Dmitri Tcherniakov

Dmitri Tcherniakov
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata (54 ans)
MoscouVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Metteur en scène, costumier, scénographe, metteur en scène de spectacle lyriqueVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Distinctions
Liste détaillée
Masque d'or
Prix Triomphe (d)
Prix Franco-Abbiati de la critique musicale italienne (en)
International Opera AwardsVoir et modifier les données sur Wikidata

Dmitri Feliksovitch Tcherniakov — en russe : Дмитрий Феликсович Черняков — , né le à Moscou, est un metteur en scène d'opéra et de théâtre russe qui travaille avec toutes les grandes scènes lyriques internationales et la plupart des grands festivals. Connu d'abord pour ses mises en scène d'œuvres russes qu'il a contribué à populariser dans le reste du monde, Dmitri Tcherniakov créé une atmosphère de huis-clos qui lui est propre, assurant la scénographie, les décors et les costumes de ses propres productions[1]. Malgré les multiples controverses entourant ses choix artistiques, Dmitri Tcherniakov rencontre régulièrement d'importants succès.

Biographie

Du théâtre à l'opéra

Dans un entretien accordé à Forum Opera en 2016, Dmitri Tcherniakov revient sur les raisons de son attirance pour l'opéra en ces termes « J’avais douze ans quand pour la première fois je suis allé de façon consciente à l’opéra.(...) Je me suis retrouvé par hasard spectateur d’un opéra (...) Un mois et demi plus tard, j’ai décidé de m’y rendre à nouveau, seul. Trois jours plus tard j’y suis revenu encore une fois. Et encore. Pendant des années, j’y suis allé presque tous les jours. Je n’exagère pas. C’était ainsi (...). Ce premier opéra que j’étais allé voir en 1983 au Bolchoï, et qui était en tournée au Théâtre Mariinski, c’était Eugène Onéguine. »

À l'issue de ses études à l'Académie russe des arts du théâtre, il obtient en 1993 le diplôme de metteur en scène et commence pourtant sa carrière par le théâtre, au Théâtre d'art dramatique russe de Lituanie[2], à Vilnius. Mais de son propre aveu, il réalise bientôt que c'est l'opéra son vrai domaine : « Après des années de travail au théâtre dramatique, quand on m’a proposé par hasard de mettre en scène un opéra, là, dans les premiers temps, j’ai senti un déclic. Tout était enfin réuni, la boucle était bouclée : mes premières passions, mon métier, ma nature. J’ai retrouvé un sentiment d’harmonie et je me sentais à ma place. »[3]

Metteur en scène d'opéras

Dmitri Tcherniakov a mis en scène de très nombreuses œuvres et visité de nombreux répertoires différents des XIXe et XXe siècles, avec une prédilection pour les compositeurs russes, Tchaikovski, Rimsky-Korsakov, Chostakovitch, Prokofiev, Borodine, Stravinsky, mais abordant également les répertoires allemands, italiens et français.

Il crée sa première mise en scène lyrique en 1998 à Novossibirsk avec une création, celle du Jeune David (Молодой Давид) de Vladimir Kobekine, pour laquelle la presse salue le travail du jeune metteur en scène en ces termes : « En plus des effets scéniques, Tcherniakov montre également un excellent travail avec les acteurs, les figurants et une capacité de parler avec le public dans un langage théâtral moderne »[4]. Sa célébrité en Russie vient avec la mise en scène de La Légende de la ville invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia de Rimski-Korsakov qu'il monte 2001 au Mariinsky de Saint-Pétersbourg, là où l'opéra avait été joué pour la première fois en 1907. Il reprend d'ailleurs sa scénographie pour une coproduction de l'Amsterdam Music Theater (2012)[5], la Scala de Milan et le Liceu de Barcelone[6] (2014). L'une des représentations d'Amsterdam donne lieu à une captation publié en DVD chez Opus Arte[7].

Après son succès au Mariinsky en 2001, sa carrière se développe rapidement en Russie avec notamment les mises en scène remarquées de The Rake's Progress (2002) de Stravinsky, Eugène Onegine de Tchaikovski, Wozzeck de Berg[8], puis deux œuvres lyriques de Glinka Rouslan et Ludmila (2011) au Théâtre Bolchoi de Moscou et Une vie pour le tsar de (2004), avant son premier Wagner, Tristan und Isolde (2005), au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg[9], mais aussi Aida de Verdi à l'opéra de Novossibirsk (2004).

