Anne Persky est la fille de Jacques et d'Irène Persky. Jacques Persky est un avocat au barreau de Moscou né le à Volojine, dans la Biélorussie actuelle. Irène Persky est la fille de Salomon Syrkin et d’Hélène Chasberg. Elle est née le à Bielsk, non loin de Varsovie. Sa fille Anne Persky est née à Moscou en 1914 pour certains de ses biographes[1], et à Paris en 1919 pour d'autres[2],[3],[4].
Anne Persky aurait quitté Moscou à l'âge de quatre ans : en 1918, ses parents décident de se réfugier à Varsovie puis migrent un an plus tard à Berlin où la famille vit jusqu'en 1924.
La fillette découvre la France à l'âge de dix ans : la famille Persky s'installe à Paris dans les beaux quartiers : d'abord au 34 de la rue Laugier (17e arrondissement), puis au 102 avenue Kléber, dans un immeuble neuf du 16e arrondissement à partir de 1931. Son père y établit son bureau de conseiller juridique, profession qu'il exerce jusqu'en 1939. Anne Persky fréquente l’école La Bruyère située au 3 rue Marcel-Renault puis le lycée Molière, un lycée de jeunes filles où elle obtient son baccalauréat.
Les années 1930
Jeune fille, Anne Persky affirme un tempérament indépendant et curieux. À l’âge de dix-sept ans, elle rédige un journal dans lequel elle affirme son désir de devenir écrivain. Elle se passionne pour les surréalistes mais aussi pour la danse et pour le théâtre. Grâce à sa trajectoire migratoire et à son don pour les langues, elle maîtrise couramment le russe, l’allemand, le polonais et le français (à la différence de sa mère, à qui elle le reproche), mais également le yiddish, dans lequel ses parents s'exprimaient probablement. Elle apprend également à parler couramment l'anglais. Après le baccalauréat, Anne Persky prépare une licence en droit.
À l’époque de son mariage, Anne Desanti travaille pour la compagnie d’assurance « La Préservatrice », puis gagne sa vie comme traductrice pour les éditions Payot, Gallimard et Albatros.
Entre-temps, fuyant le nazisme, les parents d'Anne Desanti se sont réfugiés dans le Sud de la France où ils retrouvent leurs nombreux compatriotes. À Nice, ils se sont installés au grand Hôtel Westminster d'où ils correspondent avec leur fille dans un langage codé : ils la surnomment « Cotique » (qui veut dire « chaton » en russe).
À la rentrée 1942, Anne Desanti suit Jean-Toussaint Desanti à Clermont-Ferrand où il a été nommé professeur. Ils s’engagent alors au Front national de la Résistance, organisation d’obédience communiste.
Le , ses parents, Jacques et Irène Persky, qui vivaient à l’Hôtel Moderne à Espalion (Aveyron), sont dénoncés comme « juifs » et sont arrêtés avec Suzanne d'Aramon, Rose et Félix Loeb par la Gendarmerie française. Ils sont transférés en car à Toulouse, puis déportés à Drancy. La seule survivante parmi eux sera Suzanne d'Aramon, fille du banquier Edgard Stern et de Marguerite Fould, et épouse du comte Bertrand de Sauvan d'Aramon, député de Paris de 1928 à 1940, qui vota les pleins pouvoirs à Pétain. Les époux Persky et Loeb quittent Drancy le par le convoi numéro 76 (l'avant dernier convoi). Ils sont assassinés le au camp d’Auschwitz-Birkenau. Dominique Desanti recevra l'avis officiel de leur décès en 1948 à son domicile parisien.
À Clermont-Ferrand, Anne Desanti participe à la Libération, en contribuant au Patriote, organe du Front national de la Résistance et à La Nation, organe du Comité de Libération du Puy de Dôme. C’est dans ces journaux qu’elle signe pour la première fois « Dom.Inique » qui deviendra son prénom, Dominique. Elle collabore également à Action, journal du Parti communiste français. À partir de , elle est également correspondante de guerre du quotidien Résistance - La Voix de Paris pour lequel elle couvre la libération du camp de Bergen-Belsen en [5].
L'engagement au Parti communiste français
Dans la continuité de son engagement de Résistante, Dominique Desanti met sa plume au service du Parti communiste français. Elle écrit au service de l'Union française de l'information, qui fédère une centaine de quotidiens et hebdomadaires contrôlés par le PCF ou proches de lui, puis appartient à la rédaction de L'Humanité dans les années 1950. Elle contribue à d'autres titres de la presse communiste : Démocratie nouvelle et La Nouvelle Critique.
La militante polyglotte s'investit également avec conviction dans le Mouvement de la paix. Elle participe au premier congrès à Paris en 1949, puis au second à Varsovie en 1950[6]. Son premier livre relate la ferveur des nuits blanches passées au Congrès de Paris[7].
À cette époque, elle publie plusieurs ouvrages dans la ligne du Parti. Elle rédige sur commande un condensé de propagande anti-titiste : Masques et visages de Tito et des siens. Elle écrit également des romans populaires à la gloire des valeurs communistes : La grisette à l’hortensia, Le matou dans la neige, À bras le corps qui sont publiés sous forme de feuilletons dans la presse communiste.
