porte pas davantage sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale. [...] la qualification d'une sanction dans l'ordre juridique interne ne saurait être, à elle seule, décisive pour conclure à son caractère pénal.[...]l'interdiction du territoire ne revêt pas en général un caractère pénal dans les États membres du Conseil de l'Europe. Cette mesure qui, dans la plupart des États, peut également être prise par l'autorité administrative, constitue, de par sa nature, une mesure de prévention spécifique en matière de police des étrangers et ne porte pas sur le bien-fondé d'une accusation pénale dirigée contre le requérant, au sens de l'article 6 § 1. Le fait qu'elle est prononcée dans le cadre d'une procédure pénale ne saurait changer son caractère essentiellement préventif.»

Notes et références

  1. a b c et d Division de législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat français, « La double peine », .
  2. « Le Parlement danois adopte la double peine », sur euronews, (consulté le ).
  3. Articles L631-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; anciennement ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, puis articles L521-1 et suivants de l'ancien code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
  4. étude d'impact du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, (lire en ligne), p137
  5. Article 131-30 du code pénal après sa modification par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
  6. étude d'impact du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, , p139
  7. Article 25 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France en vigueur du 30 octobre 1981 au 19 juillet 1984
  8. Article 25 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France en vigueur du 12 septembre 1986 au 08 août 1989
  9. Articles 25 et 26 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal après leur modification par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité
  10. Articles L631-2 et L631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 131-30-2 du code pénal après leur modification par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
  11. UK Borders Act - Deportation
  12. Au sens de Section 72, Nationality, Immigration and Asylum Act 2002
  13. Section 32. Automatic deportation, UK Borders Act
  14. Article 4 du protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales tel qu'amendé par le Protocole n° 11: « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État. »

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • GISTI, « La réforme de la double peine: les mesures transitoires (après la loi du 26 novembre 2003) », supplément de Plein Droit, juin 2004
  • Jean-Louis Guerrive, « "Double peine" et police des étrangers », Recueil Dalloz 2002, p. 829