L'île principale de l'atoll, appelée elle aussi Diego Garcia, accueille une base militaireaméricaine que le Royaume-Uni lui loue, et qu'il va conserver après la cession de l'archipel à Maurice[4]. Les installations comprennent un aéroport, des hangars, des locaux techniques, des habitations et autres infrastructures civiles ainsi qu'un port en eaux profondes aménagé dans le lagon.
Géographie
Localisation
Diego Garcia est situé dans le Nord de l'océan Indien, dans le Sud-Est de l'archipel des Chagos dont il constitue les terres émergées les plus méridionales[1],[5]. Les autres atolls de l'archipel des Chagos les plus proches de Diego Garcia sont le banc Cauvin et le banc Great Chagos à une cinquantaine de kilomètres au nord[6],[7],[2] ainsi que le banc Wight et le banc Pitt à environ 90 kilomètres à l'ouest[8]. Les terres émergées les plus proches sont constituées des îles Egmont situées à 122 kilomètres en direction du nord-ouest[9],[2] et le sous-continent indien se trouve à 1 792 kilomètres au nord-nord-est.
Topographie
Diego Garcia est un atoll formé d'une île principale et de trois îlots[2]. Les terres émergées mesurent 28 km2 de superficie, ce qui en fait le plus grand atoll de l'archipel des Chagos[1],[10], pour 44 km2 de superficie totale, lagon inclus[2],[1]. L'atoll mesure environ 24 kilomètres de largeur pour environ 56 kilomètres de longueur[11]. L'île principale est un étroit cordon sablonneux s'étirant en forme de fer à cheval dans l'ouest, le sud et l'est de l'atoll[2]. Les trois autres îlots se trouvent dans le nord de l'atoll, au niveau des passes récifales[2]. Celui du centre est entouré par le plus grand récif frangeant de l'atoll[2].
Le point culminant de l'archipel des Chagos se trouve sur Diego Garcia avec une altitude de quinze mètres[1]. Ce relief, bien que peu prononcé, tranche avec la majorité de l'île et le reste de l'archipel dont l'élévation ne dépasse généralement pas deux mètres au-dessus du niveau de la mer[1],[11],[12].
Le lagon de l'atoll mesure 21 kilomètres de longueur, 11 kilomètres de largeur au maximum pour une trentaine de mètres de profondeur[2],[11]. Il communique avec la pleine mer dans le nord de l'atoll au niveau de trois passes, les deux plus grandes étant la passe Principale à l'ouest et la passe Barton à l'est[2]. Ces trois passes sont délimitées par les deux extrémités de l'île de Diego Garcia et par trois îlots[2].
La partie occidentale de l'atoll est la plus urbanisée avec la présence des bureaux du territoire britannique de l'océan Indien, la base militaireaméricaine, les habitations, les bureaux de la réserve naturelle de l'archipel des Chagos et celui du contrôle des pêches[réf. nécessaire], etc. La partie orientale est quant à elle relativement préservée grâce à son inclusion dans la réserve naturelle de l'archipel des Chagos[réf. nécessaire].
Les premières observations botaniques de l'île sont réalisées par A. Hume en 1883. À cette époque, les cocoteraies sont exploitées depuis déjà un siècle. Des études et des collections subséquentes sont faites en 1885, 1905, 1939 et 1967 ; l'état de la végétation originelle est par conséquent inconnue ou de manière très fragmentaire[13].
La faune maritime est abondante avec plus de 700 espèces recensées[11] qui bénéficient des eaux parmi les plus pures au monde[14]. Ces espèces aquatiques se trouvent en grande majorité au niveau du récif corallien qui entoure l'atoll[11] et qui compte parmi les récifs les plus sains du monde[15].