1956 marque un tournant fort dans sa vie. Après la répression du soulèvement de Budapest et la découverte précoce du Rapport Khrouchtchev au XXe congrès du Parti communiste d'Union soviétique, elle quitte le Parti communiste français[8], tandis que Jean-Toussaint y reste jusqu’en 1962. Quittant la presse communiste, elle doit réorienter sa carrière de journaliste, mais reste fidèle à son engagement à gauche.
La femme de lettres
Détentrice d’une carte de presse jusqu’en 1978, Dominique Desanti est une journaliste engagée dans plusieurs combats : l'anticolonialisme, le féminisme, la défense des droits de l'homme.
Elle publie parallèlement, sous le pseudonyme de Camille Destouches, deux biographies historiques : La Lumière bleue, récit de la vie de Marie Curie, et La Passion de Marie d’Agout, ainsi qu’un roman : Michel le Sombre. En 1960, sous le nom de Dominique Desanti, elle publie un nouveau roman intitulé Les Grands sentiments (dont la matière est en partie issue de ses années d'engagement communiste)[9], puis, en 1968, une troisième biographie de femme, La banquière des années folles, Marthe Hanau. En 1970, elle produit un premier essai historique : L’Internationale communiste, suivi par Les Socialistes de l'Utopie en 1971.
En 1975, son essai Les Staliniens est remarqué[9]. Il est réédité à trois reprises et donne d'importantes clefs pour comprendre l'engagement de sa génération au Parti communiste français.
Ayant soutenu un doctorat, elle suspend son activité de journaliste en 1978 pour partir enseigner aux États-Unis[10] où elle transmet l’histoire des mouvements féministes du XIXe et du XXe siècle, tout en poursuivant sa carrière d’écrivain, de romancière et d'essayiste.
Dans son journal de jeune fille, Anne Persky esquissait un premier roman dès l'âge de dix-sept ans. Tout au long de sa vie, elle resta attachée à ce rêve de jeunesse. Ses romans reflètent son parcours et ses curiosités multiples. Après ses deux romans réalistes-socialistes (Visages de partout, A bras le corps), huit romans explorent des thèmes très divers. L’un romance sa jeunesse (Les années passions), un autre touche à la psychanalyse (Un métier de chien), le dernier est publié en 2002 (Les sorcières sont des miroirs). Elle est également connue pour ses dix-sept biographies qu’elle nommait « roman-vrai » : Flora Tristan, femme révoltée (1972) ; Sonia Delaunay (1988) ; Elsa-Aragon, le couple ambigu (1994) ; Robert Desnos, le roman d’une vie (1999), etc[11].
Le couple Desanti
Les Desanti vécurent leur relation amoureuse de façon «sartrienne », c’est-à-dire en s’autorisant des amours hors mariage et en toute transparence. Ils racontent leurs expériences de vie dans La liberté nous aime encore (2001). Jean-Toussaint Desanti meurt en 2002[12].
Une enfance et une jeunesse romancées dans les Mémoires
Dominique Desanti voulut aussi se faire biographe d’elle-même. Dans Ce que le siècle m’a dit, sous-titré, Mémoires (1997), elle livra un récit passionnant de ses engagements, de ses multiples expériences et rencontres. Mais elle choisit de maquiller l'histoire de ses origines et celle de ses parents. En effet, on y lit qu’elle aurait été élevée à Paris par son père seul, lequel aurait été fusillé à Compiègne en 1944. Elle occulta ainsi sa trajectoire de migrante et l’indicible horreur de la mort de ses parents. Dominique Desanti, mais aussi Jean-Toussaint, choisirent donc de « réaménager », ou plutôt de « romancer-vrai » la première partie de la vie d’Anne Persky. Les pages des Mémoires relatives à la famille de Dominique Desanti sont donc à relire à la lumière des faits établis après sa mort à partir de ses archives personnelles.
Le site de l’Association des amis de Dominique et Jean-Toussaint Desanti[13] présente une bibliographie de son œuvre ainsi que plusieurs documents, et en particulier son journal manuscrit de 1931-1932 que l'Association a édité en 2014.
Publications
Biographies
Visages de femmes, Paris, Éditions sociales, 1955
La Banquière des années folles : Marthe Hanau, Paris, Fayard, 1968
↑ ab et cAnna Trespeuch, « Desanti Dominique [née Persky Dominique, Anne] », Le Maîtron, (lire en ligne)
↑« Bergen-Belsen n'a provoqué en moi, en plus de l'horreur et de la douleur, qu'une seule réaction : plus jamais ça, donc lutter dans le Parti pour la paix et la vie. » (Les Staliniens, p. 18).
↑Anna Trespeuch, Dominique et Jean-Toussaint Desanti, une éthique à l'épreuve du vingtième siècle, L'Harmattan, 2003
↑Dominique Desanti, Nous avons choisi la paix, Paris, P. Seghers, , 183 p.
↑« J'ai feint d'oublier ma carte de 1957. Mon voisin l'a glissée sous ma porte le lendemain. Donc je l'avais, il en était témoin. Elle resta vierge de timbres » (dans Ce que le Siècle m'a dit, p. 529)