La notion est introduite et développée par Jean Bénabou en 1967[1], sous le nom de profoncteurs, auquel très vite il préfère le terme de distributeurs : par analogie avec l'analyse, où les distributions donnent naissance aux fonctions, les « distributeurs » font apparaître les foncteurs.
Ross Street[2],[3] a développé dans les années 1980 la théorie dans le cadre enrichi avec Max Kelly(en)[4]. L'école de Sydney introduit également le nom de module ou bimodule pour les distributeurs, une appellation motivée par le fait que dans le cadre V-enrichi, avec V une catégorie ne contenant qu'un seul objet, les distributeurs correspondent aux bimodules entre monoïdes, dans le sens habituel.
Si on considère deux ensembles A et B, alors une relation entre ces ensembles est une application , où est l'ensemble des sous-ensembles de B.
Dans le cas où A et B sont des ensembles partiellement ordonnés , les relations correspondent aux applications monotones de A dans l'ensemble partiellement ordonné formé des sous-parties de B fermées vers le bas, ordonnées par l'inclusion, noté -- qui correspond à si B est un ensemble partiellement ordonné discret, et en ce sens généralise véritablement la notion de relation telle que définie dans le cas des ensembles.
La catégorie des ensembles partiellement ordonnés, dont les morphismes sont les applications monotones, est cartésienne fermée si bien qu'une relation entre A et B peut se voir comme une application monotone
Puisque les ensembles partiellement ordonnés sont des catégories enrichies sur 2, et que les catégories ordinaires peuvent se voir comme des catégories enrichies sur la catégorie Set des ensembles, on peut concevoir, de manière analogue, une relation entre ensembles comme la donnée d'un foncteur
Définition
Un distributeur de A vers B, noté , est un foncteur
De manière équivalente, en utilisant le fait que la catégorie Cat des petites catégories est cartésienne fermée, si on note
la catégorie des préfaisceaux sur B, alors on peut définir un distributeur de A vers B comme un foncteur
En particulier, le foncteur Hom d'une catégorie C définit un distributeur « identité » .
Si on travaille dans le cadre V-enrichi, avec V une catégorie monoidale complète, cocomplète et telle que les V-foncteurs issus de l'opération préservent les colimites, on peut définir une notion de distributeur enrichi ou V-distributeur : un tel distributeur est un V-foncteur
On dit parfois que l'existence d'un distributeur établit une correspondance de B vers A.
Bicatégorie des distributeurs
Pour les ensembles et pour les ensembles partiellement ordonnés, la catégorie des relations est une catégorie de Kleisli sur les monades engendrées par et respectivement. Dans ces cas, la composition est évidente et donnée par la composition dans la catégorie de Kleisli. Mais ce n'est pas vrai en général et la composition de distributeurs ne jouit pas de « bonnes » propriétés, en particulier l'associativité stricte. On peut donc espérer, au mieux, considérer une bicatégorie (i.e. une 2-catégorie faible) des distributeurs, notée Dist :
Les 0-cellules sont les petites catégories ;
Les 1-cellules entre deux telles catégories sont les distributeurs entre ces catégories ;
avec l'extension de Kan à gauche de
le long du morphisme de Yoneda. Dans une catégorie de préfaisceaux, on peut exprimer cette composition point par point, c'est-à-dire en termes de cofin :
ce qui se transporte aisément au cas enrichi, avec au lieu de , et permet de définir la catégorie V-Dist des distributeurs V-enrichis.
Cette composition est définie de manière universelle, et donc n'est associative qu'à isomorphisme près, en général.