La loi britannique protège toute espèce animale et végétale, y compris marine à l'exception des espèces pélagiques, ce qui contribue à préserver les écosystèmes de Diego Garcia[11]. Ainsi, la partie orientale de Diego Garcia et de ses fonds sous-marins qui n'est pas dévolue aux activités de la base militaire américaine constitue un site Ramsar, une convention protégeant les zones humides et aquatiques[16],[17],[18]. Le Chagos Conservation Trust, un organisme chargé de la préservation des écosystèmes de l'archipel des Chagos, préconise l'extension des zones protégées à l'intégralité des atolls, y compris à Diego Garcia qui pourrait accueillir un centre scientifique[18].
Histoire
Découverte et colonisation
Diego Garcia est découvert en 1512 par le navigateurportugaisPedro de Mascarenhas[19],[20], d'abord comme « Dom Garcia », en l'honneur de son patron, Dom Garcia de Noronha. Au début de cette année, il naviguait dans une flotte sous l'égide de Noronha, qui allait plus tard passer au troisième vice-roi de l'Inde (1538-1542). Toutefois, il est généralement admis que l'île a été nommée principalement en fonction de Diego García de Moguer, un Espagnol au service des Portugais qui, en 1544, a mené une expédition portugaise et a redécouvert l'archipel des Chagos. Il a donné son nom à la plus grande des îles. Il est mort sur le chemin du retour au milieu de l'océan Indien, au large de la côte sud-africaine[21],[22]. L'ajout de « Diego » au nom de l'île peut aussi être le fait des Britanniques quand ils ont copié les cartes portugaises. En outre, une corruption de la déclaration Deo Gracias (« Dieu merci ») est une hypothèse possible. Les détails de la découverte ainsi que la véritable origine du nom n'ont pas encore été documentés.
En 1965, Diego Garcia, de même que le reste de l'archipel des Chagos et quelques îles seychelloises, est intégré au territoire britannique de l'océan Indien nouvellement formé par le regroupement d'îles jusqu'alors dépendantes des colonies britanniques de Maurice et des Seychelles[1],[10]. Cette création se fait avec l'accord de Maurice dans le cadre de sa future indépendance qui surviendra le [1]. Néanmoins, Maurice change son point de vue et réclame depuis cette date la souveraineté sur l'archipel des Chagos[1].
En 1971, les Chagossiens de Diego Garcia et les habitants des autres îles du territoire britannique de l'océan Indien sont déportés par le Royaume-Uni, à la demande des États-Unis, vers les Seychelles et Maurice dans le cadre du développement des activités militaires dans l'atoll[1],[10]. Depuis, Diego Garcia ne compte plus de population indigène[1]. Certains des anciens habitants de l'atoll y sont toutefois revenus en tant que visiteurs en avril 2006 mais sans possibilité de retourner y vivre[1]. Les Chagossiens continuent de réclamer un droit au retour sur Diego Garcia et, malgré plusieurs décisions favorables des cours de justice britanniques, le gouvernement du Royaume-Uni utilise des pouvoirs spéciaux pour empêcher leur retour[24].
L'apparition de la guerre froide et l'accroissement de la présence soviétique dans des pays riverains de l'océan Indien conduisent les États-Unis à rechercher une base d'opérations, notamment avec la perte de l'allié iranien. L'installation de structures militaires sur Diego Garcia est accordée par les Britanniques aux Américains pour cinquante ans à la suite de discussions conclues en 1966[10] avec un renouvellement optionnel d'une durée de vingt ans ce qui porte son expiration à 2036[25]. La construction de la base militaire débute en lorsque des Seabees, une unité de génie militaire de l'armée des États-Unis, sont débarqués sur Diego Garcia[10]. Elle sera opérationnelle en 1986.
Le gouvernement américain ayant exigé au cours des négociations un « contrôle exclusif », le gouvernement britannique entreprend d'expulser peu à peu les Chagossiens, habitants autochtones de l'archipel : interdiction de retour après un voyage, restriction de l'approvisionnement en nourriture et en médicaments, empoisonnement et gazage de tous les chiens, etc. En 1973, les derniers habitants sont déportés par cargo vers les Seychelles et l'île Maurice[26].
