Charles Le Goux de La Berchère naquit alors que sa mère était en route pour rejoindre son époux à Grenoble. À la mort de celui-ci (), ils revinrent à Dijon, puis, en , Charles fut envoyé au collège d'Harcourt à Paris ; il y étudia la théologie et il fut reçu docteur en Sorbonne. Il séjourna ensuite au séminaire de Saint-Sulpice.
Devenu aumônier du roi Louis XIV grâce au crédit de sa mère, il le suivit durant ses campagnes de Flandres. Nommé évêque de Lavaur le , il rédigea alors des statuts synodaux pour son diocèse, publiés à Toulouse en . Le roi le plaça ensuite à l'archevêché d'Aix le ; cependant, Innocent XI, alors en conflit avec Louis XIV (affaire de la régale), n'envoya pas ses bulles et Charles Le Goux n'administra son diocèse qu'en tant que vicaire général du chapitre.
Archevêque d'Albi
En , il devint archevêque d'Albi, mais, pour la même raison qu'à Aix, il ne reçut ses provisions de Rome pour ce siège que le . Il fit venir dans son diocèse des religieuses de Gaillac pour soigner les malades dans le nouvel hôpital qu'il avait fait bâtir à Albi. Il obtint de l'église Sainte-Eulalie de Bordeaux des reliques de saint Clair, premier évêque d'Albi, qu'il fit mettre dans une chasse d'argent et donna à sa cathédrale. La Berchère effectue de nombreuses visites pastorales dans son diocèse. Il apparaît comme un parfait exemple de prélat tridentin. Ces visites pastorales constituent une source inestimable pour l'histoire du diocèse d'Albi et du catholicisme dans la France de Louis XIV.
Il publia des statuts synodaux le , et un nouveau bréviaire en , où l'office garde l'ancienne structure, mais les textes sont entièrement refondus et l'antiphonaire rompt avec le vieux chant médiéval[4].
Il relança la construction de la nef de la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur dont il posa la première pierre (), dans laquelle fut scellée une cassette renfermant des reliques des saints Just et Pasteur (actuelle cour Saint-Eutrope).
Érudit, Charles Le Goux de La Berchère avait constitué une splendide bibliothèque qu'il avait léguée aux Jésuites sur les instances du père Jacques Vanière, mais cette disposition testamentaire fut attaquée en devant le Conseil d'état par les héritiers du prélat, et ces derniers obtinrent gain de cause. La bibliothèque fut ensuite revendue à l'archevêque de Narbonne René François de Beauvau du Rivau, successeur de Charles Le Goux de La Berchère. À sa mort, elle fut acquise par le cardinal Étienne-Charles de Loménie de Brienne, qui en fit don à la bibliothèque publique de Toulouse qu'il avait créée en . Une partie de ces livres est conservée aujourd'hui à la bibliothèque universitaire de Toulouse.
En , il fut nommé membre honoraire de l'Académie de Montpellier, nouvellement créée. Il fut l'initiateur de la collection lapidaire des archevêques de Narbonne : il fit rassembler, dans le jardin et sous le grand escalier du palais neuf, des éléments issus des monuments antiques disparus[5]. Mais surtout, ce fut lui qui, le , en sa qualité de président, proposa aux États de Languedoc de faire rédiger à leurs frais une histoire complète de la province[6], ouvrant ainsi la voie à la publication entre et de l'Histoire générale de Languedoc. Il suivit cette œuvre avec attention : ayant confié sa rédaction aux bénédictins de Saint-Maur, le père général désigna deux historiens renommés, dom Pierre Auzières et dom Antoine-Gabriel Marchand. Ceux-ci visitèrent cinq années durant les bibliothèques de la province, et consultèrent probablement les registres de délibération des États ; mais ils ne manifestèrent pas l'intention de dépouiller les archives, et entrèrent rapidement en conflit avec l'archevêque sur ce point. Il demanda leur révocation, mais n'obtint que la nomination de deux savants supplémentaires, dom Claude Devic et dom Joseph Vaissète (). Ce seront néanmoins eux, une fois leurs prédécesseurs mis à l'écart, qui mèneront à bien l'entreprise. La Berchère soutiendra leurs travaux jusqu'à sa mort[7], advenue le [8], sans en connaître l'aboutissement. Signalons qu'il avait aussi fait approuver en , par l'assemblée du clergé, la réimpression de la Gallia Christiana[9].
Charles Le Goux de La Berchère a été inhumé dans la chapelle Saint-Charles de la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur.
Œuvres imprimées
Harangue faite au Roy sur son avènement à la couronne & sur la mort du Roy son bisaïeul, par Monseigneur l'Archevêque de Narbonne, président de l'assemblée générale du clergé, le mardy de l'année 1715, Paris, 1715.