Rouslan et Ludmilla, donné pour la réouverture du Théâtre du Bolchoi en 2011, donne lieu à la publication d'un DVD par le label Bel Air en 2017, le travail de Tcherniakov étant ainsi salué « D’une grande sensibilité, la mise en scène de Dmitri Tcherniakov adapte le conte de fée à notre réalité contemporaine, mais avec toujours beaucoup d’intelligence et d’adéquation. »[10].

Les mises en scène de Tcherniakov sont rapidement remarquées en Europe, notamment en Allemagne, avec Boris Godounov de Moussorgski à Berlin (2005), Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch au Deutsche Oper am Rhein (2008), où il est souligné « un travail de bout en bout professionnel, surtout dans la caractérisation des personnages et dans la direction des acteurs »[11], La Khovanchtchina de Moussorgski au Bayerische Staatsoper (2007)[12], puis le Joueur de Prokofiev, en 2008, à l'opéra de Berlin[13]

Il se fait connaitre en France avec Eugène Onéguine, à l'opéra Garnier en 2008, invité par Gerard Mortier alors directeur de l'Opéra de Paris. Les caractéristiques de cette mise en scène sont à nouveau soulignées, comme une marque de fabrique de Dimitri Tcherniakov « Drame de la solitude et de la frustration des corps et des âmes, cette adaptation a lieu en vase clos, dans l’univers ouaté d’un salon bourgeois »[14]. Gerard Mortier lui confie également une nouvelle mise en scène de Macbeth de Verdi, plus controversée et qualifiée de « transposition hasardeuse, charcutant allègrement la partition. »[15], critique qui sera souvent formulée à l'encontre des audaces du metteur en scène russe, même si les points de vue s'accordent rarement à son propos puisque Forumopera a vu dans ce Macbeth « une conception totalement renouvelée de l’oeuvre qui utilise la nouvelle technologie, transpose le drame, ses enjeux et ses personnages dans un lieu et à une époque indéterminés, avec originalité et modernité »[16].

Au fil des années, les controverses se poursuivent et s'amplifient avec les mises en scène de Don Giovanni de Mozart en 2010 au Festival d'Aix-en Provence, qui « qui revisite de fond en comble Don Giovanni. »[17] et qui sera reprise par le festival, en 2013, avec quelques changements dans la mise en scène[18], Dialogues des carmélites de Poulenc, en 2011, à Munich[19] où il modifie le dernier tableau de l'oeuvre et créée un scandale qui se terminera d'ailleurs par un procès intenté par les descendants de la famille Bernanos qui contestent la mise en scène[20] et tentent d'interdire la sortie d'un DVD, mais échouent finalement dans leur entreprise[21].

Il poursuit également son travail sur les opéras de Verdi, avec Il Trovatore en 2012 à la Monnaie de Bruxelles[22], Simon Boccanegra en 2012 à l'ENO, repris l'année suivante à Munich[23], sur les oeuvres françaises avec Pelléas et Mélisande de Claude Debussy en 2016 à l'Opéra de Zurich[24], le très controversé Carmen de Bizet à Aix-en-Provence en 2017[25], puis le grand opus des Troyens de Berlioz en 2019 à l'Opéra de Paris, auquel, outre la mise en scène transposée, il lui est reproché d'avoir coupé des parties importantes de la partition [26].

Il poursuit également son exploration des oeuvres de Wagner, avec successivement Parsifal en 2015 au Staatsoper de Berlin (alors hébergé par le Schiller Theater)[27], Tristan und Isolde au Staatsoper de Berlin en 2018, tous deux sous la direction de Daniel Barenboim, Der fliegende Holländer au festival de Bayreuth[28] à partir de l'été 2022 pour cinq années de suite[29] et le Ring, cycle complet donné au Staatsoper de Berlin en 2022[30] qui aurait dû être dirigé par Daniel Barenboim, et le sera par Christian Thielemann[31].