Cette installation reste modeste par rapport aux autres bases navales américaines avec, en 2011, moins de 300 militaires et cinq navires de soutien déployés en permanence[29].
Le , la partie centrale de l'océan Indien est parcourue par un tsunami parti des côtes indonésiennes en raison du tremblement de terre survenu à Sumatra. Néanmoins, Diego Garcia n'est pas touché par les vagues contrairement aux Maldives situées plus au nord. La fosse des Chagos située à l'est en direction de la source des vagues et profonde de 5 000 mètres aurait absorbé une partie de l'énergie du tsunami qui s'est mué en une marée de deux mètres de hauteur qui a contourné l'atoll au lieu de concentrer son énergie sur lui[30].
Présences et activités humaines
Démographie et économie
Diego Garcia est le seul atoll de l'archipel des Chagos à être habité[2]. En , 4 000 personnes, essentiellement des militairesbritanniques et américains, vivent de manière plus ou moins permanente sur l'atoll[1]. Les civils sont représentés par des Britanniques, des Américains, des Mauriciens et des Philippins[1]. Ces derniers sont employés par l'administration britannique pour le développement des installations militaires et pour assurer des services divers[1]. L'accès à Diego Garcia est restreint, que ce soit pour les civils ou les militaires et ces derniers ne peuvent se trouver en même temps sur l'île lorsqu'ils sont en couple[11].
Hormis la base militaire, la seule autre activité économique sur Diego Garcia est la vente de licences de pêche et l'émission de timbres postaux[1]. Elle dispose également d'une station de contrôle du signal GPS (MS Monitor Station) dont le but est d’enregistrer les signaux émis par les satellites et effectuer des mesures météorologiques[réf. nécessaire].
Administration
Malgré la présence américaine, la loi applicable sur Diego Garcia est celle du Royaume-Uni, l'île faisant partie du territoire britannique de l'océan Indien[1]. Le commissionnaire et l'administrateur de ce territoire résident au Royaume-Uni mais sont représentés sur Diego Garcia par un officier[1],[10].
La seule raison d'être d'une présence humaine dans l'atoll étant constitué par la base militaire, celle-ci fournit certains services à l'administration du territoire britannique de l'océan Indien telle que la production d'électricité, les communications téléphoniques, la connexion à internet, etc[1]. De plus, la livre sterling est officiellement en usage mais le dollar américain est aussi en circulation[1]. Les services britanniques ont néanmoins en charge la radiodiffusion, la gestion du domaine internet.io, la télévision avec une chaîne interne à l'atoll et la sécurité, assurée par les Royal Overseas Police Officers[1].
Le , l'Assemblée générale des Nations unies (94 voix pour, 15 contre et 65 abstentions) a demandé à la Cour internationale de justice de rendre un avis consultatif portant sur le respect, par le Royaume-Uni, des règles pertinentes du droit international lors du processus de décolonisation. La Résolution interroge également la Cour sur les conséquences juridiques de la séparation de l'archipel de Maurice en 1965 et du maintien de l'archipel sous administration britannique[31]. L'analyse du vote révèle un soutien des pays majeurs du Sud (Afrique du Sud, Algérie, Cuba, Égypte, Inde, Nigeria, Philippines, Vietnam, etc) à Maurice, alors que l'opposition provient des proches alliés des États-Unis et du Royaume-Uni (Australie, Israël, Japon, France, etc)[32]. En septembre 2018, Maurice a porté l'affaire devant la Cour internationale de justice pour obtenir un avis consultatif contre les objections britanniques[33]. En 2016, les autorités britanniques reconduisent pour 20 ans le prêt de l'île de Diego Garcia aux États-Unis[34].
Le , dans un avis consultatif, la Cour internationale de justice estime que le Royaume-Uni a « illicitement » séparé l’archipel des Chagos de l’île Maurice après son indépendance en 1968[35],[36].