Proprium sanctorum ecclesiae metropolitanae ac diocesis albiensis : Juxta ritum Breviarii et Missalis Romani. Illustrissimi ac reverendissimi Dom. D. Caroli Le Goux de La Berchere, archiepiscopi & domini Albiensis, authoritate editum., Albi, Guillaume Pech, (lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
Chapuis V., Bach A., Catalogue d'exposition : Aux origines des collections patrimoniales des bibliothèques universitaires toulousaines, Toulouse, s.d.. [3]
Devic C., Vaissète J., Histoire générale de Languedoc, tome I (Introduction historique, pp.18-20[10]) et tome IV, Toulouse, Privat, 1876.
Cabayé (Olivier), Gras (Guillaume), L'Albigeois à la fin du XVIIe siècle. Les visites pastorales de Charles Le Goux de la Berchère, Albi, Archives & Patrimoine, 2009, 470 p.
Michaud J., Cabanis A., Histoire de Narbonne, Privat, Toulouse, 1981.
Iconographie
Bon Boullogne (attribuée à), Portrait de Charles Le Goux de La Berchère, archevêque de Narbonne, huile sur toile, XVIIe s. Conservée au Musée d'art et d'histoire, Narbonne.
Anonyme, Portrait de Charles Le Goux de La Berchère, archevêque de Narbonne, peinture, XVIIe s. Conservée dans l'ancienne cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur de Narbonne. Classée monument historique.
↑Description des armes de Charles Le Goux de La Berchère (D'argent à la tête de More de sable tortillée d'argent, accompagnée de trois molettes de gueules) : voir [1].
↑James R. Farr, The death of a judge: performance, honor, and legitimacy in seventeenth-century France, The Journal of Modern History, 75, 2003, pp. 1-22 ([2]). À cause de l'opposition du parlement de Dijon à la politique de Richelieu et de Louis XIII, Pierre Le Goux de La Berchère perdit la faveur du prince de Condé, gouverneur de Bourgogne et fut exilé ().
↑Michaud J., Cabanis A., Histoire de Narbonne, Privat, Toulouse, p.216.
↑Notice du musée lapidaire, Service Culture, Mairie de Narbonne, sans date.
↑Son idée directrice était que « les monumens qui sont demeurés inconnus jusques à présent dans les archives de cette Province, peuvent donner la connoissance de plusieurs faicts importans que nous ignorons ou qui n'ont pas été sufisamment dévelopés ; que l'on peut juger par les morceaux d'histoire imparfaits, mais curieux & recherchés que nous tenons d'un petit nombre d'autheurs (...), combien seroit estimable une histoire complette, où en détaillant tous les faits, on n'oublieroit rien de ce qui concerne les mœurs, les coutumes & le gouvernement politique de ceux qui nous ont précédé ». Il précise qu'elle lui est venue après avoir lu l'Histoire de Bretagne de Dom Lobineau, parue peu de mois auparavant. Devic C., Vaissète J., Histoire générale de Languedoc, tome I (Pièces justificatives à l'Introduction historique : Délibération des Estats de Languedoc pour faire travailler à l'histoire de la Province, 24 janvier 1708 ; p.103).
↑Dans une lettre datée du , il leur écrit : Je me contenteray de vous prier l'un & l'autre de me donner de vos nouvelles au moins tous les trois mois. Devic C., Vaissète J., Histoire générale de Languedoc, tome I (Pièces justificatives à l'Introduction historique, p.168).
↑À cette occasion, Saint-Simon écrit : "L'archevêque de Narbonne mourut dans son diocèse. Il s'appeloit Le Goust : il étoit frère de La Berchère qui avoit passé sa vie maître des requêtes, dont le fils, guère plus esprité mais fort riche, étoit devenu conseiller d'État et chancelier de M. le duc de Berry, parce qu'il avoit épousé une fille du chancelier Voysin. Le prélat avoit été évêque de Lavaur, puis archevêque d'Aix, après de Toulouse, enfin de Narbonne. C'étoit un vilain homme, sec et noir avec les yeux bigles, qui avoit été ami intime du P. de La Chaise. L'âme en étoit aussi belle que le corps en étoit désagréable ; très-bon évêque et pieux, sans fantaisie et sans faire peine à personne, adoré partout où il avoit été, beaucoup d'esprit et facile, et l'esprit d'affaires et sage, possédant au dernier point toutes celles du clergé, et venant à bout des plus difficiles sans faire peine à personne, allant au bien, parlant franchement aux ministres et en étant cru et considéré. Ce fut une perte qui ne fut pas réparée par M. de Beauvau qui lui succéda (...)." Saint-Simon (Louis de Rouvroy, duc de), Mémoires, t.17, Hachette, Paris, 1856-58, p.214.
↑Les éditeurs de l'Histoire générale de Languedoc indiquent leurs sources : Gauteron, Éloge historique, in Histoire de la Société des Sciences de Montpellier, tome II, p.78, 1778, ainsi que trois oraisons funèbres publiées en 1730 (BN).