C'est cependant dans l'opéra russe qu'il est le plus prolifique et fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York avec un spectaculaire Prince Igor de Borodine en 2013[32] , La Fiancée du tsar de Rimski-Korsakov, toujours en 2013, mais au Staatsoper de Berlin, dans les deux cas avec la jeune mezzo-soprano Anita Rachvelichvili[33], ou encore cette association originale de deux oeuvres de Tchaïkovski, l'opéra Iolanta et le ballet Casse-noisette à l'Opéra Garnier au printemps 2016, avec sortie d'un DVD en 2018, également salué comme « Ré-inventant constamment l’espace de jeu, elle est une des plus spectaculaires du grand metteur en scène russe »[34]. Toujours à l'opéra de Paris, il fait découvrir La Fille de neige (Snégourotchka) de Rimski-Korsakov en 2017. Parmi les oeuvres rares hors Russie, il offre également Le Conte du tsar Saltan au théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles en 2019[35] et Les Fiançailles au couvent de Prokofiev à Berlin en 2020[36]. Il fait son retour au théâtre du Bolchoï à Moscou, en 2020, en reprenant sa mise en scène de 2008, de Sadko de Rimski-Korsakov qui sort en DVD en 2021[37]. En 2023, il se lance dans la mise en scène de Guerre et Paix de Prokofiev, à l'Opéra de Munich, sous la direction de Vladimir Iourovski, avec Arsen Soghomonyan et Olga Kulchynska, où sa réussite est saluée[38].

Il se produit également durant l'été 2023, au Festival d'Aix-en-Provence avec un Così fan tutte de Mozart transposé entre protagonistes d'âge mûr se livrant à des jeux échangistes, ce qui soulève à nouveau la polémique et que Le Monde juge « brillant et subversif »[39].

En septembre 2023, c'est à la Ruhrtriennale de Bochum que Dmitri Tcherniakov met en scène De la maison des morts le drame lyrique de Leoš Janáček dans la Jahrhunderthalle (Halle du Centenaire de Wrocław) que décrit ainsi l'article de ResMusica : « un ancien bâtiment industriel devenu une vaste salle modulable ». Dans cet espace « Le metteur en scène Dmitri Tcherniakov ne se prive pas d’exploiter à fond cette modularité : pas de coupure entre salle et scène, pas de places assises, pas de décor, mais une vaste structure métallique encadrant ce qu’on nous présente comme la cour de la prison »[40].

Liste des mises en scène et vidéographie

La plupart des mises en scène de Dmitri Tcherniakov ont fait l'objet de captation vidéo et de sorties DVD sous le label Bel-Air.