Le , Pravind Jugnauth, premier ministre de Maurice, était à Londres pour assister à un sommet sur les investissements du Royaume-Uni en Afrique. Il s'est entretenu avec les chefs des gouvernements de l'Afrique du Sud, du Kenya, de la Côte d'Ivoire et du Mozambique. Il a indiqué que « Port-Louis étudiait la possibilité d’entamer des poursuites contre des responsables britanniques devant la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité. »[38]
Le , la nouvelle carte publiée par l'ONU fait apparaître l'archipel des Chagos comme territoire mauricien[39].
La Chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer des Nations unies a conclu dans son arrêt du 28 janvier 2021[40] que la revendication de souveraineté par le Royaume-Uni sur l’archipel des Chagos va à l’encontre des conclusions faisant autorité formulées dans l’avis consultatif de l’Assemblée générale de l'ONU (résolution 73/295[41]).
Le 3 octobre 2024, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le Premier ministre mauricien Pravind Jugnauth annoncent conjointement qu'un accord avait été conclu en vertu duquel le Royaume-Uni allait céder sa souveraineté sur le territoire, mais que la base militaire de Diégo Garcia resterait en place pendant au moins quatre-vingt-dix-neuf ans[42],[43]. Aucun débat sur l'accord n'a eu lieu au Parlement du Royaume-Uni, et l'accord a attiré les critiques de politiciens de l'opposition de premier plan tels que James Cleverly, qui, en tant que ministre des Affaires étrangères, avait pourtant initié les pourparlers[44]. Les chagossiens, chassés lors de la militarisation dans les années 1960-70, se plaignent aussi de ne pas avoir été consultés[4].
Base militaire
Les objectifs militaires de la baseaéronavale(en)américaine de Diego Garcia sont d'apporter un soutien logistique aux opérations militaires des pays du pourtour de l'océan Indien où les États-Unis sont engagés[10] avec, entre autres, des stocks de matériel embarqués à bord de cargos ayant l'île comme port d'attache dénommé Army Prepositioned Stocks 3[45]. Dans cette région du monde qui inclut aussi le Proche et le Moyen-Orient, Diego Garcia constitue ainsi le « fer de lance » de l'armée américaine[10]. Occasionnellement, une flotte de bombardiers dont des B-2 est basée sur Diego Garcia qui est utilisée comme base de départ de raids de bombardement durant la guerre du Golfe de 1991, la guerre d'Afghanistan de 2001 et la guerre d'Irak de 2003. Une des stations GEODSS de surveillance des objets artificiels en orbite est ouverte en 1987[46].
Les autorités américaines sont suspectées d'utiliser les installations de la base comme centre de détention secret où l'on pratiquerait la détention arbitraire et la torture[48],[49],[50].
À la suite de la disparition du vol 370 Malaysia Airlines en 2014, une thèse suggère que l'avion aurait été abattu alors qu'il se dirigeait en direction de la base[51],[52].
Diego Garcia est l'un des deux seuls territoires britanniques où les véhicules roulent à droite (l'autre territoire étant Gibraltar)[53].
« Diego Garcia », Le Dessous des cartes, Arte, Allemagne-France, 2004, première diffusion le 3 mars 2004
Thalassa, chaine de télévision France 3, France, 2010, première diffusion le 23 avril 2010
Chagos Conservation Management Plan par Dr Charles Sheppard et Dr Mark Spalding, du Department of Biology Sciences de l’Université de Warwick (Royaume-Uni)
Stealing a Nation, documentaire de John Pilger, 2004
Thierry Ollivry, Diego Garcia : enjeux stratégiques, diplomatiques et humanitaires, L'Harmattan, 2008 (ISBN978-2-296-05276-5)
Shenaz Patel, Le silence des Chagos, Éditions de L'Olivier/Le Seuil, 2005 (ISBN2-87929-454-1)