Issu d’une famille de médecins depuis quatre générations[2], Edmond Thiaudière, opte pour une carrière d’homme de lettres après s’être détourné de ses études de droit brillamment menées à Poitiers. Il s’essaie au roman, aux nouvelles, à la poésie, au théâtre, écrit des essais politiques et autres pamphlets, mais il se distingue surtout par son œuvre philosophique, parsemant sur quarante années une douzaine de recueils aux titres sibyllins, avec le sous-titre générique Notes d’un Pessimiste[3].
Dans la dédicace de son dernier ouvrage, La Vanité de Tout, paru en 1928, il annonçait la publication de douze nouveaux recueils dont le dernier devait paraître en 1937 à l'occasion de son centenaire et devait porter le titre La Captation de l’au-delà.
« Mais les manuscrits de ces recueils, ajoutait-il, que j’ai griffonnés d’une écriture à peu près illisible, restant difficilement imprimables, je les lègue à la bibliothèque municipale de Poitiers, où tôt ou tard quelque patient érudit, s’il croit qu’ils en vaillent la peine, les cherchera et publiera, afin de compléter par eux mon œuvre philosophique. »
Il publie à diverses époques des fantaisies, des articles et des nouvelles dans plusieurs journaux périodiques tels que l’ancien Figaro, le Grand-Journal de Villemessant, le Paris-Magazine, l’Éclair, la Vogue Parisienne, le Nain Jaune, le Centre Gauche, le Soir, la Revue Moderne de Charles Dollfus, les États-Unis d'Europe[4].
En 1876, il fonde la Revue des idées nouvelles, un bulletin du progrès dans la philosophie, les sciences, les lettres, les arts, l’industrie, le commerce et l’agriculture, véritable publication encyclopédique qu’il dirige et rédige presque entièrement à lui seul, pendant trois ans sous divers pseudonymes.
Il est membre du conseil d’administration de la Société française des amis de la paix. Il est l'un des partisans les plus zélés de la substitution de l’arbitrage à la guerre pour le règlement des différends internationaux. Il prend par ailleurs une part importante aux délibérations du Congrès international de la paix, tenu à Paris en 1878, dont il est l’un des secrétaires. Il présente à ses collègues un mémoire où est émise l’idée de la création d’un parlement européen, d’abord officieux, s’il ne pouvait tout de suite être officiel, recruté par délégation des divers parlements et traitant dans des assises annuelles les questions qui intéresseraient plusieurs nations. C’est pourquoi la notice nécrologique qui lui est consacrée par Le Temps[5], le , faisait remarquer qu’il pouvait être considéré comme le précurseur de la Société des Nations. « C’est lui, en effet, qui, au Congrès des Sociétés de paix en 1878, proposa la réunion annuelle des membres des divers parlements d’Europe. Onze ans plus tard, sur l’initiative du député anglais Randal Cremer et de Frédéric Passy, député de la Seine, fut réalisée l’Union interparlementaire, qui peut être considérée, en quelque sorte, comme la préface de la Société des Nations ».
Il seconde son ami Louis-Xavier de Ricard dans la fondation de la Société d’alliance latine : l’Alouette, qui avait pour but de fédérer les peuples du bassin méditerranéen. Il est du comité de l’Union démocratique de propagande anti-cléricale et du comité de patronage de la Semaine anti-cléricale. Il fait partie de la Société protectrice des animaux — comment cela aurait-il pu être autrement, lui qui, n’ayant pas eu d’enfant, disait, parlant de son amour pour les bêtes, et les chiens plus que de raison, que les chiens sont des enfants perfectionnés ; à tel point que son premier recueil de pensées, La Proie du Néant, qu’il publie en 1886, contient en préambule une longue dédicace adressée à Léa et Mosès, ses deux chiens fidèles.
Œuvres
De l’expropriation forcée, 1858
Mémoire pour la licence (faculté de droit de Poitiers).
L’Apprentissage de la Vie, avec une dédicace à la Mort, 1861
Sous le pseudonyme d’Edmond Thy.
Un Prêtre en famille, 1864
Cette œuvre de 388 pages fut numérisée et est disponible sur google.books.