Opéra

Ballet

Récompenses

Notes et références

  1. « Dmitri Tcherniakov », sur Opéra national de Paris (consulté le )
  2. (ru) Русский драматический театр Литвы ; (lt) Lietuvos rusų dramos teatras.
  3. « Dmitri Tcherniakov : « L’opéra nous parle de nos peurs, de nos illusions, de nos déceptions » », sur Forum Opéra, (consulté le )
  4. « Золотая маска 2000: Опера: Молодой Давид », sur www.theatre.ru (consulté le )
  5. « La Légende de la ville invisible de Kitège (Nederlandse Opera 2012 - Tcherniakov) - The Legend of the Invisible City of Kitezh - Critique Blu-ray », sur Tutti-magazine (consulté le )
  6. « La Légende de la ville invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia de Rimski-Korsakov », sur France Musique, (consulté le )
  7. « La Légende de la ville invisible de Kitège », sur Avant Scène Opéra (consulté le )
  8. Maxime Kaprielian, « Wozzeck par Tcherniakov : sanglant », sur ResMusica, (consulté le )
  9. « Dmitri Tcherniakov », sur www.mariinsky.ru (consulté le )
  10. Steeve Boscardin, « Le Ruslan et Lyudmila de Dmitri Tcherniakov », sur ResMusica, (consulté le )
  11. Andreas Laska, « Lady Macbeth de Mzensk vu par Dmitri Tcherniakov, opéra à couper le souffle », sur ResMusica, (consulté le )
  12. « Khovanschina - Munich - Nagano Tcherniakov », sur www.forumopera.com (consulté le )
  13. « Prokofiev Le Joueur Ognovenko Opolais Didyk Rud Barenboim Tcherniakov - Cm701804 - Opera - by C Major », sur www.clicmusique.com (consulté le )
  14. « Eugène Onéguine — Paris (Garnier) », sur Forum Opéra (consulté le )
  15. Maxime Kaprielian, « Macbeth de Tcherniakov : réunion de copropriétaires », sur ResMusica, (consulté le )
  16. Francois Lesueur, « Macbeth — Paris (Bastille) », sur Forum Opéra (consulté le )
  17. Maxime Kaprielian, « Don Jack Nicholson », sur ResMusica, (consulté le )
  18. Maxime Kaprielian, « Don Giovanni, Tcherniakov et Aix, bis repetita », sur ResMusica, (consulté le )
  19. Maxime Kaprielian, « Dialogues des carmélites chez les Ingalls », sur ResMusica, (consulté le )
  20. La Rédaction, « Une mise en scène du Dialogue des Carmélites de Poulenc de nouveau contestée par les héritiers du compositeur », sur ResMusica, (consulté le )
  21. Benoît Fauchet et auteur-benoit_fauchet, « Issue heureuse pour Dmitri Tcherniakov dans l'affaire des Dialogues des Carmélites. La cour d'appel de Versailles a estimé que sa mise en scène des Dialogues des carmélites à Munich (2010, publiée en vidéo par BelAir Classiques) n'avait pas dénaturé l'œuvre de Bernanos et Poulenc. », sur Diapason, (consulté le )
  22. « Il trovatore », sur Forum Opéra (consulté le )
  23. Dominique Adrian, « Munich : Simon Boccanegra abandonné par l'orchestre », sur ResMusica, (consulté le )
  24. David Verdier, « Tcherniakov psychanalyse son Pelléas à Zürich », sur ResMusica, (consulté le )
  25. Charlotte Saulneron, « À Aix, la Carmen thérapeutique de Tcherniakov », sur ResMusica, (consulté le )
  26. Jean-Luc Clairet, « Les Troyens de Tcherniakov fracturent l’Opéra de Paris », sur ResMusica, (consulté le )
  27. « Parsifal — Berlin », sur Forum Opéra (consulté le )
  28. Jean-Luc Clairet, « Le Vaisseau-pirate de Tcherniakov à Bayreuth », sur ResMusica, (consulté le )
  29. « Der fliegende Holländer — Bayreuth », sur Forum Opéra (consulté le )
  30. « Das Rheingold — Berlin (Staatsoper) », sur Forum Opéra (consulté le )
  31. La Rédaction, « Daniel Barenboim annule sa participation au Ring de Berlin », sur ResMusica, (consulté le )
  32. « Le Prince Igor (Met - 2014) - Prince Igor - Critique DVD », sur Tutti-magazine (consulté le )
  33. « La Fiancée du tsar — Berlin », sur Forum Opéra (consulté le )
  34. Jean-Luc Clairet, « Iolanta et Casse-noisette, la formidable réussite de Tcherniakov », sur ResMusica, (consulté le )
  35. « Le Conte du tsar Saltan — Bruxelles (La Monnaie) », sur Forum Opéra (consulté le )
  36. Jean-Pierre Robert, « Opéra : Les fiançailles au couvent de Prokofiev selon Dmitri Tcherniakov », sur ON-mag.fr, (consulté le )
  37. Pierre Degott, « Sadko mis en scène par Tcherniakov au Bolchoï », sur ResMusica, (consulté le )
  38. « À l'Opéra de Munich, le choc de «Guerre et Paix» », sur LEFIGARO, (consulté le )
  39. « Au Festival d’Aix-en-Provence, le « Cosi fan tutte » brillant et subversif de Dmitri Tcherniakov », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  40. Dominique Adrian, « La Maison morte de Janáček à la Ruhrtriennale, plus de bruit que d'orchestre », sur ResMusica, (consulté le )
  41. (en) « Cabin fever », The St. Petersburg Times, no 1075,‎ (lire en ligne).
  42. « Iolanta / Casse-Noisette - Piotr Ilyitch Tchaikovski », sur Opéra national de Paris (consulté le )
  43. « Opéra de Paris : un “Casse-Noisette” historique qui ne casse pas des briques », sur www.telerama.fr (consulté le )
  44. (ru) Page recensant les lauréats (Лауреаты) pour l'année 2002, sur le site des Masques d'Or, consultée le 13 juillet 2013.
  45. (ru) Page recensant les lauréats (Лауреаты) pour l'année 2004, sur le site des Masques d'Or, consultée le 13 juillet 2013.
  46. (ru) Page recensant les lauréats (Лауреаты) pour l'année 2005, sur le site des Masques d'Or, consultée le 13 juillet 2013.
  47. (ru) Page recensant les lauréats (Лауреаты) pour l'année 2008, sur le site des Masques d'Or, consultée le 13 juillet 2013.
  48. (ru) Page recensant les lauréats (Лауреаты) pour l'année 2011, sur le site des Masques d'Or, consultée le 13 juillet 2013.
  49. (en) Page « The 2013 winners », sur le site operaawards.org, consultée le 13 juillet 2013.
  50. (en) George Loomis, « Opera Aims for an Oscar Night of Its Own », The New York Times,‎ (lire en ligne)