La Confédération française, forme nouvelle de Gouvernement, 1872
La Dernière Bataille (Die letzte Schlacht), épopée prophétique de l’année 1909, 1873
Donnée comme une traduction de l’allemand de Frédéric Stampf.
Voyages de Lord Humour. En Bubaterbro ou pays des jolis bœufs, 1874
Pamphlet.
Les Légendes bouddhiques, 1875
Voyages de Lord Humour. Le pays des Rétrogrades. Île de Servat-Abus. (), 1876
Pamphlet.
Revue des idées nouvelles, 1876 à 1878
Publication encyclopédique dont il fut le directeur et le principal rédacteur.
Le Dindon blanc, conte en vers, 1877
M. Martin, légitimiste, 1879
Comédie politique en prose.
La Petite-fille du curé, 1880
C’est la suite naturelle d'Un prêtre en famille, publié seize ans plus tôt.
Le Roman d’un bossu, 1880
Une nouvelle fonction de la Magistrature, 1882
La Maison fatale, roman parisien, 1883
Trois amours singulières, 1886
Un ouvrage de 356 pages composé de trois nouvelles : Le Docteur Melanski ; La Muette des Champs-Élysées ; Mistress Little : Texte en ligne
La Proie du Néant, Notes d’un Pessimiste, 1886
Ses Recueils de philosophie, une somme de réflexions et maximes, sont tous sous-titrés « Notes d’un Pessimiste. » ; une douzaine de petit volumes édités par les libraires Ollendorff, Westhausser et Fischbacher entre 1886 et 1928 au format in-16 ou in-32.
L’Œil de verre, 1888
Une nouvelle (parmi tant d’autres non recensées) parue dans l’ouvrage collectif de la Société des gens de lettres de 1888 intitulé « Nos cinquante ans » en référence au cinquantenaire d’existence de la société : Texte en ligne
La Complainte de l’Être, Notes d’un Pessimiste, 1889
La Conquête de l’Infini, Notes d’un Pessimiste, Précédées de son testament religieux, 1908
La Source du Bien, Notes d’un Pessimiste, 1910
L’École du Bonisme, Notes d’un Pessimiste, 1912
La Prisée de ce Monde, Notes d’un Pessimiste, 1918
La Vanité de Tout, Notes d’un Pessimiste, 1928
Citations
« L’homme et la femme se prennent, se déprennent, s’entreprennent, se reprennent et se surprennent, mais ils ne se comprennent pas. »
« Il semble que la civilisation s’entende mieux à raffiner le vice qu’à perfectionner la vertu. »
« On porte avec aisance sa propre vanité, mais celle d’autrui semble bien lourde. » La Haine du Vice
« Il est bien rare que deux esprits ou deux cœurs se touchent sans que l’un au moins des deux éprouve un froissement. » La Haine du Vice
« Sois bon et bon encore et bon toujours, et ce sera à ton profit, quand bien même cela semblerait à tes dépens. » L’Obsession du Divin
« C’est une chose aussi triste que bizarre qu’il faille, pour se faire mieux voir des gens, leur jeter de la poudre aux yeux. » La Proie du Néant
« La bêtise se met au premier rang pour être vue. L’intelligence se met en arrière pour voir. »
« Ce qui constitue le vrai talent pour un écrivain ou pour un artiste, c’est d’exprimer de façon rare des pensées communes, ou mieux encore de façon commune des pensées rares. » La Proie du Néant
« Tendre le plus possible vers l’Éternité avec la conviction qu’on va s’abimer tout à coup dans le Néant, c’est la lutte inégale mais sublime d’une âme supérieure contre le Destin. » La Proie du Néant
Sources
A.-F. Baillot, « Un penseur poitevin oublié, Edmond Thiaudière », Les Cahiers de l'Ouest[6], no 21, janvier-, p. 62-66.
↑Quotidien français de 1861 à 1942 auquel a succédé Le Monde.
↑Revue littéraire, artistique, économique, trimestrielle puis bimensuelle de 1954 à 1960, qui avait succédé à la revue Le Pays d'Ouest fondée en 1911. Directeur : Joseph Beineix.